Sebphiroth Hors Ligne Membre Inactif depuis le 18/03/2013 Grade : [Kuriboh] Echanges (Aucun) Inscrit le 21/07/2009 85 Messages/ 0 Contributions/ 0 Pts | Envoyé par Sebphiroth le Mardi 17 Août 2010 à 11:09
Jango !
Voici le chapitre 24, qui se révèle très intéressant par deux aspects : de un, on y découvre un nouveau personnage qui va être très important, de deux, on y réapprendre le fonctionnement de base du Jeu des Ténèbres...
Bonne lecture !
Chapitre XXIV : Le secret d’Elsamman
Egypte, lac Qârûn, Sud-ouest du Caire.
Le vent balaie le sable sans discontinuer, le soulevant en larges vagues d’un ocre sale qui trouble le gris du ciel nuageux. L’eau sombre du lac se soulève lentement, en une houle rapide qui bat les rives dans un froissement ininterrompu. Les palmiers tanguent au rythme des maelströms, chantant leur long bruissement. Il fait chaud, très chaud. Lourd. Les Gravelots, les Coucals, qui habituellement piaillent sans se reposer, se taisent, écrasés par la moiteur de l’air. Les lourds nuages qui encombrent le ciel empêchent la lumière de passer, et seuls quelques rayons isolés illuminent le sombre décor de Qârûn.
Près de l’eau, une cabane de bois, grinçante et craquante. On dirait que le vent l’attaque sans discontinuer, inlassablement, tandis que, malgré les quelques planches qui la composent, elle résiste vaillamment. Elle n’est pas grande : il doit y avoir de la place pour deux pièces. La porte est surmontée d’un préau de bois, qui fait prise au vent ; à ses coins, deux crochets servent habituellement à accrocher une toile. Il est soutenu par deux piques de fer, enfoncées dans le sable. Les palmiers ne sont pas loin, à quelques mètres ; et l’eau sombre du Qârûn n’est qu’à une vingtaine de pas. A l’intérieur, aucun bruit.
Un cheval alezan galope vers la cabane ; mais le bruit de son pas est occulté par les hurlements du vent et le fracas du sable. Son poil est humide de sueur, il court depuis le Caire sans aucun repos, sous la chaleur moite de cet orage prochain. Sur son dos, une femme. Elle est vêtue d’une ample tunique de bédouin, autrefois blanche ; un grand turban protège son visage du sable. On ne voit que l’espace de ses yeux ; sa peau est d’un noir d’ébène. Elle transporte, accroché au flanc du cheval, une mallette d’acier.
Le cheval arrive à hauteur de la cabane, et, tirant sur les rênes, la femme l’arrête ; elle descend et l’attaque à l’un des piquets. Puis, elle décroche sa mallette, et marche vers la porte, sur laquelle elle frappe trois coups. Un moment d’immobilité ; et la porte s’ouvre, la laissant passer.
Le jeune homme qui avait ouvert la porte la referma aussitôt, pour que le sable n’entre pas. La femme regarda autour d’elle. La pièce était petite, mais prenait une grande part de la surface de la cabane. Le sol était de planches de bois, et recouvert en son centre d’un tapis rond, orné de motifs colorés. Dessus était une table de bois, simple et vide. Dans un coin il y avait une paillasse. Deux chaises rustiques, une commode, un fauteuil large et profond, qui devait être la seule chose en bon état de la maison. Une fenêtre sur chaque mur, étroites ; mais il n’y avait pas de lumière à laisser passer. La lumière venait des quelques lampes à huile posées çà et là sur les meubles.
Le jeune homme qui avait ouvert et refermé la porte se plaça devant la femme.
« Vous voulez voir Monsieur Elsamman ?
- C’est exact.
- Attendez un instant. »
Le jeune homme disparut dans la seconde pièce, qui devait être une chambre, car la femme aperçut dans l’entrebâillement le coin d’un lit. Le jeune garçon dit quelques mots, et une voix usée lui répondit ; presque aussitôt, il reparut, suivi d’un vieil homme. Celui-ci s’appuyait sur une canne, mais se tenait très droit. Son visage était buriné par le soleil et le sable. Il portait, comme la femme, l’ample vêtement des habitants du désert, bien qu’il ne fût qu’à deux heures du Caire ; mais il ne portait pas de turban. Quand il vit la femme, il s’arrêta un instant, et dit d’une voix éraillée :
« Vous pouvez dévoiler votre visage, Madame, il n’y a rien à cacher. »
La femme hésita un instant, et posa sa mallette sur le sol pour défaire son turban. Peu à peu son visage se dévoila : elle était jeune, la vingtaine peut-être, et belle. Sa peau si sombre avait des reflets de cuivre ; ses yeux, très noirs, brillaient d’un éclat d’intelligence et de volonté puissant. Son visage était fin ; elle portait des boucles d’or aux oreilles. Ses cheveux, longs, coiffés en fines tresses, portaient chacun à leurs bouts une perle de bois, et cliquetaient doucement en bougeant. Plutôt grande, les muscles fins mais agiles, elle avait le beau corps de ces africaines qui savent en un regard se poser en reines. Au coin de ses lèvres, on voyait les marques d’un sourire beau et facile. Autour des yeux, on voyait les marques d’épreuves inavouées.
Dès que son visage fut dévoilé, la femme se baissa pour reprendre sa mallette. Le vieil homme, l’ayant vue, reporta son regard sur le jeune homme et ordonna :
« Samir, sers-nous le thé. »
Aussitôt, le jeune homme s’exécuta, allumant un petit feu et plaçant une haute théière dessus. Pendant ce temps, sur un signe d’Elsamman, la femme s’assit sur une chaise tandis que l’autre prenait possession du fauteuil.
« Excusez mon impolitesse de vous laisser le moins confortable, dit-il, mais mon dos me fait horriblement souffrir si je m’assied dessus ; seul ce fauteuil me fait du bien. J’espère que vous ne m’en voudrez pas, Madame… Madame ?
- Je suis Mademoiselle Tanya Maathai, répondit-elle. Je viens vous voir pour une affaire de la plus haute importance.
- Je m’en doute, fit Elsamman en riant, sinon vous ne seriez pas venu me voir par ce temps. Mais qu’est-ce qui peut amener une jeune femme comme vous chez un vieillard comme moi ? Alors qu’il posait cette question, il la regardait d’un œil qui signifiait : Je le sais déjà !
- Ce dont je dois vous parler, fit Tanya sans en tenir compte, est, je le répète, très important, et j’ai bien peur de ne pouvoir en parler qu’à vous… »
Elsamman comprit, et congédia Samir d’un geste.
« Va dehors, nous nous servirons le thé nous-mêmes quand il sera prêt. »
Puis, quand le jeune homme eut disparu, l’air contrarié, il reprit :
« Voilà, Mademoiselle Maathai. Nous pouvons parler, même si nous n’avions pas grand-chose à craindre de mon jeune employé. Mais dites-moi… qu’est-ce qui envoie une Main chez moi ? » Il y eut un instant d’hésitation : Tanya fronça les sourcils.
« Il semble que vous vous trompiez, Monsieur Elsamman, dit-elle finalement. Je ne suis pas une Main. Je n’agis pas pour l’Eglise.
- Je ne vous crois pas. J’ai une vie de solitaire, Mademoiselle, et les seules choses de mon histoire qui sont intéressantes ne le sont que pour l’Eglise. D’ailleurs, elle seule pourrait, éventuellement, en connaître l’existence.
- Il semblerait que non, puisque je l’ai apprise. Mais dites-moi, Monsieur, si j’avais été une Main, comment auriez-vous réagi ?
- Exactement comme maintenant, fit Elsamman après un instant, puisque je crois toujours que vous en êtes une.
- Je vous répète que je n’en suis pas.
- Et qu’êtes-vous, alors ? »
Tanya Maathai hésita. Elle ne savait pas si elle devait déjà dévoiler son identité. Mais le vieil homme la regardait d’une façon si insistante qu’elle décida de lui avouer.
« Je suis quelqu’un qui n’agit pas pour l’Eglise…
- Vous me l’avez déjà dit.
- … je suis quelqu’un qui agit contre. »
Elle avait insisté sur ce dernier mot. En l’entendant, Elsamman fronça les sourcils. Il n’avait jamais entendu qui que ce soit prononcer ces mot : se déclarer contre l’Eglise était une folie ; et de toutes façons, tout le monde l’aimant, personne n’y pensait. Or cette femme venait de lui annoncer, comme ça, alors qu’ils n’avaient parlé que quelques minutes, qu’elle luttait contre l’Eglise. Elsamman hésita.
« Et, pourquoi êtes-vous contre la Lumière ? demanda-t-il finalement.
- Vous ne m’avez pas comprise, Monsieur : j’agis contre l’Eglise, pas contre la Lumière. Certes, plus personne aujourd’hui ne sait les séparer, mais vous devriez en être capable, non ? »
Il y eut un silence. On n’entendait que le vent et le sable qui se projetaient sur les murs de la cabane. Elsamman ne savait que dire. Il n’avait jamais imaginé que quelqu’un sût encore séparer l’Eglise et la Lumière. Cela voulait tout simplement dire que cette femme en savait bien trop pour être quelqu’un d’ordinaire. Soit elle disait la vérité sur son identité, et alors c’était dangereux pour elle ; soit elle mentait, et alors c’était dangereux pour lui.
« Qui… qui êtes-vous exactement ? finit par demander Elsamman.
- Je fais partie d’une organisation qui lutte contre la dictature de l’Eglise ; j’en suis le membre numéro Dix. Il y en a seize en tout.
- Je… je n’en ai pas entendu parler, fit Elsamman, suffoqué par la nouvelle de l’existence d’une telle entité.
- C’est normal ; vous vous doutez que l’Eglise a tout fait pour masquer nos actions.
- Et… quelles sont-elles ?
- Pour être franche, nous n’en sommes qu’au début, c’est-à-dire que nous récoltons toutes les informations susceptibles d’être utiles. Et c’est pour cela que je suis là. Parce que vous possédez de ces informations. »
Il y eut un nouveau silence, attentiste pour elle, hébété pour lui. Soudain, la théière siffla, faisant sursauter le vieillard.
« Ah… le thé… voulez-vous vous en occuper, s’il vous plaît… mon dos… les tasses sont dans la commode… »
Tanya se leva et, prenant deux coupes dans le meuble, les remplit d’eau bouillante ; puis elle y mit les sachets de feuilles que Samir avait préparées, et servit.
Elsamman regarda longuement sa tasse, sans y toucher, sans rien dire. Sa situation était extrêmement dangereuse, mais ce n’était pas ça qui le préoccupait. Comment avait-il pu laisser échapper quelque chose d’aussi secret ? Tanya sembla lire dans ses pensées.
« Si vous vous demandez comment j’ai su, Monsieur, c’est par un vieil ivrogne qui, ayant un jour trop bu avec vous, vous a entendu parler de ce carnet que vous gardez. Mais il était trop idiot pour penser à prévenir l’Eglise, ou alors trop plein… Toujours est-il qu’il s’en est souvenu, quand je lui ai posé la question.
- Je vois… murmura Elsamman. Et dire que ça ne m’est arrivé qu’une fois… Enfin ! fit-il en se reprenant. Vous voulez donc mon carnet ? Je ne vous le donnerais pas.
- Vraiment ? fit Tanya, à moitié surprise seulement.
- Il n’y a aucune raison que je vous le donne : dans la cas où je le ferais et où vous seriez une Main, je serais condamné. Si vous n’en êtes pas une, alors je ne vois pas pourquoi j’aiderais des rebelles. Tanya prit une longue inspiration pour garder sa patience.
- Monsieur Elsamman, dit-elle lentement. Je vous répète que je ne suis pas une Main. Ensuite, s’il n’est pas dans votre intérêt direct de nous aider, vous devez le faire par devoir de morale, car ce que vous possédez vous permet de ne pas être endoctriné, et vous vous rendez bien compte de la dictature de l’Eglise. Nous aider c’est agir pour la liberté de penser des autres. Et, juste pour préciser, nous ne sommes pas des rebelles : je pense que le terme : « révolutionnaires » conviendrait mieux. »
Tanya gardait son calme, mais elle avait de plus en plus de mal à ne pas s’emporter. Elle était ainsi : calme durant un certain temps, puis s’énervait d’un coup, sans crier gare. C’était pour cela qu’elle gardait toujours sa mallette.
Elsamman réfléchissait. Quelque chose dans le ton de Tanya l’avait surpris. Quelque chose comme de la certitude. Non : de la sincérité. Et puis… elle avait raison. Il possédait ce carnet depuis la mort de son père : c’était un héritage familial, et il y avait lui-même écrit. Et ce qui était écrit dedans permettait à n’importe qui d’éclairé de comprendre le monde de soumission qu’avait créé l’Eglise. Si la Lumière en connaissait l’existence, alors il était mort d’avance.
Mais si cette jeune femme était une Main, sans doute y serait-elle allée par d’autres moyens. Elsamman avait déjà eu affaire à ces gens : quand ils veulent quelque chose, ils tirent sur la ferveur religieuse des gens pour l’avoir ; ou alors ils utilisent la force. Et cette Tanya Maathai avait fait exactement le contraire, sans même savoir si lui-même était de son bord. Mais peut-être était-ce calculé ? Comment savoir ?
« Je vous donnerais ce carnet si vous me prouvez ce que vous dites, dit le vieillard.
- Et bien… pour vous le prouver, je peux vous dévoiler ce que je sais. Nous sommes, comme je vous l’ai dit, seize en tout ; notre leader se nomme Siegfried Ackermann, il est Allemand. Nous ne sommes pas de simples révolutionnaires politiques : nous tirons notre force de la puissance opposée à la Lumière, c’est-à-dire les Ténèbres. Vous, vous savez que l’amalgame « Ténèbres égal le mal » est faux ; aussi vous pouvez deviner que nos intention sont tout à fait louables. Parmi les seize membres, treize sont des Elus des Ténèbres ; j’en fais partie. Notre base est à Neo Domino City, et…
- Un instant, coupa le vieil homme. Toutes ces… informations, ne me prouvent en rien ce que vous dites : vous pouvez très bien tout avoir inventé. Et de plus, cette histoire de réapparition d’Elus des Ténèbres me paraît très invraisemblable… Non, vraiment, je ne vous crois pas. Je pense que vous êtes une Main, et je ne vous dirais pas où est mon carnet. »
Tanya se retint de hurler. Elle sentait qu’elle allait bientôt craquer, qu’elle se mettrait à crier de rage, à pleurer et à briser ce qui l’entourait : elle savait depuis longtemps sentir venir les crises. Alors elle regarda le vieil homme et demanda le plus calmement possible :
« S’il vous plaît, où sont les toilettes ?
- Euh… la petite porte dans la chambre », répondit Elsamman, surpris.
Tanya se leva d’un coup, très raide, saisit sa mallette d’une main fébrile et entra en courant plus qu’en marchant. Derrière les murs fins, Elsamman l’entendit ouvrir précipitamment sa valise ; puis il y eut un silence. Un long silence, qui fit froid dans le dos au vieil homme. Enfin, il entendit Tanya qui refermait la mallette, puis le bruit de la chasse d’eau. Et la jeune femme réapparut.
« Excusez-moi », dit-elle. Elle souriait à présent, et n’était plus du tout fébrile ; elle semblait fraîche et dispo, de bonne humeur, comme après s’être passé de l’eau froide sur le visage. Le changement était saisissant ; et Elsamman ne put s’empêcher de remarquer qu’il n’avait pas entendu le dessus de la cuvette s’ouvrir et se fermer. Qu’avait-elle bien pu faire avec cette mallette ? Mais allons, ça n’était pas le moment de penser à cela.
« Donc, vous disiez que vous ne voulez pas me donner le carnet, parce que vous pensez que je suis une Main…
- C’est exact. Je ne changerais pas d’avis : et l’Eglise pourra me soumettre à la question, cela n’y fera rien. »
Tanya soupira. Et alors qu’elle faisait cela, les bourrasques au-dehors s’arrêtèrent un instant ; leur bruit de même, et, durant cet infime instant de silence, elle entendit un son derrière la porte de la cabane. Juste derrière.
Alors, rapidement mais en silence, le bruit de ses pas caché par les bourrasques qui avaient repris, elle se leva et s’approcha de la porte, sous l’œil inquiet d’Elsamman.
Tanya posa sa main sur la poignée, doucement ; et d’un seul coup, la tourna et ouvrit grand la porte. Aussitôt un grand vent entra dans la pièce ; mais avec lui, Samir, qui s’étala sur le plancher : il s’était appuyé à la porte pour écouter. A peine était-il tombé que Tanya referma la porte et le souleva par le col avec une force surprenante.
« Tu écoutais ? fit-elle d’un ton doucereux.
- M… moi ? Pas du tout… répondit Samir faiblement. Tanya devait n’avoir que trois ans de plus que lui, mais il ne soutenait pas son regard.
- Je ne te crois pas ! Qu’est-ce que tu faisais contre la porte ?
- Je… j’étais adossé…
- Ne mens pas, tu es tombé la tête la première, ce serait impossible dans cette position ! »
Samir sembla à court d’arguments ; il jeta alors un regard implorant à Elsamman, qui fronça les sourcils.
- Monsieur Elsamman, s’il vous plaît…
- Mademoiselle, je crois que…
- Rien du tout. S’il a entendu, il ne doit pas quitter cette pièce.
- Quoi ? fit le vieux, surpris.
- Dis-moi, gamin, que penses-tu de ce que j’ai révélé à ton employeur ?
- A… à propos de l’organisation et tout ?
- Exactement. Si tu mens, ça va mal se passer, je te préviens... » La menace sembla faire effet : Samir parla très vite.
« Je… c’est… c’est un blasphème ! Si la Lumière savait ça, vous seriez condamnée et ça serait tant mieux ! Il y avait de la hargne dans sa voix.
- Vous voyez, Elsamman ! Il me balancera à la moindre occasion : il est endoctriné, comme les autres… Même un gamin, c’est triste quand même…
- Mais, intervint le vieillard alarmé par le ton de la jeune femme, qu’allez-vous lui faire ? Elle sourit.
- Je vais vous prouver que je disais vrai, dit-elle en le regardant. Gamin, reprit-elle, tu veux t’en sortir ?
- Ou… oui…
- Alors on va faire un jeu… »
Lorsqu’elle prononça ce dernier mot, la pièce soudain s’assombrit, et deux lampes à huile furent soufflées. Le bruit du vent au-dehors parut soudain étouffé, et un courant d’air froid, venu de nulle part, courut dans la pièce. Samir, tremblant de peur, tentait de le cacher ; Elsamman, lui, avait les mains crispées sur son fauteuil, et les yeux exorbités. Il regardait partout dans la pièce, cherchant la cause de ce changement. Son regard finit par se poser sur Tanya ; et la métamorphose l’effraya à un point qu’il devint pâle comme un fantôme. Les yeux noirs de la jeune femme étaient devenus dorés, et de longues veinules blanches, lumineuses, brillaient sur ses joues, comme palpitantes au rythme de son cœur. Dans son ample costume bédouin, elle avait l’air d’un démon des déserts.
Elle lâcha Samir.
« Je t’explique, gamin, dit-elle. On va faire un Jeu des Ombres : le perdant meurt.
- Mais, intervint Elsamman d’une voix blanches, vous faites comme dans les anciens récits !
- Exact, dit-elle.
- Mais ce n’est qu’un adolescent ! Et il n’a même pas de cartes !
- Ado ou pas, si je ne le tue pas, il me balancera. Et pour un Jeu des Ombres, les cartes ne sont pas obligatoires, même si c’est le jeu privilégié. Bref… »
Ignorant regards désespérés de Samir, elle ouvrit la commode et y trouva ce qu’elle cherchait : une petite bassine de cuivre. Elle la posa sur la table, et, aussitôt, saisit la théière et en vida le contenu dedans. L’eau était bouillante, et un grand jet de vapeur en jaillit. Puis Tanya saisit Samir par le col à nouveau, et le traîna devant la bassine.
« Voilà les règles, gamin. Ouvre les yeux et les oreilles, tu joues ton âme. » Le jeune homme ne dit rien.
« Le but est simple : on va plonger en même temps nos deux mains dans cette eau bouillante. Le premier qui retire sa main a perdu.
- Mais, intervint Elsamman, c’est impossible ! Le réflexe…
- On luttera contre. Prêt, gamin ? »
Il n’y avait rien à objecter, et Samir comme Elsamman le savait. Dans son âme encore jeune, Samir sentait qu’il jouait sa vie, et en presqu’adulte, il respira un grand coup l’air froid de la cabane pour se calmer. Puis il se plaça, tremblant tout de même, en face de Tanya.
Celle-ci sortit une pièce de son habit.
« Je vais la lancer en l’air, dit-elle. On plonge la main quand elle touche le sol. Prêt ? »
Et sans attendre la réponse, elle lança la pièce.
Entre l’instant où le cercle de métal fut lancée et celui où elle toucha le sol, il sembla à Samir qu’il s’écoulait une heure. Mais il avait trop peur pour se rendre compte de ce décalage. Quand la pièce rebondit sur le plancher de la cabane, il ne réfléchit pas, car il savait qu’il n’avait pas le choix : le Duel des Ombres, il connaissait, comme tout le monde, par les vieilles histoires, et il savait qu’on ne pouvait en réchapper. Alors, le cœur battant comme une timbale, paniqué au point de ne pas penser, il plongea sa main dans l’eau bouillante.
A peine fut-elle entrée dans l’eau que tout son corps lui hurla de la retirer ; son bras et lui avaient désormais deux volontés différentes, l’une voulant rester dans l’eau, l’autre voulant à tout prix en sortir. Plus il luttait contre lui-même et plus la volonté de Samir faiblissait. Il jeta un coup d’œil grimaçant à Tanya : elle avait aussi la main plongée dans l’eau, mais ne paraissait pas souffrir. Ce détail traversa son esprit sans y laisser une seule marque, immédiatement remplacé par la douleur et la bataille contre lui-même.
Tentant de penser à autre chose pour oublier sa main qui brûlait sous l’eau, Samir leva les yeux vers le plafond, pour regarder autre chose. Mais il s’aperçut que sa vision était brouillée par des larmes de souffrance. Alors il les essuya maladroitement, fébrilement, de sa main valide, et ferma les yeux, tout le corps tendu sous l’effet de cette lutte intérieure. Tanya, elle, n’avait que le bras de crispé ; les yeux fermés, les sourcils froncés, elle paraissait plus concentrée que souffrante. Elle tenait le coup bien mieux que Samir.
Petit à petit, la douleur se fit plus profonde dans le jeune homme ; c’était tout son bras qui souffrait, à travers la chair et à travers les os, et tout son corps lui hurlait de retirer sa main. La souffrance se répandait et devenait insupportable : Samir se mit à trembler violemment. Son visage se crispait de plus en plus, et il laissa échapper des gémissements de douleur. Alors cette souffrance atteint son cerveau, et il souffrit de tout son corps en entier. Toute sa volonté l’abandonna, et il ne souhaita plus qu’une chose : que cela s’arrête.
Dans un cri, il retira sa main. Le jeu avait duré une vingtaine de secondes.
Immédiatement, l’obscurité de la pièce devint plus épaisse ; toutes les lampes à huile furent soufflées. Samir, tombé par terre, tenait sa main en gémissant : elle était rouge et boursoufflée. Tanya, elle, prit son temps pour retirer sa propre main : elle ne paraissait pas souffrir, quoique sa peau fût brûlée aussi.
« Tu as perdu, Samir, dit-elle. Désolé, mais c’était le seul moyen d’être sûre que tu ne parleras pas. Tu vas subir le Jugement des Ténèbres… »
Et alors qu’elle prononçait ces derniers mots, une ombre large jaillit de la bassine où était l’eau et se jeta sur Samir. Celui-ci n’eut le temps de pousser qu’un cri : l’ombre pénétra dans sa bouche, et aussitôt son cœur s’emballa. Des spasmes secouèrent tout son corps ; il eut des hoquets de douleur. Et son cœur s’arrêta.
L’obscurité disparut, et les lampes à huiles se rallumèrent. Au-dehors, le vent s’entendait à nouveau ; il avait encore forci. Elsamman, livide dans son fauteuil, la bouche ouverte, regardait le cadavre de son jeune employé.
« Vous me croyez, maintenant, quand je vous dit que je sers les Ténèbres ? demanda Tanya. Brusquement, sa voix ramena l’Egyptien à la réalité, et il jeta sur elle un regard terrorisé.
- Ne vous inquiétez pas, anticipa la jeune femme, je n’ai pas l’intention de vous tuer. Là, c’était nécessaire. Mais j’ai juste besoin de votre coopération : l’Eglise a la mainmise sur le monde, et nous luttons contre ça. Etes-vous avec nous ? Il y eut un silence.
- Je… je vais… j’ai besoin de réfléchir, dit Elsamman lentement. Laissez-moi seul un instant.
- Très bien, dit Tanya. Je vais l’enterrer, en attendant. Vous avez une pelle ?
- Dans la petite remise à côté… »
Tanya ouvrit la porte, et tira à l’extérieur, sans ménagement pour sa main brûlée, le cadavre de Samir. Puis elle l’apporta près des palmiers, malgré le vent et le sable qui lui fouettaient le dos et le visage, et le laissa là ; elle retourna prendre la bêche à côté de la cabane. Ce faisant, elle jeta un coup d’œil à l’intérieur : Elsamman pouvait avoir prévu de prévenir les Mains. Mais non, il restait dans son fauteuil, le front dans la main. C’était bon signe : il réfléchissait, et donc il y avait une chance qu’il adhère à la cause de la Ténébreuse Lumière. Pensant à cela, Tanya retourna enterrer Samir : cela lui prit une heure, durant laquelle elle revint plusieurs fois voir si Elsamman bougeait. Mais non, il restait immobile, prostré dans son fauteuil, pensant.
Une fois le cadavre enterré, Tanya, en sueur, jeta la pelle dans l’établi : la moiteur de l’air était devenue insupportable, et l’orage n’allait pas tarder à éclater. En entra dans la cabane ; Elsamman semblait l’attendre, cette fois.
« Mademoiselle Maathai, dit-il alors qu’elle avait refermé la porte, je suis un vieil homme, et je ne souhaite plus qu’une vie sans embêtements, sans risques, une retraite tranquille où je puisse finir mes jours. Ce carnet que vous me demandez, a été durant toute ma vie un poids que j’ai dû supporter car il me venait de mes ancêtres, et son contenu est une vérité aujourd’hui oubliée que je suis le seul à connaître. Elle me met en danger, et cela m’a pesé toute ma vie d’en avoir la responsabilité. Alors, même si mon cœur n’est pas à votre cause, je sais qu’elle est juste. Je vais vous donner le carnet.
- Je vous remercie, Monsieur Elsamman, fit Tanya en souriant. Vous nous aiderez beaucoup, je pense.
- Oui… Attendez un instant… »
Elsamman se leva lentement de son fauteuil, et le poussa un mètre plus loin. En dessous, sur les lattes du plancher, on distinguait une entaille, qui dévoilait une petite trappe ; l’Egyptien la souleva, se baissant avec difficultés, et attrapa quelque chose à l’intérieur. C’était un vieux carnet poussiéreux, à la couverture de cuir et au papier épais. Elsamman referma la trappe, et, soufflant, se releva.
« Voici, dit-il en tendant le livre à Tanya. Vous trouverez là-dedans l’histoire de la fondation de l’Eglise… et avec, ce qui vous servira peut-être à la défaire.
- Je vous remercie de tout cœur, Monsieur Elsamman, fit Tanya sincèrement.
- Cela ne me concerne plus, à présent. Partez, s’il vous plaît… J’ai eu ma dose d’émotions, aujourd’hui… »
Le vieil homme se rassit dans son fauteuil et baissa la tête, bien décidé à ne plus ajouter un mot. Alors Tanya rangea le carnet dans son grand manteau, renoua son turban tout autour de son visage, saisit sa mallette, et se dirigea vers la porte. Mais alors qu’elle allait franchir le seuil de la cabane, la curiosité l’emporta sur Elsamman.
« Attendez un instant, Mademoiselle…
- Oui ?
- Comment se fait-il que vous ne souffriez pas de votre brûlure ? Tanya hésita un instant.
- C’est… parce que je suis, par moments, très résistante », conclut-elle avec un sourire gêné, caché par son turban. Et elle referma la porte derrière elle.
Le vent hurlait, projetant le sable sur les murs de la maison avec fracas. Un roulement de tonnerre se fit entendre tout près, et soudain, des milliers de gouttes d’eau jaillirent du ciel pour s’écraser sur le sol, rafraîchissant l’atmosphère, et cliquetant sur la surface du lac Qârûn. Tanya attacha sa précieuse mallette au flanc de son cheval, le détacha, et l’enfourcha. Puis, d’un coup de talon vigoureux, elle le lança au galop vers le Caire, sous la pluie battante, gardant bien au sec le carnet dans les plis de son manteau, sa main brûlée à peine mise à l’abri.
En Egypte, il pleut deux ou trois fois par an. Elle était heureuse que cela fût tombé à ce moment-là.
Voilà voilà ! J'espère que cela vous a plu.
Avouez, vous aviez oublié que le Jeu des Ténèbres n'était pas forcément un duel de monstres ! Hein ? Hein ! Mouahaha ! ( Oui, je suis un peu fier de moi sur ce coup )
A tous les commentateurs, continuez à me dire tout ce qui ne va pas, plus que tout ce qui va bien, ça m'aide plus ! Merci de me lire, et à bientôt pour un nouveau chapitre !
___________________ - Un vaisseau de fantômes gréé d'algues marines ! Une chose engloutie qui jamais n'aurait dû revoir la face du soleil ! Sur son pont limoneux, un nautonier à l'orbite putride attend de nous entraîner vers les profondeurs sépulcrales où se lamente le choeur sans voix des noyés boursouflés par les miasmes de l'onde amère !
- Vous... vous dites ça pour plaisanter ?
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Sebphiroth Hors Ligne Membre Inactif depuis le 18/03/2013 Grade : [Kuriboh] Echanges (Aucun) Inscrit le 21/07/2009 85 Messages/ 0 Contributions/ 0 Pts | Envoyé par Sebphiroth le Mardi 07 Septembre 2010 à 18:35
Jango !
Voici un chapitre assez long de la Ténébreuse Lumière, mais aussi, je pense assez sympathique.
Il s'y déroule le plus long duel que j'ai écrit, et on y fait la connaissance de nouveaux personnages ( et oui, encore ! )
Je vous souhaite une bonne lecture à tous.
Chapitre XXV : Arrivée à Paris
Finalement, ils avaient réussi à s’installer.
Ramasser les troncs, les élaguer, couper les branche de l’arbre tombé, avait été exécuté avec plus ou moins de facilité, mais avait été fait. La « cabane », faite des troncs fins posés en toit sur le grand arbre, et recouverts de feuillage, protégeait plutôt bien les membres de la Ténébreuse Lumière. Les D-Wheels avaient été amenées, tant bien que mal, près de la clairière, et étaient à portée de main, prêtes à démarrer, à quelques mètres de la zone dégagée. On trouvait de la nourriture, tantôt au village voisin grâce à Les Toits, tantôt dans la nature environnante, grâce aux connaissances de survie de Dora. Bref, on s’arrangeait de la situation.
Cela faisait dix jours qu’Abdel avait été piégé par les Mains et que toute l’équipe s’était enfuie. Coupés du monde dans cette forêt, ils n’avaient aucun moyen de savoir s’ils étaient recherchés ou d’avoir des nouvelles de Virgil, Maria, Anton ou Tanya, ni même de leurs trois agents. Cette situation était pesante, et même Siegfried ne savait pas quoi faire. Ils ne pouvaient pas éternellement rester sur place ; mais comment savoir si cela les mettait en danger ? La Lumière les recherchait-elle toujours ? Si oui, le faisait-elle dans cette zone ? On n’osait pas aller au village pour aller aux nouvelles, car un étranger se fait vite remarquer dans ces endroits-là. Souvent, Siegfried, délaissant ses tâches, s’asseyait sur une souche et mettait sa tête dans ses mains, pour ne plus bouger pendant parfois plusieurs heures. Il était responsable du groupe, et en tant que tel, ne pouvait agir à la légère.
Abdel, de son côté, parlait peu, contrairement à son habitude. Même si la logique lui disait qu’il n’y était pour rien dans cette affaire, il se sentait coupable, car c’était lui qui s’était fait prendre et avait mis le groupe dans la galère. Camille savait toujours le réconforter ; mais cela ne durait pas, et Abdel connaissait ainsi des hauts et des bas. Elle, elle prenait cette épreuve comme elle l’était : quelque chose d’inévitable, et, sans penser à qui elle devait ou pas cela, elle s’arrangeait comme elle le pouvait, avec un courage remarquable. Souvent, c’était Camille qui redonnait de l’entrain au groupe, qui les réchauffait de son humour, sa cuisine et ses propos, c’était elle qui trouvait toujours de nouvelles choses à faire afin que personne n’ait le temps de se morfondre ; seul Siegfried, à qui elle ne pouvait rien ordonner, échappait à la règle.
Pour Peter et Lily, la situation était dure. Ils n’avaient pas eu, comme les autres, beaucoup de temps dans le groupe, quelques semaines. Mais pire, jamais ils n’avaient connu de réelles épreuves. Ils venaient tous deux d’un milieu plutôt aisé, qui, sans être riche, avait assez d’argent pour éviter les problèmes ; ainsi ni lui ni elle ne savait ce qu’était avoir faim lorsqu’il faut voler ou cueillir la nourriture, ou dormir à même le sol, sans couverture ni oreiller, avec des branchages pour toi, accolés à d’autres, ni se laver dans un ruisseau sale à l’écart des regards, ni aucune de ces mille épreuves quotidiennes qui avaient à cette époque disparu de la vie des gens. Malgré cela, Lily, faisant front avec son courage habituel, ne se plaignait jamais, et cachait de son mieux sa fatigue et sa douleur physique. Elle parlait peu, et faisait ce qu’on lui disait sans poser de questions. Mais elle avait emporté, dans son maigre bagage, un livre, son préféré ; le soir, lorsque chacun était autour du feu et sentait la fatigue l’envahir, elle le sortait de son blouson et en lisait un chapitre à haute voix. C’était un récit comme les autres, qui glorifiait la Lumière ; mais elle l’aimait car le héros en était un jeune homme à part, car muet. Cela le rendait solitaire, et il faisait toujours ce qu’il avait à faire seul. En elle-même, elle l’imaginait comme Virgil.
Peter, lui, était le moins solide de tous, et se plaignait beaucoup. Il aurait déjà été au village imprudemment pour éviter cette épreuve si les autres ne l’aidaient pas à tenir. Sa faiblesse psychologique était visible : il saisissait la moindre occasion pour se reposer, discutait toujours les ordres somme une plainte, et son silence, lorsque celui des autres était pensif, semblait éteint. Chacun dans le groupe l’aidait de son mieux, car il était aimé ; mais petit à petit, Siegfried fit attention à ce qu’il ne soit pas soutenu plus que nécessaire. Il fallait, selon lui, l’endurcir, car il ne saurait pas, dans le cas contraire, supporter les épreuves à venir. Car malgré tout le Numéro Un était certain qu’il y en aurait.
Une seule personne n’aidait pas Peter, et c’était Fang. A ses yeux, la faiblesse de Peter était inacceptable, et lui seul devait s’en dépêtrer. Elle-même faisait son travail seule, et plutôt que de recevoir l’aide des autres, faisait bloc aux difficultés et les affrontait en solitaire. En elle-même, elle voulait devenir plus forte, car sa défaite face à Peter ne quittait pas son esprit. Le soir, en écoutant d’une oreille l’histoire de Lily, elle s’entraînait aux cartes, révisait ses combinaisons, reprenait en souvenir ses duels pour savoir ce qui avait cloché. Ce n’était que lorsque Siegfried, une fois tout le monde endormi, posait sa main sur son épaule pour lui dire d’aller dormir, qu’elle frottait ses yeux éclatés de fatigue pour se glisser entre les troncs de la cabane. Et le lendemain, elle était la première levée.
Son père était fier d’elle. Dario, avec une grosse bonne humeur, était la seconde personne à réellement garder le moral. S’il ne faisait pas beaucoup de travail, car il n’aimait pas cela, il s’appliquait à donner de lui-même pour faire rire ses amis ; ses mimiques, ses grands gestes, son accent exagéré redonnaient le sourire. De temps en temps, Dario s’appliquait à prendre de petits morceaux de bois et à les tailler avec une pierre pointue qu’il avait trouvée ; cet artisanat était fort réussi malgré sa grossièreté, et les petits objets qu’il créait suscitaient chacun l’admiration de tous : c’était un oiseau, une feuille ; c’était barque, un avion… Silencieusement, Fang était fière de lui. Et ainsi, sans qu’aucun n’en eût conscience, le père et la fille s’estimaient mutuellement.
Avec sa perspicacité habituelle, Les Toits s’en était aperçu, et s’en amusait fort ; mais il le taisait, car il savait que cela serait gênant. Il parlait beaucoup, Les Toits ; et cela surprit tout le monde, car alors qu’ils habitaient à Neo Domino, les membres de la Ténébreuse Lumière ne l’avaient jamais beaucoup vu : il était en permanence sur le toit. Mais sa présence était incroyablement agréable : avec une vitalité d’enfant, il sautait, riait, lançait de sa voix cristalline des traits d’esprit qui faisaient mouche, réclamant des cookies ou se moquant gentiment des autres. Il ne semblait pas avoir conscience de la gravité de la situation, car il en riait en permanence. Il ne parlait à personne de la façon dont il volait la nourriture au village ; mais Dora avait raconté ce qu’elle avait vu, et chacun s’en était extasié, bien qu’ils connussent de ouï-dire les pouvoirs du vieillard. Peter, lui, n’y croyait pas un seul instant ; mais Lily, elle, se plaisait à y rêver, car, lectrice de longue date, elle aimait imaginer en elle-même les récits qu’on lui contait. Mais Dora n’en savait pas beaucoup plus que la plupart.
La Russe vivait assez mal la situation ; non pas qu’elle ne sût pas affronter les épreuves, car en ancienne militaire, elle savait le faire mieux que les autres. Mais cette capacité de résistance était annihilée par le manque d’alcool. En effet, Les Toits avait du mal à en voler, car il n’était pas conservé dans les greniers, les endroits qu’il pouvait le plus facilement atteindre, mais dans les caves ; et il n’en ramenait que très peu. C’était alors que toute la dépendance de Dora apparaissait. Elle était en permanence stressée, de mauvaise humeur, violente parfois, sans qu’elle-même pût en expliquer les raisons. Mais elle savait que le manque de boisson était la cause de tout cela, et le vivait d’autant plus mal ; malgré cela, elle avalait d’un trait tout alcool que Les Toits ramenait, sans savourer, juste pour la dose. Mais ça ne suffisait pas.
La situation ne pouvait pas durer longtemps. Les conditions de vie trop précaires influaient de plus en plus sur le moral des membres de la Ténébreuse Lumière : il fallait bouger, faire quelque chose. Mais quoi ? Siegfried, pour une fois, ne parvenait pas à se décider. De plus, ne pas savoir ce que devenaient les autres augmentait son doute, car s’il leur avait dit d’aller à Paris, il n’avait donné aucune instruction ce qu’il y aurait à faire là-bas. Il fallait espérer que les agents aient des informations qui permirent un passage à l’action, afin que ni Maria, ni Virgil, ni personne ne voie sa résolution tomber comme c’était alors le cas.
Mais comment savoir ?
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Dix jours avaient passé depuis l’appel de Siegfried, et Maria, Virgil et Anton avaient pris l’avion pour Paris, comme le Numéro Un le leur avait ordonné. S’ils ne savaient pas quoi faire ensuite, leur première action fut de chercher leurs trois agents postés dans la ville-lumière. En effet, William Smith, George Sinclair et Hans Larsson, s’ils n’étaient pas des Elus des Ténèbres, avaient rallié la cause de Siegfried, et celui-ci les avait chargés d’enquêter dans les catacombes de Paris, là où lui-même avait trouvé l’ancien parchemin qui lui avait révélé l’existence du Jeu des Ombres. Smith, Sinclair et Larsson téléphonaient une fois par semaine pour le tenir au courant des avancées, mais Siegfried n’en parlait à personne ; malgré cela, Maria avait compris qu’on ne trouvait pas autant de choses qu’on aurait pu l’espérer.
En sortant de l’aéroport, Maria, Anton et Virgil eurent la même réaction : regarder tout autour d’eux pour se repérer. Aucun d’eux n’était jamais venu à Paris, et bien entendu, n’ayant pas le numéro des agents, ils n’avaient pas pu les prévenir.
« Bon… on commence par où ? demanda Virgil.
- Trouvons d’abord un restaurant, fit Anton. On réfléchit toujours mieux à table ; et j’ai vraiment envie de goûter la fameuse cuisine française !
- Celle de Camille ne te suffit pas ? sourit Maria.
- Ce n’est pas la même chose : elle, elle fait avec les moyens du bord, des ingrédients achetés au supermarché. Mais un restaurant ça doit être différent !
- Bon, allons-y, mais pas trop cher, on n’a pas un crédit illimité… »
Ils enfourchèrent leurs D-Wheels et démarrèrent.
La ville-lumière était depuis longtemps comme toutes les autres grandes villes : un quartier favorisé, réservé aux gens d’Eglise et aux politiques, et tout autour des quartiers de béton et de ciment, sales et délabrés. Malgré tout, la ville avait quelque chose de différent de Neo Domino ou New York : elle était bien plus vieille, et on pouvait encore voir, dans certaines rues, de vieux pavés centenaires entre deux couches de bitume, ou bien un mur de pierre écrasé par un autre de béton
Le quartier riche de Paris était tout ce qui avait autrefois été le centre-ville, tout autour de la Place de l’Arc, où, selon la rumeur, s’était autrefois tenu un majestueux arc de pierre, bâtiment souvenir d’une époque révolue, et lui-même disparu. Un peu plus loin, la Défense, haut lieu de politique et d’économie, toutes ces choses auxquelles le peuple n’entend goutte mais qui influent sur toute sa vie sans même qu’il en ait conscience. Des tours de verre s’y élevaient, inébranlables blocs qui semblaient s’élever par-dessus les autres en y prenant appui. De leurs sommets, on pouvait voir la Semi-Tour, celle dont il ne restait plus que les quatre piliers de fer pour en garder le souvenir. Tout autour, de luxueux bâtiments s’étendaient en arc de cercle, bastion de l’Eglise où chaque jour des centaines de prêtres s’affairaient sans se préoccuper de ce qu’il y avait derrière les murs.
Car toute cette zone de commandement était cernée d’un haut mur percé de seulement quelques entrées bien gardées. Au-delà, le reste de Paris, quasi identique aux autres villes, s’étendait, collé à chaque flanc de la Seine comme s’il essayait d’y grappiller un peu de fraîcheur. Et s’il n’y avait la langue et ces quelques pavés, on aurait tout aussi bien pu se croire à Neo Domino.
Ainsi le restaurant attendu par Anton fut une gargote de coin de rue, où la patronne, fichu cachant les cheveux blancs, hurlait les commandes d’une voix de banshee et servait les plats avec la douceur et l’amabilité d’un rhinocéros défonçant une porte. Inutile de préciser qu’Anton fut plutôt déçu.
« Si tu veux être servi royalement, fit Maria en s’efforçant de ne pas rire, fais-toi prêtre, tu pourras aller aux Champs-Elysées !
- Oh, c’est bon, hein ! répondit le gros Américain.
- Allez, ne fais pas la tête ! En plus, c’est bon.
- Oui, oui, certes… peut-être pas assez sucré.
- Sucré ? Mais c’est une viande !
- Et alors ? Chez nous en Amérique, toutes les sauces sont sucrées. C’est bien plus goûtu. »
Maria ne préféra pas répondre, mais elle se doutait que si Camille avait été là, elle aurait fait manger son propre ventre à Anton. Malgré le service laissant à désirer, la nourriture était bonne, et finalement, l’Américain repartit le sourire aux lèvres et les joues rouges d’une bouteille qu’il avait eu du mal à ne pas finir seul.
« Finalement… les Français… c’est des gens bien…
- Mais oui, mais oui, fit Maria patiemment
- Mais si, c’est vrai ! D’ailleurs, faudra penser à faire des provisions… faut bien manger… et boire…
- J’ai dit : oui ! Maintenant tu te tais, pas besoin d’en rajouter. Ou je ne te paye plus de vin.
- Oh non, s’il te plaît… »
Quelques pas derrière, Virgil leva les yeux au ciel.
Deux heures plus tard, Anton ayant enfin dégrisé, ils purent enfin commencer les recherches. Pour trouver Smith, Sinclair et Larsson, il fallait qu’ils trouvent leur lieu de recherche dans les catacombes ; mais comme chacun le sait, chercher quelqu’un dans ce labyrinthe, c’est chercher une aiguille dans une botte de foin. De plus, accéder aux tunnels serait difficile, car l’Eglise les avait fait fermer quelques années auparavant. La plupart des entrées avaient été condamnées, et il n’en restait que peu ; mais ni Maria, ni Virgil, ni Anton ne savait où elles se trouvaient, et demander serait dangereux et aurait pu éveiller des soupçons. Cependant, au vu de l’ignorance des trois compagnons, c’était inévitable. Ils descendirent donc dans un bistrot qui avait, à vue d’œil, tout ce qu’il fallait : sale et relativement mal famé. Quelqu’un là-dedans devait savoir où se trouvaient les entrées des catacombes.
Maria et Virgil s’assirent à une table, tandis qu’Anton allait commander des consommations. Il revint, et, après la rapide prière, les trois se mirent à observer les autres clients. Il y avait là ce que l’on pourrait appeler le peuple mi-figue, mi-raisin : ni tout à fait respectables, ni tout à fait infréquentables. Toutefois, en écoutant les conversations, chacun comprit qu’aucun n’avait rien contre l’Eglise : tous étaient de bons croyants. Il ne fallait pas s’attendre à autre chose.
Quand ils eurent mangé, Maria s’approcha du comptoir pour payer. Quand ce fut fait, elle demanda doucement au barman:
« Excusez-moi, pouvez-vous me dire où je pourrais trouver des entrées des catacombes ? Je suis en voyage et j’aimerai beaucoup les voir… » L’homme, un cinquantenaire chauve et crasseux, lui lança un regard surpris. Si c’avait été Anton qui avait posé la question, il n’aurait sans doute pas répondu ; mais Maria était une belle femme, et ce genre de détails influencent beaucoup les gens sans qu’ils en aient conscience. Aussi indiqua-t-il six endroits, les quatre dernières portes ouvertes sur les catacombes. Satisfaite, Maria le remercia et sortit du bistrot, accompagnée d’Anton et Virgil.
« Bon, on n’a plus qu’à aller voir ces catacombes, maintenant, en espérant qu’on trouvera Smith et les autres rapidement…
- Ce n’est pas aussi facile, Anton, dit Maria. Si ces portes sont dans des endroits dégagés, on risque de nous voir ; et si nous y allons de nuit, les autres n’y seront pas.
- Dans ce cas, il n’y a pas de solution. Allons-y maintenant, de toute façon il faudra bien y aller…
- Nous pouvons faire autre chose, intervint Virgil. Il est tard, on n’a qu’à prendre une chambre d’hôtel ; et très tôt, vers quatre heures, pour être sûrs de ne pas les manquer, chacun d’entre nous se poste devant l’une des entrées en attendant l’arrivée des agents. Comme nous sommes trois et qu’il y a six entrées, on les aura toutes faites en deux jours.
- Je suis d’accord, fit Maria. Bonne idée.
- Pareil », dit Anton dans sa barbe. Il n’aimait pas que Virgil ait de meilleures idées que les siennes.
Comme il était environ dix-huit heures, ils se mirent à la recherche d’un hôtel. Ils n’en trouvèrent pas ; en revanche ils trouvèrent quelque chose qui en portait le nom. On se serait cru en Amazonie : des mites, une chaleur étouffante, les bois moisis, un portier sale et peu aimable… Mais ils ne pouvaient pas se permettre de prendre plus cher, et d’ailleurs, il n’y avait pas trois mille hôtels à Paris. Aussi s’installèrent-ils après avoir mis les D-Wheels au garage, le plus commodément possible. Comme ils n’avaient que peu de bagages, cela fut assez rapide, et ils purent sortir dîner une demi-heure après avoir vu la chambre. Comme il était trop tôt pour dîner, ils décidèrent de marcher un peu.
Les rues pourtant déjà grises en plein jour commençaient à s’assombrir, car le soleil baissait lentement, et les immeubles de béton brut rendaient la nuit rapide. Sur le trajet, Anton ne cessa de se plaindre de la chambre, ce qui eut tôt fait d’exaspérer Maria ; ils se lancèrent alors dans une de ces disputes amicales qui leur étaient habituelles. Virgil, lui, marchait en silence, et regardait ses pieds. Les futilités ne l’intéressaient pas.
Au bout d’un moment ils arrivèrent dans un espace ouvert, une sorte de petite place entre des immeubles, et éclairée par quelques néons. Il y avait, rassemblé là, un monde fou pour un si petit endroit, et l’ambiance était survoltée. La majorité des gens étaient des jeunes, qui étaient là pour se distraire après les cours ; mais il n’y avait pas de musique, et Maria se demanda donc ce qui les rassemblait. En s’approchant, elle et les autres eurent la réponse : au centre de la place, les gens formaient un cercle où deux jeunes combattaient au duel de monstre. Tous, autour d’eux, les encourageaient, les soutenaient, et prenaient des paris ; c’était l’univers des duels de rue, ceux que tous connaissaient pour y être entrés une fois dans leur vie, s’ils n’étaient pas riches. Maria et Anton se prirent immédiatement dans l’ambiance, et, l’une ouvrant le passage à l’autre, ils se faufilèrent au premier rang pour mieux apprécier le duel. Virgil, lui, resta à l’écart.
Les yeux de connaisseurs d’Anton et Maria virent immédiatement que le duel était déséquilibré, et que le jeune homme de gauche, qui jouait vraisemblablement un deck Water, ne savait pas jouer correctement. Quelques minutes après l’arrivée d’Anton et Maria, le score était de sept mille huit cent à zéro en sa défaveur. Il quitta le cercle sous les quolibets et les sifflements, et son adversaire, levant les bras en signe de triomphe, s’écria :
« Au suivant ! »
Mais personne n’entra dans le cercle. Maria entendit chuchoter à côté d’elle : « T’y vas, toi ? » ; « Ca va pas, non, il a un jeu trop bizarre, je vais me faire défoncer… »
Mais Anton n’aimait pas les blancs-becs, et il commençait à s’échauffer en voyant le jeune victorieux qui narguait la foule à grands gestes, car il s’agissait visiblement d’un branleur. L’Américain s’apprêtait à entrer dans le cercle dessiné par la foule, mais se rappela que c’était Maria le chef du groupe, et qu’il devait lui obéir. Il se tourna vers elle, et chuchota :
« Tu crois que je peux lui mettre une raclée ?
- Tu en serais largement capable, mais je ne sais pas si c’est très prudent…
- Allez, juste un duel, pour rire un peu de la tête qu’il fera…
- D’accord, mais attention, hein ! Pas de monstres Ténèbres !
- Ne t’inquiète pas. »
Faisant un pas en avant, Anton se plaça dans le cercle, et aussitôt des murmures s’élevèrent. La foule était impressionnée. Non pas par le fait qu’Anton relève le défi, mais par la taille de son ventre. A peine s’était-il exposé à la vue que des chuchotements railleurs se firent entendre. Le jeune victorieux, cessant un instant de parler, regarda l’Américain de haut en bas, et éclata de rire, suivi par ses amis ; mais comme le gros homme restait droit et ne baissait pas les yeux, malgré un rouge de colère qui lui montait au front, le reste du public resta silencieux.
« Shut up, petit merdeux, lança Anton, ce qui eut pour effet de couper le sifflet net à l’autre. Tu cherchais un défi, en voilà un.
- C’est quoi le défi ? Te soulever ? Ah, dans ce cas, t’as gagné d’avance ! »
Et il éclata à nouveau de rire. Seul cette fois, car tous voyaient bien qu’Anton ne riait pas. Aussi cessa-t-il.
« Passez-lui un Duel Disk, on va voir comment il joue. » Un Disk fut lancé à Anton, qui l’attrapa maladroitement, mais plaça son deck dedans avec une rage contenue. Puis il se plaça en face de son adversaire.
« Ton nom ? demanda-t-il.
- Vincent. Et toi ? La montagne, peut-être ?
- Anton. »
DUEL : ANTON VS VINCENT.
« A toi de commencer, l’english, c’est toi le challenger !
- Américain, pas anglais. »
Anton piocha.
Tour 1 :
Anton : 8000 pts, 6 cartes en main, pas de monstre, pas de MP.
Vincent : 8000 pts, 5 cartes en main, pas de monstre, pas de MP.
Anton : C’est parti, gamin. Je pose un monstre en défense, face cachée, et je termine mon tour.
Vincent : C’est tout ? T’es bien timide pour un challenger !
Anton : Shut up, et joue…
Tour 2 :
Anton : 8000 pts, 5 cartes en main, un monstre caché, pas de MP.
Vincent : 8000 pts, 6 cartes en main, pas de monstre, pas de MP.
Vincent : Je commence en posant face cachée trois cartes. Ensuite, j’invoque un monstre ne mode attaque : Blast Asmodian. ( 3* ; 1000 / 300 )
Une sorte de petit bonhomme rouge apparut devant les trois cartes cachées. Le crâne énorme, avec des antennes, et une croix à la peinture blanche, il était vêtu d’une veste verte criarde et d’un pantalon noir. A sa ceinture étaient accrochées plusieurs grenades, mais il ne dépassait le mètre vingt qu’avec difficulté.
Vincent : Et c’est tout, je termine mon tour là.
Anton : Tu ne fais pas beaucoup plus que moi, dis donc…
Vincent : Que tu dis ! A toi le gros !
Anton, tâchant de maîtriser sa colère, piocha.
Tour 3 :
Anton : 8000 pts, 6 cartes en main, un monstre caché, pas de MP.
Vincent : 8000 pts, 2 cartes en main, Blast Asmodian ( 3* ; 1000 / 300 ), trois MP cachées.
Anton : Je commence ce tour en activant une Magie : Mystical Space Typhoon ! Elle me permet de détruire une de tes cartes Magie ou Piège.
Un léger vent se fit sentir.
Anton : Et je choisis celle de droite !
Vincent : Mauvais choix, mec ! Je chaîne la carte visée à ton Typhoon : il s’agit de Metal Reflect Slime !
Le vent devint soudain plus puissant, et un tourbillon frappa la carte désignée par Anton. Mais au même moment elle se releva, et il apparut une grande créature argentée, sorte de gelée pâteuse et vivante, qui s’éleva de toute sa hauteur au-dessus du terrain. Les spectateurs se mirent à pousser des « Ooooh » impressionnés, car même en la connaissant, ce monstre informe était surprenant.
Vincent : Ce piège est un piège-créature ! Après son activation, il devient une créature qui vient en position de défense. Son type et son attribut sont Aqua et Water, elle est de niveau dix, et si son attaque est nulle, sa défense est de trois mille !
Anton : C’est pas mal, mais ton monstre reste un piège, et Typhoon peut donc le détruire !
Vincent : Je n’ai pas fini. A l’activation du Slime, je chaîne un autre piège : Bad Reaction to Simochi !
Immédiatement après que la carte fut révélée, le sol sous Anton se mit à briller d’une lueur pâle aux reflets verts et jaunes, qui éclairait le visage des spectateurs de malsaines vaguelettes de lumière.
Vincent : Ce Piège Continu fait qu’à présent, tout effet qui doit te redonner des points de vie te les enlèvera !
Anton : C’est bien sympathique, tout ça, mais je n’ai aucune carte dans mon deck qui me redonne des points de vie… De plus, mon Typhoon doit toujours détruire ton Slime !
Vincent : Non ! Je chaîne à nouveau une carte, la dernière que j’ai posée : Imperial Custom ! Grâce à elle, aucun Piège Continu ne peut être détruit, sauf lui-même. Mais tu as déjà déterminé la cible de ton Typhoon, si bien qu’il ne sert plus à rien, car le Slime est un Piège Continu !
Alors que le tourbillon frappait violemment la créature d’argent, le dernier piège de Vincent se mit à briller, et un mur de lumière apparut, protégeant le Slime de la destruction.
Anton : Mff, bien joué…
Vincent : Attends, attends, ce n’est pas fini ! L’effet de Blast Asmodian entre en jeu : il inflige cinq cent points de dommage à mon adversaire chaque fois qu’une carte Magie ou Piège est chaînée. Or, j’en ai chaîné trois ! Tu perds donc mille cinq cent points de vie !
La petite créature rouge alluma trois grenades, et les lança, l’une après l’autre, au visage d’Anton. Les trois explosions successives éclairèrent la foule comme des éclairs rougeoyants, et lorsque la fumée disparut, Anton s’essuyait le visage. Maria, toujours au premier rang, s’aperçut que sa colère était un peu retombée : l’Américain s’était rendu compte que son adversaire n’était pas qu’un vantard, et qu’il lui faudrait de la concentration.
Anton ( 6500 pts, 5 cartes ) : C’est toujours mon tour ! Je pose un monstre face cachée, et je termine mon tour.
Vincent : C’est tout ? J’ai plus joué que toi, alors que c’était ton tour ! Faut réfléchir, avant de défier quelqu’un, tu sais ?
Anton : Joue.
Vincent piocha.
Tour 4 :
Anton : 6500 pts, 4 cartes en main, deux monstres cachés, pas de MP.
Vincent : 8000 pts, 3 cartes en main, Blast Asmodian ( 3* ; 1000 / 300 ), Metal Reflect Slime ( Piège ; 10* ; 0 / 3000 ), Imperial Custom activé, Bad Reaction to Simochi activé.
Vincent : C’est parti. Je pose deux cartes faces cachées ; puis je joue Upstart Goblin. Cette carte de Magie me permet de piocher une carte ; en échange je te fais gagner mille points de vie.
Anton : Mais, à cause de Bad Reaction to Simochi, je vais perdre ces mille points à la place.
Vincent : Exactement !
Une lumière apparut autour d’Anton ; mais aussitôt, les reflets verts qui dansaient sur le sol prirent une épaisseur, et se jetèrent sur le gros homme qui poussa un grognement. Puis, les reflets redevinrent normaux, et la lumière disparut.
Anton ( 5500 pts, 4 cartes ) : Erf…
Vincent ( 8000 pts, une carte ) : T’as vu, le gros ? T’es en mauvaise posture, hein ? Faudra réfléchir avant de laisser dépasser ton ventre du public maintenant !
Anton tentait de se concentrer, mais les blagues sur son ventre l’énervaient à un tel point qu’il serrait les dents pour ne pas crier sur Vincent. Mais un regard de Maria lui ordonna de se contenir, et il se calma. Dans le public, les paris, qui jusque-là avaient été timides, augmentèrent en la défaveur d’Anton. Maria, au premier rang, ne le voyait pas ; mais Virgil, qui était derrière tout le monde, s’en rendait compte. Il se moquait bien qu’Anton perde ou gagne, mais qu’il soit en mauvaise situation le surprenait : même s’il ne l’aimait pas beaucoup, il savait qu’il était très fort.
Vincent : Je continue sur ma lancée, et j’attaque ton monstre de droite avec Blast Asmodian !
Le bonhomme rouge fouilla dans une de ses poches, en sortit un gros pétard, et l’alluma. Puis il s’approcha, sans se presser, de la carte cachée d’Anton, et posa l’explosif dessus avant de s’éloigner. L’explosion déchira la carte en plusieurs morceaux, et alors qu’ils voletaient, projetés par le souffle, le public put apercevoir, parmi les débris de papier, des pétales.
Anton : Tu viens de détruire mon Dandylion ! ( 3* ; 300 / 300 ) Mais lorsque cette carte est envoyée au cimetière, ça m’est avantageux, car elle laisse sur le terrain deux Fluff Token en défense ! ( 1* ; 0 / 0 ) Leur seul inconvénient est de ne pas pouvoir être sacrifiés durant leur tour d’apparition, mais ici, comme ils apparaissent durant ton tour, il n’y a aucun problème.
Alors que les pétales tombaient, sortirent de terre deux fleurs, chacune de la taille d’une main et dont les pétales dorés prenaient une teinte étrange à la lumière de Bad Reaction to Simochi.
Vincent : Pas mal, l’Amerloque… Mais n’oublie pas que mon Slime a trois mille de défense et ne peut pas être détruit ! C’est impénétrable ! A toi !
Anton piocha.
Tour 5 :
Anton : 5500 pts, 5 cartes en main, un monstre caché, Fluff Token x 2 ( 1* ; 0 / 0 ), pas de MP.
Vincent : 8000 pts, une carte en main, Blast Asmodian ( 3* ; 1000 / 300 ), Metal Reflect Slime ( Piège ; 10* ; 0 / 3000 ), Imperial Custom activé, Bad Reaction to Simochi activé, 2 MP cachées.
« Il faut que je trouve un moyen de détruire son Imperial Custom, pensa Anton. Tant qu’il est sur le terrain, son Slime ne peut pas être détruit… Et je suppose que ce n’est pas la seule carte de ce genre qu’il possède… Je vais lui faire ravaler sa grande bouche à ce fucking french ! »
Anton : Je commence mon tour en sacrifiant un de mes Token ! Et cela me permet d’invoquer par sacrifice le monstre Teva ! ( 5* ; 2000 / 1500 )
L’une des fleurs disparut pour laisser place à un homme blanc, vêtu d’un pagne de soie et d’une veste vert et or. Bien bâti, son visage était pourtant incroyablement féminin, notamment à cause d’une longue chevelure blanche en tresses. Il portait aux poignets et aux chevilles plusieurs anneaux d’or, et sa large ceinture de tissu bleu nuit volait majestueusement au vent qu’avait provoqué son apparition.
Vincent : J’active mon Piège Continu : Dark Cure ! A chaque fois que tu invoques un monstre, tu gagnes autant de points de vie que la moitié de son attaque ; mais avec Bad Reaction, tu les perds, l’Amerloque !
Une lumière brilla à nouveau autour d’Anton, mais elle aussi fut corrompue par le piège de Vincent, et Anton grimaça.
Anton ( 4500 pts, 4 cartes ) : Pas grave, ça en vaut le coup : Teva est invoquée par invocation sacrifice, il empêche mon adversaire d’attaquer durant le tour d’après !
Le guerrier plaça ses mains l’une contre l’autre, et une sorte de lumière se dégagea de son corps, qui envahit tout le terrain de jeu.
« Voilà, pensa Anton, avec ça, j’ai assez de temps pour placer mon jeu… »
Anton : Teva attaque ton Blast Asmodian !
A peine l’Américain avait-il prononcé ces mots que le guerrier, d’un bond, était sur le bonhomme rouge. Celui-ci lança une bombe, mais elle fut renvoyée au loin d’un revers, et un coup de pied suffit à éliminer le petit artificier.
Dans le public, les paris se faisaient de plus en plus nombreux, car Anton venait de se donner du temps, et cela pouvait lui être très utile, même si la situation lui était difficile. Mais l’Américain était un excellent joueur, et le public le sentait ; de plus, il avait dépassé les cinquante ans, ce qui inspire toujours le respect à un public qui en a dans sa majorité moins de vingt-cinq.
Mais le grand Slime argenté flottait toujours au-dessus du terrain, indestructible grâce à Imperial Custom. Et les deux pièges restant, Bad Reaction et Dark Cure, formaient un duo qui, comme un poison dont l’action est plus rapide avec le flot sanguin, devenait plus mortel avec la puissance des monstres adverses. Et il y avait encore une carte cachée… Anton, lui, n’avait que Teva, un Fluff Token et un monstre caché ; à quoi cela pouvait-il lui servir si le des monstres en face était indestructible et qu’il se tuerait en jouant ? Mais il avait un tour de répit, bien qu’il ne fût pas sûr que cela fût probant face à un tel deck.
Dans le public, Maria observait la situation avec curiosité. Elle s’était attendue, tout comme Anton, à un adversaire qui n’était puissant que parmi les faibles, mais ça n’était visiblement pas le cas. Elle se demandait bien ce qu’allait faire Anton. Virgil, lui, ne regardait toujours pas le duel. Il s’était assis sur le béton, et observait les réactions de la foule, tentant de deviner ce qui se passait pour s’occuper.
Anton : Je pose une carte face cachée, et c’est à toi.
Les cartes apparurent, et Vincent, cette fois plus concentré, piocha.
Tour 6 :
Anton : 4500 pts, 3 cartes en main, un monstre caché, Fluff Token ( 1* ; 0 / 0 ), Teva ( 5* ; 2000 ; 1500 ), une MP cachée.
Vincent : 7000 pts, 2 cartes en main, Metal Reflect Slime ( Piège ; 10* ; 0 / 3000 ), Imperial Custom activé, Bad Reaction to Simochi activé, Dark Cure activé, une MP cachée.
Vincent regarda sa main quelques secondes puis observa son terrain avant de jouer. Mais alors qu’il allait dire quelque chose, Anton intervint.
Anton : Un instant ! Durant ta Standby Phase, j’active ceci ma carte cachée : Spiritual Art – Aoi ! Elle me permet, en sacrifiant un monstre Water, de regarder ta main et d’y choisir une carte que tu défausseras !
Vincent : Tu n’as pas de monstre Water !
Anton : Que tu crois, gamin ! Mon monstre caché est la carte Treeborn Frog ! ( 1* ; 100 / 100 ) C’est un monstre Water… Allez, montre ta main !
Il apparut sur le terrain la silhouette bleutée d’un magicien, qui, d’un geste de son bâton, fit apparaître autour du monstre caché d’Anton un cercle ésotérique qui brillait de mille reflets bleutés. La carte éclata alors, laissant apercevoir la forme d’une grenouille, puis les morceaux se réassemblèrent pour faire apparaître, sur le terrain et bien visibles, les deux cartes de la main de Vincent.
Anton les inspecta. La première était un piège : Bottomless Trap Hole. Cette carte bien connue détruisait et retirait du jeu un monstre dès son invocation, à la seule condition qu’il ait plus de mille cinq cent points d’attaque. La seconde était un monstre peu commun : Obnoxious Celtic Guard. Ce monstre, quoique généralement considéré comme peu utile, était rare, et Anton fut étonné qu’un garçon des rues comme Vincent en eut un exemplaire. Mais il revint rapidement au duel lui-même. Il n’y avait pas à hésiter sur le choix de la carte à sacrifier : le piège était trop dangereux. Aussi annonça-t-il son choix.
Anton : J’ai choisi, défausses-toi de Bottomless Trap Hole, gamin.
Vincent ( 7000 pts, une carte ) : T’as de la chance, je venais de la piocher… Il se défaussa. Bon, j’invoque le monstre que j’ai en main, Obnouxious Celtic Guard ! ( 4* ; 1400 / 1200 )
Il joua sa carte, et sur le terrain apparut un guerrier, qui avait au côté une épée droite et large. Il n’avait que peu de pièces d’armures : ses jambes n’étaient pas protégées, ni son torse ; mais il avait de bonnes épaulières de bronze, et un casque aux ailes de métal. Lorsqu’il arriva sur le terrain, il dégaina son épée, et sa cape de cuir vola. Malgré sa position d’attaque, il était replié sur lui-même, comme pour repousser un assaut.
Vincent ( 7000 pts, pas de carte ) : J’attaque ton dernier Token avec le Celtic Guard.
Le combattant n’eut pas beaucoup d’efforts à fournir : d’un revers, il trancha la tige de la fleur dorée, et se replaça. On pouvait voir, sur les parties métalliques de ses vêtements, les reflets argentés que produisait le gigantesque Slime. Le public, voyant que le duel entrait dans une partie plus calme, se détendit. Virgil, voyant cela, n’eut plus grand-chose d’intéressant à observer, et décida d’aller voir le duel ; mais pénétrer la foule n’était pas facile, car elle était dense.
Vincent : Et je termine mon tour, Big Mac.
Anton, en temps normal, aurait immédiatement viré au rouge et aurait hurlé de colère pour cet affront ; mais la situation était pour lui très délicate, et il y renonça, préférant se concentrer sur le duel. Il piocha.
Tour 7 :
Anton : 4500 pts, 4 cartes en main, Teva ( 5* ; 2000 / 1500 ), pas de MP.
Vincent : 7000 pts, pas de carte en main, Obnoxious Celtic Guard ( 4* ; 1400 / 1200 ), Metal Reflect Slime ( 10* ; 0 / 3000 ), Imperial Custom activé, Bad Reaction to Simochi activé, Dark Cure activé, une MP cachée.
L’Américain regarda la carte qu’il avait piochée. Un léger sourire altéra son double menton, et il pensa : « Parfait. Avec ça, je peux gagner ! ». Il regarda son adversaire dans les yeux et avança un ventre qui hurlait « Je t’emmerde ! ».
Anton : J’active, durant ma Standby Phase, l’effet de Treeborn Frog, que j’ai sacrifiée tout à l’heure. Durant cette phase de jeu, si elle est dans mon graveyard et que je ne contrôle aucune carte Magie ou Piège, je peux l’invoquer spécialement. ( 1* ; 100 / 100 )
Il y eut comme un halo de lumière, et une minuscule silhouette se dessina à l’intérieur. C’était une petite grenouille, qui avait dans son dos deux ailes blanches, comme celles des tourterelles. Elle s’envola vivement, et alla se poser sur l’épaule large d’Anton. Dans le public, plusieurs personnes murmurèrent : « Oooh, elle est mignonne… »
Vincent : C’est quoi ce monstre ? Eh, l’Amerloque, je te rappelle qu’en France on mange les cuisses de ces trucs-là… D’autant que les effets des deux pièges s’activent : tu perds cinquante points de vie !
La lumière sombre apparut, et Anton fronça les sourcils.
Anton : Il faudra plus, gamin. Je sacrifie ma grenouille pour invoquer un de mes monstres les plus puissants et les plus utiles…
La petite grenouille s’envola, et piqua vers le sol. Au moment où elle allait atterrir, elle disparut, et dans un cercle aux reflets bleutés, apparut une grande créature.
Anton ( 4450, 3 cartes en main ) : Il s’agit de Mobius, the Frost Monarch ! ( 6* ; 2400 / 1000 )
C’était un homme de taille gigantesque, de près de deux mètres cinquante ; aucune partie de son corps n’était visible, car il était couvert d’une majestueuse armure aux reflets bleus, qui brillait d’autant plus que les reflets argentés du Slime se reflétaient dedans. Mis à part quelques attaches de cuir brun et la longue cape bleu nuit qui flottait dans son dos, l’armure de Mobius était entièrement faite de ce métal aux reflets azurés ; et le casque qui masquait entièrement son visage était si majestueux qu’il aurait à lui seul fait d’un gueux un roi. Immobile, debout les bras croisés, tel un gardien solennel, Mobius laissait entendre, derrière son casque, une respiration profonde et grave. Un vent froid parcouru le public, qui frissonna.
Vincent : L’effet de Dark Cure s’active ! Combinée avec Bad Reaction to Simochi, elle t’inflige la moitié des points d’attaque de ton monstre en dégâts, soit mille deux cent !
La lumière apparut encore une fois autour d’Anton, et fut à nouveau corrompue par le piège continu ; Anton grimaça. Mais il n’avait pas fini.
Anton ( 3250 pts, 3 cartes en main, Mobius, Teva ) : Ca m’importe peu, gamin, car lorsque Mobius est invoqué par invocation sacrifice, il détruit une ou deux cartes Magie ou Piège sur le terrain ! Et je choisis Imperial Custom et Bad Reaction to Simochi !
Le monarque leva alors une main, et désigna du doigt, d’un geste lent et grave, les deux Pièges Continus de Vincent. Aussitôt, sorties de nulle part, jaillirent deux lames de glaces, deux énormes pointes acérées qui transpercèrent les cartes comme du beurre. Elles l’auraient fait aussi aisément avec un sanglier.
Anton : A présent, puisque ton Imperial Custom n’est plus là, je peux détruire tes cartes Piège Continu ; ce qui fait que j’ai pu détruire ton Bad Reaction. Maintenant, ton Slime n’est plus invincible, et Dark Cure me soignera.
Vincent : Rrr… Ce n’est pas fini, j’ai autre chose en poche, tu verras…
Le public s’excitait de nouveau : la manœuvre d’Anton avait nettement diminué l’avantage de Vincent, même si celui-ci menait toujours. Mais ce mouvement avait permis quelque chose de très important, en plus de rendre les cartes de Vincent vulnérables : elle avait redonné toute sa confiance à Anton. Le grand Mobius et le moine Teva faisaient face au gigantesque Slime avec la certitude qu’il n’était plus invincible. Mais malgré cela, ses trois mille points de défense étaient presque impénétrables… Mais il y avait d’autres moyens !
Anton : Battle Phase ! Le premier monstre à attaquer est Teva : il attaque ton Obnoxious Celtic Guard avec ses deux mille points d’attaque !
Vincent : Mais ce monstre ne peut être détruit par des créatures de plus de mille neuf cent points d’attaque !
Anton : Tu crois que je ne le sais pas ? J’ai observé cette carte in your hand, tout à l’heure ! Mais le calcul des dommages s’applique normalement !
Le prêtre plaça ses paumes l’une contre l’autre, et ferma les yeux. Alors, une silhouette lumineuse, en tous points pareille à lui, sorti de son corps, et vola telle une flèche pour frapper le Guard. Mais celui-ci put esquiver de justesse ; malgré tout, ce fut Vincent qui fut frappé à l’épaule.
Anton : A présent c’est à Mobius d’attaquer ton monstre !
D’un geste lent, le seigneur des glaces leva le doigt vers le ciel. Alors apparut un énorme bloc de glace qui alla se fracasser contre le guerrier. Celui-ci, dégainant son épée, frappa un grand coup contre le projectile, ce qui le brisa en centaines de lames transparentes ; plusieurs atteignirent Vincent de plein fouet.
Vincent ( 4600 pts, pas de carte ) : Erf…
Anton : Voilà, c’est terminé, jeune homme ! A toi.
Le gros homme avait le sourire aux lèvres. S’il ne menait pas il avait repris au moins l’avantage psychologique, car les pièges détruits et les points de vie enlevés réduisaient nettement la domination de Vincent. Le public s’en rendait bien compte, et les pronostics allaient bon train. Ceux qui pariaient la victoire d’Anton se faisaient un peu plus nombreux. Constatant cela, Maria ne put s’empêcher de sourire : Anton aimait qu’on s’intéressât à lui, et il aimait gagner. Au moins une des deux conditions étaient réunies ! De son côté, Virgil avançait lentement à travers la foule, n’osant bousculer les gens ou leur demander de s’écarter.
Vincent piocha.
Tour 8 :
Anton : 3250 pts, 3 cartes en main, Teva ( 5* ; 2000 ; 1500 ), Mobius the Frost Monarch ( 6* ; 2400 / 1000 ), pas de MP.
Vincent : 4600 pts, une carte en main, Obnoxious Celtic Guard ( 4* ; 1400 / 1200 ), Metal Reflect Slime ( 10* ; 0 / 3000 ), Dark Cure activée, une MP cachée.
Vincent regarda la carte qu’il avait piochée, et sourit à son tour. Cette carte conforterait beaucoup son avantage, malgré l’arrivée de Mobius sur le terrain.
Vincent : J’active ma carte cachée ! Il s’agit de Embodiment of Apophis !
La carte se révéla, et aussitôt une créature en sortit. « Shit, pensa Anton, encore un monstre-piège… » Effectivement, c’en était un. Sorte de créature humanoïde, ce monstre avait l’air de n’être qu’une simple silhouette tant son corps, entièrement noir, n’avait aucun relief. Ni visage, ni muscles, ni cheveux, mais une peau sertie de quelques écailles. Elle portait une armure légère et un sabre long et courbe, à la poignée ornée de pierres ; mais ce n’était pas ce qui attirait l’attention. Car dans son dos, entre ses omoplates, la créature avait un véritable serpent, vivant, qui jaillissait de son corps en sifflant et crachant, et menaçait de son regard fixe le public tout entier.
Vincent : Ce piège devient, une fois activé, un monstre Reptile et Earth. Il est de niveau quatre ; son attaque est de mille six cent et sa défense est de mille huit cent.
Anton : Bien, gamin, mais ça ne vaincra ni Teva, ni Mobius.
Vincent : Que tu crois. Je sacrifie le Celtic Guard ainsi que Embodiment of Apophis, pour invoquer un monstre de haut niveau : Mechanical Hound ! ( 7* ; 2800 / 1500 )
Le guerrier et la créature-serpent disparurent dans un éclat pour laisser apparaître une sorte de chien robotique. Ce monstre était articulé de pistons et d’axes qui chuintaient quand il bougeait. Malgré cela, il était vif et agile, et ses crocs étaient d’acier. Il avait à peu près la taille d’un Doberman.
Vincent ( 4600 pts, pas de carte ) : Ce monstre a une faculté très intéressante, qui est que tant que je n’ai pas de carte en main, tu ne peux pas activer de cartes Magies !
Anton : Ah ! Shit…
Vincent : Tu l’as dit, bouffi ! Allez, Mechanical Hound, attaque Teva !
Le grand chien se ramassa sur lui-même, et, en aboyant furieusement, se jeta sur le prêtre, qui ne put se défendre. Il fut bientôt égorgé par le dogue, qui, chuintant et grinçant, laissait sa rage se consommer sur le monstre.
Anton ( 2450 pts, 3 cartes ) : Erf…
Vincent : Eh ouais, gros ! T’es dans le caca ! Allez, à toi.
Anton piocha furieusement.
Tour 9 :
Anton : 2450 pts, 4 cartes en main, Mobius the Frost Monarch ( 6* ; 2400 / 1000 ), pas de MP.
Vincent : 4600 pts, pas de carte en main, Metal Reflect Slime ( 10* ; 0 / 3000 ), Mechanical Hound ( 7* ; 2800 / 1500 ), Dark Cure activé.
Avec le nouveau monstre de Vincent, l’avantage avait bel et bien quitté Anton, et tous dans le public le sentaient. A présent, chacun restait pour savoir combien de temps l’Américain allait tenir, et de quelle façon il perdrait ; quoiqu’il en soit, de l’avis de tous, il avait fait un beau match. Mais Maria n’était pas de cet avis : elle connaissait Anton et savait qu’il se battrait jusqu’au bout pour gagner. D’ailleurs, elle était sûre qu’il serait vainqueur, malgré la force de son adversaire, qui, elle le devinait, avait de l’avenir en tant que duelliste pro.
Virgil avait enfin réussi à arriver, tant bien que mal, au premier rang. Il avait vu la situation, et en un coup d’œil, l’avait analysée. Il avait associé cette analyse à ce qu’il savait d’Anton, et en avait déduit que celui-ci gagnerait. Mais tout le public pensait le contraire.
Anton : Durant ma Standby Phase, j’invoque de mon cimetière Treeborn Frog, car je n’ai aucune Magie et aucun Piège. Grâce à Dark Cure, je récupère cinquante points de vie.
Dans un halo lumineux, la petite grenouille ailée apparut à nouveau, provoquant de légères exclamations dans la salle. Elle se posa sur l’épaule d’Anton, et s’y roula en boule. C’était vraiment la belle et la bête.
Anton ( 2500 pts, 4 cartes en main ) : Puis, je place Mobius en défense, et je termine mon tour.
Le grand monarque s’accroupit, et plaça ses avant-bras en croix devant son visage, figurant ainsi un bouclier. Un sourire perça les lèvres de Vincent : son adversaire jouait la défensive, il avait gagné ! Il piocha, joyeux.
Tour 10 :
Anton : 2500 pts, 4 cartes en main, Mobius the Frost Monarch ( 6* ; 2400 / 1000 ), Treeborn Frog ( 1* ; 100 / 100 ), pas de MP.
Vincent : 4600 pts, une carte en main, Metal Reflect Slime ( 10* ; 0 / 3000 ), Mechanical Hound ( 7* ; 2800 / 1500 ), Dark Cure activé.
Vincent ne perdit pas de temps.
Vincent : J’attaque Mobius avec Mechanical Hound !
Le grand chien hurla à la lune, et se jeta sur le seigneur des glaces. L’armure était impénétrable ; mais frappant à la gorge, et ce malgré tous les efforts du monarque, il réussit à glisser ses crocs entre le casque et l’armure, pour mordre et tuer. Bientôt, le grand guerrier mourut, mais après une dure bataille.
Vincent : Et je termine mon tour… Les tiens sont comptés, l’Amerloque !
Anton ne répondit pas, et piocha. Il était totalement concentré sur le duel, à présent.
Tour 11 :
Anton : 2500 pts, 4 cartes en main, Treeborn Frog ( 1* ; 100 / 100 ), pas de MP.
Vincent : 4600 pts, une carte en main, Metal Reflect Slime ( 10* ; 0 / 3000 ), Mechanical Hound ( 7* ; 2800 / 1500 ), Dark Cure activé.
Anton regarda sa main en fronçant les sourcils. Il resta silencieux quelques instants, puis sembla se décider.
Anton : Je pose une carte Magie ou Piège face cachée, et c’est tout. A toi.
La carte apparut. Le public commença alors à se désintéresser du duel, et les gens se mirent à parler entre eux : ils pensaient, non sans raisons, que Vincent avait déjà gagné. Lui aussi, d’ailleurs.
Vincent : Et bien, Big Mac ? Tu n’abandonnes pas ?
Anton : Tu me parles mieux, gamin, ok ? Je commence à en avoir marre de tes bravades, ce ne sont que des défis dans l’air. Tu te bats jusqu’au bout et tu te la ferme. Tu comprends ? Shut up !
Ces mors rabattirent quelque peu le clapet du jeune homme, et, rouge et furieux, il piocha.
Tour 12 :
Anton : 2500 pts, 4 cartes en main, Treeborn Frog ( 1* ; 100 / 100 ), une MP cachée.
Vincent : 4600 pts, 2 cartes en main, Metal Reflect Slime ( 10* ; 0 / 3000 ), Mechanical Hound ( 7* ; 2800 / 1500 ), Dark Cure activé.
Vincent : Je commence en activant Magic Planter ! Cette carte me permet, en envoyant au cimetière un Piège Continu que je contrôle, de piocher deux cartes. Et pour cela, je choisis Dark Cure ; ainsi, elle ne risque plus de te soigner !
Le piège continu vola en éclats, et Vincent piocha deux cartes. Il les regarda, et parut satisfait.
Vincent ( 4600 pts, 3 cartes en main ) : Ensuite, J’attaque Treeborn Frog avec Mechanical Hound !
Une fois encore, le grand chien chargea. Il bondit sur Anton, saisit rapidement le petite grenouille qui était sur son épaule entre ses crocs et la broya. Cela déclencha plusieurs exclamations attristées dans le public, féminin plus particulièrement chez les spectatrices.
Vincent : T’as fait une grosse erreur, l’Amerloque : tu as posé une carte. Lors de ton tour, ton crapaud ne reviendra pas sur le terrain !
Anton : Grenouille, pas crapaud. Nuance.
Vincent : Peut-être, au final, ça ne change rien, t’as perdu d’avance, avec ce que je te prépare. Je termine mon tour en posant une carte face cachée ; à toi !
Anton, le visage neutre, piocha.
Tour 13 :
Anton : 2500 pts, 5 cartes en main, pas de monstre, une MP cachée.
Vincent : 4600 pts, 3 cartes en main, Metal Reflect Slime ( 10* ; 0 / 3000 ), Mechanical Hound ( 7* ; 2800 / 1500 ), une MP cachée.
Anton observa ses outils. Il avait de quoi faire quelque chose, mais cela suffirait-il ? Il l’ignorait. Son adversaire avait réellement un très bon niveau. Il n’avait été aussi concentré que très rarement, et cela le surprenait qu’il dût le faire autant contre un jeune homme ; il avait vraiment du talent, celui-là !
Anton : Je commence en activant un effet de ma main ! C’est celui de Spell Striker. Ce petit monstre peut s’invoquer spécialement en retirant une carte Magie de mon cimetière. Je retire donc Mystical Space Typhoon ! ( 3* ; 600 / 200 )
La carte Magie qu’Anton avait utilisée au début du duel apparut sur le terrain, et fut soudain aspirée dans la vide, comme par un trou noir. Aussitôt après, apparut un petit bonhomme, haut d’un mètre environ. Le visage rond et simple, à la mode cartoon, il portait un casque presque aussi grand que lui et une cape rouge ; sa tunique était simple. Il avait dans la main une baguette de bois, ornée à son extrémité d’un petit éclair.
Lorsque Vincent vit le monstre, il réagit au quart de tour.
Vincent : J’active également un effet ! Lorsque tu invoques spécialement un monstre de ta main, je peux invoquer celui-ci : Cyber Dinosaur ! ( 7* ; 2500 / 1900 )
Dans un bruit de ferraille, apparut sur le terrain un grand tyrannosaure de métal. Entièrement robotisé, il n’avait que les yeux étaient fait d’une autre matière que l’acier ; et les diodes vertes qui les faisaient briller luisaient d’un éclat menaçant. Le monstre mesurait bien trois mètres de haut.
Le public ne regardait plus le duel que d’un œil : Vincent dominait largement. Il possédait à présent deux monstres avec une grande force d’attaque, le dinosaure et le chien ; et le grand Slime surplombait toujours le terrain de sa hauteur et de ses trois mille points de défense. Mais Anton n’avait une fois encore pas terminé.
Anton ( 2500 pts, 4 cartes en main ) : Battle Phase ! J’attaque avec Spell Striker !
Vincent : Tu rigoles, il n’a que six cent d’attaque !
Anton : C’est exact, mais il possède une capacité très utile : il peut attaquer mon adversaire directement !
Le petit magicien leva son bâton, qui se mit à scintiller. Une sphère de lumière se forma autour, et, d’un geste ample, le bonhomme la jeta sur Vincent, qui leva les bras pour se protéger. La boule zigzagua entre les trois grands monstres, et frappa le jeune homme au côté.
Vincent ( 4000 pts, 3 cartes ) : …
Anton : Je n’ai pas terminé mon tour. Je sacrifie Spell Striker pour invoquer un autre de mes monstres.
Le magicien, à ces mots, commença à s’élever lentement dans les airs ; une lumière apparut, et soudain, un éclair zébra le terrain.
Anton : Zaborg, the Thunder Monarch ! ( 6*; 2400 / 1000 )
Le magicien avait disparu. A sa place, quelques mètres au-dessus du sol, était une grande silhouette. C’était un homme dans un grande armure ; il mesurait près de deux mètres cinquante, et son corps entier, protégé par la cuirasse, était invisible. Lentement, il descendit, posa le pied à terre. Son armure était faite d’un métal aux reflets vifs, blancs ; ses formes et ses angles étaient à la fois ronds et pointus. Les larges épaulières s’étendaient en partie sur le torse, et les jambières qui pesaient sûrement des kilos, ne produisaient malgré tout que peu de bruit. Fixées dans le dos, des courbes de métal doré formaient comme une auréole au-dessus du casque du monarque. Cette protection masquait tout le visage ; c’était une demi-sphère de verre à travers duquel on ne pouvait voir, sauf de l’intérieur. Enfin, par-dessus les cuisses et jusqu’aux genoux, Zaborg portait un long pagne couleur or, zébré de noir.
Vincent : Encore ? Il a les mêmes caractéristiques que l’autre, tu crois qu’il fera mieux ?
Anton ( 2500 pts, 3 cartes ) : Il fera aussi bien. La preuve : lorsqu’il est invoqué, je peux détruire un monstre sur le terrain ! Et je choisis Mechanical Hound !
Zaborg leva le bras, et tendit le doigt vers le ciel. Aussitôt, un éclair frappa le chien mécanique, et le fit exploser, provoquant la surprise du public, et un certain regain d’intérêt.
Vincent : Pas mal, mais les deux monstres qui me restent sont toujours plus forts que le tien…
Anton : Je sais… Mais je n’ai pas fini. Je joue une carte Magie : Different Dimension Capsule. C’est une carte continue, et elle me permet de retirer de la partie, depuis mon deck, une carte, que je ne te révèlerais pas ; dans deux tours, la Capsule ira au cimetière, et je pourrais prendre la carte en main.
Une sorte de sarcophage apparut sur le terrain, largement ouvert. Anton sélectionna sa carte, et elle se plaça, face cachée, dans le cercueil, qui se ferma dans un lourd bruit de pierre. Personne dans le public ne savait quelle était cette carte ; mais Maria et Virgil le devinaient.
Anton ( 2500 pts, 2 cartes ) : Et je termine mon tour. A toi !
Vincent piocha. Il semblait à nouveau plus concentré car il ne savait quelle était la manœuvre qu’Anton tentait de mettre en place ; mais lorsqu’il regarda à nouveau le terrain, il reprit toute sa confiance. Cyber Dinosaur pourrait détruire Zaborg, et en cas de problème, le Slime le protègerait. Il n’avait plus qu’à finir rapidement ce duel qui s’éternisait.
Tour 14 :
Anton : 2500 pts, 2 cartes en main, Zaborg the Thunder Monarch ( 6* ; 2400 / 1000 ), une MP cachée, Different Dimension Capsule activée ( deux tours ).
Vincent : 4000 pts, 3 cartes en main, Cyber Dinosaur ( 7* ; 2500 / 1900 ), Metal Reflect Slime ( 10* ; 0 / 3000 ), une MP cachée.
Vincent s’impatientait, et voulut jouer rapidement.
Vincent : Je dévoile ma carte cachée : le Monstre-Piège, Machine King – 3000 B.R !
La carte se dévoila, et il apparut un grand fauteuil de métal, qui semblait fait de milliers des circuits électriques concassés en un bloc. Dessus, un être humanoïde, entièrement robotique, était assis ; de son corps sortaient des tuyaux, des pistons, des circuits, des diodes et toutes sortes de choses. Ses pieds n’étaient que deux blocs ; il avait trois doigts à chaque main, et à la place du visage, une sorte de cercle vert brillait doucement. La créature entière laissait entendre des chuintements et des bips continuels.
Vincent : Ce piège devient un monstre de type Machine et d’attribut Earth ; son niveau devient quatre et son attaque et sa défense sont mille.
Anton : …
Vincent : Mais le Machine King a un effet… une fois par tour, je peux sacrifier un monstre de type Machine pour qu’il gagne autant d’attaque ! Et je choisis, durant ce tour, de sacrifier Cyber Dinosaur, pour que sa puissance se rajoute à celle de Machine King !
D’un seul coup, un tuyau jaillit du fauteuil de métal, et alla se planter sur le corps ferrailleux du dinosaure. Aussitôt, la lumière dans les yeux du monstre s’éteignit ; on aurait dit que toute son énergie avait été drainée, car il tomba à terre, devenue de la ferraille inutile, et disparut. Les points d’attaque du Machine King se mirent à monter en flèche, pour atteindre trois mille cinq cent.
Vincent : Je déclare une attaque du Machine King sur Zaborg !
Sous le regard impuissant d’Anton, le monstre de métal se leva de son trône et, courant vers le monarque des foudres, l’étrangla avec un câble sans que celui-ci ne puisse rien faire.
Anton : Erf…
Vincent : Et je termine mon tour là-dessus. Ainsi, l’attaque du Machine King retourne à mille. A toi, l’Amerloque !
Anton piocha. Il était plus concentré que jamais.
Tour 15 :
Anton : 1400 pts, 3 cartes en main, pas de monstre, une MP cachée, Different Dimension Capsule activée ( un tour ).
Vincent : 4000 pts, 3 cartes en main, Machine King – 3000 B.R ( 4* ; 1000 / 1000 ), Metal reflect Slime ( 10* ; 0 / 3000 ), pas de MP.
Anton regarda ses cartes, et réfléchit. Dans le public, chacun savait Vincent gagnant ; malgré tout, une lueur d’espoir subsistait pour certains, et elle résidait dans la carte cachée au fond de la Capsule. Seuls, une fois de plus, Maria et Virgil pensaient qu’Anton gagnerait.
Anton : Je ne fais rien. A toi.
Il y eut un murmure dans le public. Abandonnerait-il ?
Anton : Et le premier qui dit que j’ai lâché l’affaire, je tiens à m’entretenir personnellement avec lui, mais qu’il aille se faire prendre en photo maintenant, il ne se reconnaîtra plus après !
Cette phrase fit sourire beaucoup de gens, dont Maria, qui reconnaissait bien là son Américain favori.
Vincent : Tu ne crois pas qu’il est temps d’abandonner, gros ? T’as plus aucune chance ! J’ai une carte au potentiel offensif énorme et un défenseur impénétrable, tu veux faire quoi contre ça ?
Anton : Tu joues, oui ou…
Vincent : Oui, oui, ça va…
Vincent piocha, très rouge.
Tour 16 :
Anton : 1400 pts, 3 cartes en main, pas de monstre, une MP cachée, Different Dimension Capsule activée ( un tour ).
Vincent : 4000 pts, 4 cartes en main, Machine King – 3000 B.R ( 4* ; 1000 / 1000 ), Metal Reflect Slime ( 10* ; 0 / 3000 ), pas de MP.
Vincent : Je commence en invoquant Blue Thunder T-45 ! ( 4* ; 1700 / 1000 )
Le nouveau monstre de Vincent était une navette spatiale. De la taille d’un homme, elle était composée de trois parties : deux réacteurs, qui étaient attachés à la partie centrale par deux ponts. La carlingue principale était oblongue, recouverte d’un métal brillant, et à l’avant, un large pare-brise teinté masquait la cabine du pilote. L’engin produisait un ronronnement régulier dû au moteur.
Vincent ( 4000 pts, 3 cartes ) : Maintenant, l’effet de Machine King : je sacrifie Blue Thunder, et il récupère ses points d’attaque !
De la même manière qu’avec le dinosaure, un câble se fixa sur le vaisseau, et en pompa l’énergie, le transformant en carcasse inutile. La puissance du robot était maintenant de deux mille sept cent points, et Anton n’avait pas de monstre.
Vincent : Machine King t’attaques directement ! Ca y est, t’es foutu, l’Amerloque !
Un chuintement s’échappa du trône de ferraille, et à nouveau, un câble d’acier en jaillit, fonçant vers Anton ; mais au moment où il allait l’atteindre, un silhouette se dressa entre eux : celle de Zaborg. Il apparut dans un bruit de tonnerre qui fit sursauter tout le monde.
Vincent : Quoi ?
Anton : J’ai activé ma carte face cachée : Call of the Haunted ! Elle me permet de faire revenir un monstre de mon cimetière !
Vincent : Rah ! Tant pis ! Machine King, attaque Zaborg !
Le câble frappa Zaborg et perça sa grande armure à l’endroit du cœur ; le monarque plia un genou, puis s’étala lentement sur le sol. La carte Call of the Haunted disparut avec lui.
Anton ( 1100 pts, 3 cartes ) : Tu vois, gamin, je peux encore tenir !
Vincent : Au prochain tour, Big Mac, t’es mort ! Allez, je termine !
Anton sourit. Il avait tenu assez longtemps. Il pouvait gagner. Il piocha.
Tour 17 :
Anton : 1100 pts, 4 cartes en main, pas de monstre, Different Dimension Capsule activé ( zéro tour ).
Vincent : 4000 pts, 3 cartes en main, Machine King – 3000 B.R ( 4* ; 1000 / 1000 ), Metal Reflect Slime ( 10* ; 0 / 3000 ), pas de MP.
Anton avait le sourire aux lèvres : ce tour-ci serait celui de son retour. Car la carte qu’il avait piochée, ainsi que la combo qu’il avait soigneusement mise en place ces derniers tours, lui assuraient la victoire.
Anton : Regarde bien, gamin ! C’est maintenant que tout se joue !
Alertés par cette bravade, le public s’intéressa à nouveau au combat. Anton avait l’air sûr de lui, et des chuchotements interrogateurs se firent entendre.
Anton : Standby Phase ! L’effet de Different Dimension Capsule s’active, car cela fait deux tours qu’elle est sur mon terrain. Je peux donc prendre la carte que j’avais retirée de la partie !
Le lourd coffre s’ouvrit, et la carte face cachée apparut. Anton s’exécuta, et les hologrammes disparurent. Vincent et le public ne disaient rien, mais tous retenaient leurs souffles.
Anton ( 1100 pts, 5 cartes en main ) : Toujours en Standby Phase ! Je n’ai plus de cartes Magie ou Piège ; je peux donc invoquer de mon cimetière ma Treeborn Frog !
Pour la troisième fois, la petite grenouille ailée apparut dans un halo de lumière. Elle voleta autour d’Anton, puis, selon son habitude, se posa sur son épaule.
Vincent : Ces petites manipulations ne te sauveront pas.
Anton : You think so ? Tu vas voir si ça ne va pas me sauver ! J’active la carte que j’ai prise avec la Capsule : Monster Reincarnation ! Cette Magie me permet, en me défaussant d’une carte, de reprendre un monstre de mon cimetière à ma main ! Et je choisis, en me défaussant d’une carte, de récupérer Mobius, the Frost Monarch !
[i][ Dernière modification par Sebphiroth le 07 sep 2010 à 18h36 ][/
___________________ - Un vaisseau de fantômes gréé d'algues marines ! Une chose engloutie qui jamais n'aurait dû revoir la face du soleil ! Sur son pont limoneux, un nautonier à l'orbite putride attend de nous entraîner vers les profondeurs sépulcrales où se lamente le choeur sans voix des noyés boursouflés par les miasmes de l'onde amère !
- Vous... vous dites ça pour plaisanter ?
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