Sebphiroth Hors Ligne Membre Inactif depuis le 18/03/2013 Grade : [Kuriboh] Echanges (Aucun) Inscrit le 21/07/2009 85 Messages/ 0 Contributions/ 0 Pts | Envoyé par Sebphiroth le Samedi 12 Juin 2010 à 12:00
Jango !
Et bien, cela faisait longtemps qu'un nouveau chapitre n'avait pas été posté ! Mais je rattrape cela et m'excuse, c'est la faute à un certain manque d'inspiration, mais c'est maintenant chose réglée.
Bien, àprésent, le quart d'heure commentaire !
je m'attendais à quelque chose de vraiment innovant
Que veux-tu dire ? Jusqu'à preuve du contraire, il n'y a encore personne en Europe qui joue Jurac, alors si c'est pas innovant
Pour Dora, tu ne te serais pas inspiré de celle qui boit tout le temps dans Fairy Tail ?
Pas du tout, je ne la connais pas ^^
On le croirait intelligent et au final il se laisse piéger par une simple vanne de les toits
Intelligent, il l'est ! Mais cela n'empêche pas un orgueil et une fierté trop développés.
Et maintenant, le chapitre vingt ! Nous allons laisser un moment nos amis de Neo Domino City pour retourner à New York, voir comment Maria, Virgil et Anton se débrouillent... et que va apporter cette fameuse réunion des grands notables de l'Eglise de la Lumière ?
Bonne lecture !
Chapitre XX : La réunion
Pendant ce temps, à New York, les préparatifs avançaient tranquillement. Sous la direction de Maria, Virgil et Anton parcouraient la ville pour trouver le matériel nécessaire à leur expédition. Cela n’était une chose aisée ; en effet, ils devaient acheter les objets chacun dans des magasins différents, pour éviter tout soupçon. Et comme il n’était pas facile, même dans une ville relativement riche comme New York, de trouver beaucoup de choses, il fallut à nos héros cinq jours pour rassembler tout ce qu’il leur fallait.
La chose la plus importante était le matériel de plongée ; la plus importante et aussi celle qui fut la plus difficile à trouver. En effet la plongée était un sport pratiqué uniquement par les riches, c’est-à-dire uniquement par les politiques, les grands patrons et les religieux, la position des deux premiers dépendant du vouloir des derniers. Aussi les costumes furent-ils achetés à un vieil homme d’Eglise qui n’en avait plus l’usage à cause de son âge, et cela par l’intermédiaire de l’agent de sécurité endetté dont Anton s’était déjà servi ; mais il fallut encore faire modifier un costume pour l’adapter à la physionomie de l’Américain, ce qui coûta cher et énerva passablement Maria, qui détestait ce genre de contretemps.
Ensuite il fallut acheter des sacs étanches, pour protéger, lors de la plongée dans les égouts, les cartes, les Duel Disks, les carnets de notes et la nourriture. Cela fut déjà plus aisé ; car les sacs étanches étaient beaucoup utilisés dans les usines de triage des déchets, où certaines ordures, dégoulinant de jus d’on ne savait quoi, étaient placées dedans afin qu’elles ne salissent pas plus le sol qu’il ne l’était déjà. Il suffit donc à Virgil de se rendre dans une de ces usines pour prendre des sachets. Ceux-ci furent ensuite placés à l’intérieur des sacs à dos de nos héros ; et les bagages furent ensuite mis à l’intérieur. La difficulté, disait Maria, serait, lors de la plongée, de porter sur son dos à la fois les bouteilles d’oxygène et les sacs. Mais après plusieurs essais, ils parvinrent à trouver la solution. En mettant les bouteilles sur le dos et e sac sur le ventre, on perdait en souplesse mais on gagnait en mobilité et en praticité. Anton, lui, fut à nouveau gêné par sa bedaine ; mais lorsque Virgil le lui fit remarquer, il devint très rouge et dit en serrant les dents qu’il s’en accommoderait bien et qu’en plus il avait minci. Sachant le sujet sensible, les deux autres approuvèrent sans plus discuter…
Quant au reste du matériel, à savoir la nourriture et les carnets, cela ne posa pas de problèmes.
Il fut également lancé une expédition dans les égouts, afin de repérer l’endroit où se trouvait le boyau que nos héros devraient emprunter. L’entrée des égouts la plus proche se trouvait à environ deux kilomètres de ce tuyau, et il leur fallut donc marcher un peu avant de le trouver ; mais grâce aux indications fournies par l’agent de sécurité, ils n’eurent pas de mal à le trouver.
L’entrée du boyau se présentait ainsi : elle se trouvait dans une salle du réseau égoutier, laquelle était une sorte de piscine sale, avec des bords étroits et humides, et une eau profonde mais propre, car comme on le sait, des turbines l’entretenaient en permanence. Tout au fond du bassin sombre était le boyau, béant et ouvert à toutes eaux.
Selon les plans fournis par l’agent de sécurité, le tuyau remontait doucement durant environ un kilomètre jusqu’à la salle où la réunion se déroulerait ; à ses débuts, donc, il était plein, mais au bout de cinq cent mètres, il n’était plus inondé qu’à environ trente pour cent. Ce serait durant ces cinq cent mètres totalement inondés que nos héros devraient se dépêcher ; car il s’y trouvait les deux turbines qui, une fois par jour et pendant dix minutes, se trouvaient arrêtées et que nos amis devraient franchir.
Bien évidemment, personne ne se risqua à pousser l’exploration jusque dans le tuyau ; cela rendait hasardeuse l’opération en elle-même mais on ne pouvait se permettre de prendre des risques inutiles.
La vieille du départ, et donc deux jours avant la réunion, tout était prêt. Les trois duellistes se retrouvèrent sans rien à faire, et cela les reposa grandement, car les cinq derniers jours avaient été très intenses. Aussi Maria conseilla-t-elle à ses deux amis de se coucher tôt, ce qu’ils firent sans discuter.
Le lendemain, ils étaient prêts à huit heures. Ils savaient que les turbines du tuyau s’arrêteraient à onze heures ; aussi ils prirent les devants. Ils prirent leurs D-Wheels et parcoururent les deux kilomètres qui les séparaient de la plaque d’égouts ainsi. Comme convenu, l’agent de sécurité endetté qui leur fournissait des informations était là. C’était un homme petit, fort de carrure, la peau blanche et parsemée de taches brunes ; il avait dans le regard la servilité de ceux qui veulent plaire à leur bourreau. Mais Anton le tenait fermement, et lorsqu’il descendit de sa D-Wheel, il se planta face à lui, bedaine en avant, et dit en le regardant dans les yeux :
« Johns, you knows your situation.
- Yes, Sir… répondit-il faiblement.
- So, you will do what I said, without exception.
- Yes, Sir…
- Very good. Puis, se retournant vers ses amis : Il obéira. Allez, on y va. »
Précédés par Johns, Virgil, Maria et Anton descendirent dans les égouts, laissant là leurs véhicules, et reprirent le chemin qu’ils avaient déjà fait jusqu’à la salle où se trouvait l’entrée du tuyau. Là, ils revêtirent leurs combinaisons, enfilèrent les palmes, fixèrent les bouteilles, et attendirent.
L’eau remuait lentement à la surface du bassin ; mais au fond, accéléré par les turbines, son mouvement était si fort qu’il pouvait entraîner un homme sans qu’il n’ait le temps de faire quoi que ce soit. Cela, les trois amis le savaient, et pour bien discerner le moment où les hélices seraient stoppées, ils lancèrent dans l’eau un poids léger, attaché à une ficelle, que le courant tira. Lorsque le poids ne serait plus entraîné, cela voudrait dire que les hélices seraient stoppées. Puis ils prirent une ultime précaution : passant une menotte à Johns, ils le lièrent à un tuyau solide et placé au mur, afin qu’il ne s’enfuie pas. Cela était nécessaire pour qu’il n’avertisse pas la Lumière et qu’ils soient pris sur le fait.
Il était dix heures ; ils attendirent environ une heure, et soudain le courant cessa. Sitôt qu’ils s’en furent rendu compte, ils se levèrent. Maria, Anton et Virgil mirent leurs masques, et plongèrent sans hésiter. Johns, lui, devait rester là, durant les vingt-quatre heures que durerait l’opération. On n’est jamais trop prudent.
Une fois dans l’eau, nos trois amis plongèrent le plus rapidement possible et s’introduisirent dans le tuyau ; ils n’avaient que dix minutes pour traverser les cinq cent mètres inondés et passer les deux hélices stoppées. Le tout à la seule lumière de leurs torches.
Les premiers deux cent mètres furent aisés et parcourus en environ trois minutes. En avançant, ils pouvaient voir sur les côtés les boyaux secondaires qui venaient remplir celui qu’ils parcouraient ; mais ils ne s’en occupaient pas, il fallait aller vite. Puis ils virent la première hélice.
Le tuyau mesuraient à cet endroit environ cinq mètres de diamètres ; aussi les pales mesuraient deux mètres cinquante chacune. A leurs extrémités, là où elles étaient l’espace qui les séparait l’une de l’autre était le plus grand, Maria et Virgil purent passer sans trop de problèmes, même avec les sacs et les bouteilles. Mais Anton, à cause de sa corpulence, eut du mal à passer ; il fit perdre au groupe environ une minute. On en était à quatre sur dix.
Ils parcoururent encore deux cent mètres ; le tuyau se rétrécissait, et n’avait plus qu’environ deux mètres de diamètre. Et ils atteignirent la seconde hélice. Celle-ci était beaucoup plus petite, et par conséquent l’espace libre pour la franchir était plus étroit. Maria, qui était fine de taille, passa en se tortillant. Virgil, qui n’était pas grand non plus, eut un peu plus de mal. Mais Anton, une fois sa poitrine passée, ne put plus avancer. Il restait trois minutes et cent mètres.
L’Américain était coincé. Sa poitrine, quoique imposante, était passée, mais le ventre ne suivait pas, car à la fois le sac et les bouteilles l’en empêchaient. Voyant cela, Anton garda un sang-froid d’autant plus exceptionnel qu’il s’emportait habituellement facilement. N’insistant pas plus, il se retira d’entre les pales, et commença d’ôter son sac ; une fois cela fait, il le tendit à travers les pales à Virgil, qui le prit. Puis, Anton desserra ses bouteilles ; et, sans pour autant couper son arrivée d’oxygène, il les enleva de ses épaules. Il les fit passer entre les pales, et Maria les saisit ; alors, bien moins encombré, le gros homme put passer en se tortillant et en étant aidé par Virgil, car les bouteilles que tenaient Maria étaient lourdes et elle ne pouvait agir. Une fois extirpé de là, Anton reprit rapidement les bouteilles, les enfila à la va-vite, fit de même pour son sac, et repartit vers l’issue du tunnel. Il restait environ une minute.
Virgil, Maria et Anton ne mesuraient pas le temps, car c’aurait été inutile et inexact ; mais ils sentaient que l’échéance approchait et que bientôt les turbines allaient se remettre en marche. Battant le plus vite possible des palmes, ils donnèrent tout ce qu’ils purent sur les cent derniers mètres. Mais ce n’était pas facile, car le tuyau, s’il avait gardé la même taille, était de moins en moins rempli, si bien que durant un moment qui leur sembla une éternité, ils ne purent ni nager efficacement, leurs palmes prenant à moitié appui sur de l’air, ni marcher, le niveau étant encore trop haut ; mais ils étaient encore à la merci du courant produit par les hélices.
Puis le niveau d’eau fut d’environ quarante pour cent du tuyau. Mais la nage allant alors toujours plus vite que la marche, ils continuèrent à agiter leurs palmes en rasant le fond, l’un derrière l’autre, Maria en tête. Ils avançaient toujours, et le niveau baissait ; enfin, ils purent se redresser, car le niveau avait atteint environ trente pour cent. Mais alors, les dix minutes étaient écoulées, et ils sentirent se créer un courant en même temps que le bruit des turbines grondait à nouveau ; heureusement, ils n’avaient de l’eau qu’à hauteur de soixante centimètres, et purent donc progresser tout en luttant contre la force qui les poussait vers l’arrière. Cela allait d’ailleurs de plus en plus facilement, car le niveau baissait avec la distance parcourue, et l’influence du courant aussi. Bientôt, le tuyau prit un virage ; monta un encore un peu ; et ils virent une lumière au bout du tunnel.
C’était l’ouverture qui donnait sur la salle de réunion.
« Bon, dit Maria à bout de souffle, je crois que nous pouvons nous reposer…
- Et dire que nous devrons faire la même chose au retour… se plaint Anton.
- Mais non, voyons… Au retour, si nous arrivons à dépasser la dernière hélice, si le courant redémarre, il nous poussera vers la sortie. Nous n’aurons donc qu’à parcourir un peu plus de trois cent mètres sous l’eau et voilà… Mais il faudra rester prudent quand même…
- C’est vrai. Bon, installons-nous, nous avons trois heures avant le début de la réunion : elle commence à quatorze heures… Et ensuite, il faudra patienter jusqu’à demain, onze heures. »
Ils s’installèrent donc le plus confortablement possible ; cela n’était pas facile, car le tuyau n’était pas si grand, et c’était un tube ; impossible donc de s’asseoir droit et face à face. De plus, il n’était pas très propre : quelques algues s’étaient développées sur les parois, à cause de l’humidité. Heureusement leur progression était limitée par la grande qualité de l’eau qui circulait à cet endroit, ce qui n’était pas le cas au tout début du tunnel.
Maria inspecta l’ouverture. Comme l’avait dit Johns, elle donnait sur une large pièce d’eau claire et peu profonde, embellie d’une coulée d’eau continuelle sur le mur. Au-delà, était la salle de réunion. Vaste, claire, d’un style très riche et exubérant, il trônait en son centre une large table ronde en bois sombre, ouverte en son centre, comme un grand « o » de bois laqué. Autour étaient de larges et confortables fauteuils.
Comme les meubles, la pièce était d’un luxe brillant jusqu’à trop l’être. Le sol était d’un marbre laqué ; les murs aussi, quoique leur base fût en bois noble. Des colonnes, contre les parois, s’élevaient vers le plafond ; mais un architecte aurait tout de suite vu qu’elles ne soutenaient rien du tout et n’étaient là que pour rappeler le luxe ostentatoire de l’ancienne Rome. Il y avait également, entre chaque pilier et dans les murs de marbre, une vitrine en forme d’étoile où un objet précieux miroitait : gemme, sceptre, épée, bijou… tous étaient sensé avoir appartenu à une grande figure de la Lumière et avoir été pour elle un symbole de sa puissance et de sa piété.
Le toit, lui, était formé de larges plaques de verre qui s’élevaient vers le ciel comme dans une pyramide ; mais ce qu’on voyait derrière n’était pas la structure du bâtiment, mais d’énormes blocs de verre où étaient gravées au laser des scènes religieuses. Enfin, derrière la table ronde, nos amis pouvaient apercevoir une immense porte de chêne aux lourdes poignées d’or, ainsi que deux vigiles qui gardaient l’entrée, immobiles comme des statues.
Cette opposition entre le classicisme du sol et des murs et le moderne du plafond était saisissant et n’était pas sans signification : l’Eglise avait toujours été, et serait toujours.
« Vous croyez que tout ça sera vraiment utile ? »
C’était Virgil qui avait posé cette question à voix basse. Ils attendaient depuis deux heures déjà, parlant peu de peur de se faire entendre des vigiles.
« Comment ça, nous croyons ? fit Maria, surprise. Bien sûr que ça le sera. Cette réunion, comme l’a dit Anton, est un bilan de l’année écoulée. Il y aura les plus grands dirigeants de l’Eglise, les responsables…
- Nous pourrons apprendre des choses sur d’éventuels autres résistants dont nous ignorions l’existence, ajouta Anton, qui avait lancé à Maria un regard qui signifiait : « Ah, tu vois que ce n’était pas une bonne idée de l’impliquer ! »
- Et puis, peut-être aurons-nous des échos de ton intervention, continua l’Argentine. Tu n’as pas l’air de t’en rendre compte, mais tu as enlevé à une Main une jeune fille soupçonnée de résistance ; tu l’as battu en duel, en utilisant des cartes hautement significatives de ton engagement ; peu après, l’ami de cette jeune fille se fait libérer de la chambre de torture par deux individus masqués. Il est facile de déduire, pour les religieux, qu’il existe à Neo Domino City un groupe de résistance, et il nous faut savoir où ils en sont.
- C’est vrai… » Virgil n’avait pas l’air convaincu. Il avait le nez baissé, et semblait réfléchir profondément. Ses sourcils étaient froncés d’une manière qui lui était particulière, et quand il les fronçait ainsi, on ne savait pas s’il pensait ou s’il était triste.
Quelques secondes s’écoulèrent, et Anton prononça :
« You knows, Virgil, tu n’as pas à te demander si cela sera utile, car maintenant que nous sommes là, nous ne pouvons plus reculer. Nous sommes dans ce maudit égout puant, à attendre les pieds dans l’eau qu’une réunion commence ; Johns est enchaîné pour vingt-quatre heures à l’autre bout, et nous devrons attendre demain, onze heures avant de risquer à nouveau notre vie pour repartir. La situation n’est pas assez brillante pour se demander si ça en vaut la peine. Contentes-toi d’agir, et fais ce qu’on te dit, comme un soldat.
- Je vois, dit Maria en souriant, que tu as bien retenu les leçons de Dora, Anton.
- Que veux-tu, dit le gros Américain, elle a beaucoup à nous apprendre et il faut l’écouter, bien qu’elle soit rarement sobre.
- Et toi avec tes chips, tu crois que tu es mieux ? »
Le visage d’Anton s’empourpra, et Maria se mit à rire. Elle avait un rire clair, qui redonna du courage à Virgil. Intérieurement, il la remercia pour ce don de commandement qu’elle possédait et qu’elle utilisait si bien.
Ils attendirent encore une heure environ. Et soudain, il y eut du mouvement dans la salle de réunion : les vigiles, entendant des bruits de pas derrière la grande porte, se préparèrent, et les trois amis, voyant cela, sortirent carnets et crayons.
L’immense porte de chêne ne s’ouvrit pas ; mais une autre porte, plus petite et taillée à l’intérieur même de la grande, laissa passer une vingtaine de personnes qui, se répartissant en plusieurs petits groupes, discutaient vivement. Il y avait des gens de toutes sortes, si bien que l’on pouvait pour certains deviner, en les regardant, de quel pays ils étaient les représentants. Ils discutèrent chacun de leur côté pendant environ une demi-heure, dans un brouhaha tel qu’aucun des trois espions ne pouvait discerner quelque chose ; en revanche, ils virent aux fréquent coups d’œil jetés vers la porte que les notables attendaient quelqu’un ou quelque chose.
Enfin, cela arriva. Un homme entra, et parla à voix basse aux vigiles ; ceux-ci frappèrent dans leurs mains, pour demander le silence ; et l’autre homme annonça d’une voix forte et claire :
« Messieurs, je vous demande le calme ! La réunion va pouvoir commencer, car Mesdames et Messieurs Adams, Torrez et Specto, ainsi que notre Grand Maître, Deus. »
Apparurent alors quatre personnages, alignés comme les figures d’un jeu de cartes. Instantanément le silence le plus complet se fit. D’où ils étaient, Maria et les autres ne pouvaient pas distinguer leurs traits ; mais ils voyaient que parmi les quatre personnages, l’un était une femme, et un autre était vêtu d’une large tunique d’un blanc éclatant. C’était sans doute le Grand Maître. Mais…
« Tu savais qu’il existait un Grand Maître, toi ? chuchota Maria.
- Pas du tout, répondit Anton. Il faut dire qu’on n’a jamais vraiment su qui tirait les ficelles des politiques… »
Les quatre personnes s’avançaient vers la table centrale, et Maria put distinguer leurs visages. Le premier, qui répondit au nom de Torrez, était un petit homme brun, très mat de peau, et qui parlait très vite ; de plus, il avait un accent brésilien qu’il tentait visiblement, sans succès, d’occulter. Il avait les yeux noirs, perçants. Son corps était mince, peu musclé ; il était vêtu d’un complet-veston noir, très sobre, et avait des dents éclatantes. Il avait tout du jeune premier qui, ayant passé la quarantaine, garde un beau physique et une vivacité d’esprit à toute épreuve. Dans ce jeu de cartes il était le valet.
La seconde personne était la femme ; on murmura sur son passage le nom de Scarlett Adams. Elle semblait avoir environ quarante-cinq ans, et n’avait rien perdu de sa beauté. Tout était fin chez elle, de sa taille jusqu’aux traits de son visage. Elle avait la peau blanche des Européens du Nord, les cheveux bonds et raides, coupés courts et savamment décoiffés, et les yeux d’un bleu très clair. Sa bouche était fine, élégante, ses lèvres rose pâle. Elle était grande et élégante, et portait une robe rouge qui lui arrivait à mi-cuisse. Elle avançait en plaçant les jambes l’une devant l’autre, un peu comme le ferait un mannequin, mais il y avait dans sa démarche une autorité et un pouvoir puissant. Car si son corps était fin et attirant, si son visage était noble, si sa poitrine était belle, on sentait à travers son parfum de femme la senteur âcre du pouvoir. Dans ce jeu de cartes elle était la reine.
La troisième personne, par déduction était celui qui se nommait Specto. Grand, blond, les cheveux coupés en brosse, il était vêtu d’une chemise blanche et d’un jean simple, délavé. C’était celui des trois qui avait l’habillement le plus ordinaire, et cela étonnait beaucoup Maria de voir un personnage qui semblait si important habillé si communément. Pourtant, il y avait dans son regard quelque chose d’étrange. A cause de la distance, Maria ne pouvait pas bien définir ce que c’était ; mais elle crut savoir que c’était une intelligence aigüe, aiguisée, acérée comme le tranchant d’une lame. Dans ce jeu de cartes il était le roi.
Enfin, le quatrième personnage était celui que l’on avait annoncé sous le titre de Grand Maître et que l’on avait nommé Deus. C’était un vieil homme, aux cheveux blancs et à la barbe en pointe. Tout son visage était marqué de profondes rides, et on devinait son corps maigre sous l’immense vêtement blanc qui le couvrait. Mais il n’y avait aucune faiblesse dans son maintien, et il se dressait fièrement, noble et puissant, parmi ses inférieurs. Dans ce jeu de cartes, il était l’as.
Tous les notables s’installèrent autour de la table, dans les fauteuils ; ils semblaient tous avoir une place attitrée. Les sièges des quatre personnages les plus importants, c’est-à-dire Scarlett Adams, Torrez, Specto et Deus, étaient ceux qui avaient la vue la plus agréable, à savoir la pièce d’eau ; ils étaient donc face à Maria, Virgil et Anton, lesquels avaient déjà pris beaucoup de notes sur ces quatre-là.
Les discussions continuèrent un peu, jusqu’à ce que le Grand Maître frappa doucement mais fermement la table du plat de la main ; alors le silence se fit, et, se levant, il prit la parole.
« Antur. Messieurs, mesdames, dit-il d’une voix grave et éraillée, nous sommes le vingt-trois Avril de l’an cent quatre après la Résurrection. Cette réunion, comme chaque année, est organisée pour faire le point sur l’an écoulé ; nous aurons donc plusieurs sujets à traiter, ainsi que de coutume. Pour commencer… »
Quand il parlait, chacun l’écoutait, car il avait naturellement un charisme puissant auquel l’âge n’avait rien enlevé. Les regards se tournaient vers lui, et en particulier celui, aiguisé, de Specto.
Il fut d’abord question de choses qui n’avaient pas beaucoup d’importance pour nos amis, notamment la gestion des ressources de l’Eglise ; mais ils en profitèrent tout de même pour noter quelques noms.
La situation économique de l’Eglise était très saine : elle possédait de très grandes parts dans la plupart des entreprises importantes, et les autres obéissaient à coups de pots de vin. Tant qu’on resta dans le domaine économique, ce fut principalement Scarlett Adams qui parla ; elle exposait les faits, donnait des chiffres avec une assurance et une exactitude qui donnèrent à penser aux espions qu’elle dirigeait l’économie religieuse, ce qui expliquait son importance. Quand elle parlait, Scarlett Adams avait une manière de se tenir particulière : droite, le dos légèrement décollé du dossier du fauteuil, elle posait un bras sur la table et illustrait ses propos avec de gracieux gestes de l’autre. Quand elle s’adressait à quelqu’un en particulier, elle le regardait dans les yeux, avec un regard séduisant quand elle félicitait et glaçant quand elle réprimandait. La plupart des hommes baissaient les yeux quand elle s’adressait à eux ; les femmes, en revanche, s’opposaient plus facilement. Car Scarlett Adams, nos espions le devinèrent facilement, était une de ces femmes que l’association de la beauté et de l’intelligence rend dangereuses.
Puis, une fois le sujet économique épuisé, le Grand Maître reprit la parole et orienta le débat vers la prêtrise ; furent alors cités beaucoup de noms de personnes qui étaient montés en grade ou désiraient le faire. Chaque représentant de pays nommait ceux qui avaient atteint cette année des grades importants, situés dans la hiérarchie inconnue du public, et exposaient leurs dossiers. Il y en avait peu ; mais chacun était excellent dans son domaine, et était d’une conviction religieuse à toute épreuve. Certains, cependant, n’avaient pas grand-chose pour eux, et ne devenaient des prêtres importants que grâce à leurs relations, dont certaines étaient alors présentes ; mais on s’en inquiétait peu, car ce genre de personnes est facilement fanatisé puis contrôlé ; au pire, on s’en débarrassait. Deux personnes furent ainsi jugées trop gênantes dans ce conseil, et on décida leur mort. Dans ce domaine de prêtrise, c’était celui qui se nommait Torrez qui avait le commandement : il connaissait les grands prêtres de toutes les villes et tous les pays, et c’était lui qui donnait le jugement quant aux cas gênants. Ainsi, nos espions devinèrent qu’il était l’autorité suprême en matière de haute prêtrise.
Ensuite fut abordée la question politique ; rappelons-le, ce domaine était contrôlé dans sa quasi-totalité par l’Eglise dans les grands pays. Aussi, Scarlett Adams reprit la parole, car elle était visiblement chargée de la politique en plus de l’économie. Mais ce sujet fut court : en effet, les dirigeants des grands pays étaient à la botte de l’Eglise, et ceux des petits pays n’avaient pas la force nécessaire pour résister.
Enfin fut abordé le sujet de la résistance civile.
« Pour parler de cela, je demanderais d’abord à Mr Specto, maître des Mains, de nous exposer la situation », dit le Grand Maître. A ce moment, l’interpellé se leva, et passa une main dans ses cheveux blonds ; il n’avait encore rien dit depuis le début, quoiqu’il eût écouté attentivement. Il mit les deux coudes sur le bois de la table, croisa les doigts devant sa bouche, et parla en regardant tour à tour chacun des notables.
« Je serais, quant à la situation d’ensemble, très bref, Messieurs. En effet, il n’y a pas d’autre résistance que la passivité dans le monde ; et à part quelques obscures ethnies qui gardent leurs anciennes croyances, nos seuls adversaires sont ceux que la Lumière laisse indifférents. Mais il est à noter qu’ils tremblent malgré tout devant notre puissance, ce qui veut dire qu’en cas de crise, il nous suffira de mettre la pression pour qu’ils adhèrent totalement à nos idées. La police secrète fait très bien son travail, et chaque dérivant est arrêté et, selon la gravité du risque… jugé. Dans la plupart des cas, les infractions à nos lois sont bénignes, comme oublier de prier avant de consommer dans un bar, insulter un prêtre qui s’est mal comporté… Quelques cas plus graves, mais rien de bien méchant. Cela, c’est pour la situation globale. Mais il y a autre chose… »
Maria et les autres retinrent leur souffle. Ils devinaient ce que le chef des Mains allait dire.
« Autre chose ? demanda le représentant de l’Inde.
- Effectivement. Certains d’entre vous en ont certainement déjà entendu parler : il s’agit d’un cas troublant non pas de résistance, mais bien de révolte à Neo Domino City. »
Il y eut un silence, et Specto observa l’effet produit. Visiblement, personne ne le croyait.
« De révolte, dites-vous ? fit la Russie. Cela est impossible : nous contrôlons les esprits, ce sont vos propres hommes qui s’en chargent, Mr Specto…
- C’est exact. Mais le cas est particulier, et j’y ai moi-même participé en tant qu’acteur sur le terrain.
- Sur le terrain ? chuchota Maria. Mais personne ne nous a parlé d’un quelconque Specto…
- En effet, continua l’orateur, il y a environ trois semaines, une jeune fille de l’Université de Cartes et de Religion de Neo Domino a fait un duel contre son professeur ; celui-ci étant un parfait idiot, comme nous l’avons constaté, il avait réussi à la mettre très en colère et elle a utilisé un deck différent de celui qu’elle d’utilisait habituellement. Ces nouvelles cartes, nommées Fabled, sont d’attribut Lumière, mais toutes de type Démon, du moins celles que l’on a vu ; les monstres ont tous des ailes de chauve-souris et l’un de leurs monstres Tuner effectue sa Synchronisation en enveloppant les autres monstres dans une ombre gigantesque. De plus, l’apparence en général de ces monstres indique leur origine ténébreuse, et cela malgré leur attribut.
- Mais cela, ce ne sont que des cartes, intervint le Congo. Ce n’est pas un délit très grave…
- Détrompez-vous : quelqu’un ici a-t-il déjà entendu parler des Fabled ? »
Il y eut un silence, et chacun se rendit compte que personne de connaissait ces cartes.
« Voilà, continua alors Specto. Ces cartes sont totalement inconnues. Je poursuis donc mon récit : après qu’elle ait battu son professeur, qui n’était pourtant pas un manchot, celui-ci a averti les prêtres locaux de l’origine suspecte de ces cartes. Le lendemain, ces prêtres sont venus et ont confisqué les cartes ; et leur supérieur, un certain Lawrence, a donné rendez-vous à la fille le soir même, en espérant lui faire regretter pour ne pas avoir à la faire disparaître. Mais le moment venu, elle a tenu des propos blasphématoires, et mit en doute les fondements de l’Eglise ; Lawrence a donc voulu la capturer, et c’est là que cela devient intéressant. Alors qu’il allait passer à l’action avec d’autres prêtres, un jeune homme a surgit en D-Wheel et a sauvé la jeune fille ; Lawrence les a poursuivit, et le jeune inconnu le défit dans un duel où il utilisa des cartes nommées Infernity. »
Il y eut un murmure ; là encore, personne ne connaissait ces cartes ; mais le nom était évocateur. A côté de Maria, Virgil s’agita.
« Vous l’avez deviné, Messieurs, Mesdames, reprit Specto. Ces monstres, bien que l’on n’en ait pas la confirmation, semblent d’attribut Ténèbres, et semblent directement issues des Enfers, d’où leur nom.
- Et vous dites que le prêtre, ce Laurence, ou quelque soit son nom, a été vaincu ? fit la Mongolie.
- Oui ; et pourtant il n’est pas faible du tout, bien qu’il ne soit pas fort non plus. Mais le pire reste à venir, Mesdames et Messieurs. Nous nous sommes informés ; la jeune fille se nomme Lily Favola, et son sauveur s’appelle Virgil Dantès. Or, si l’on ne connaît pas d’amis à ce Dantès, Favola en avait un, très proche, nommé Peter Sciabola. C’est lorsque cette enquête était menée que j’arrivais sur les lieux ; et l’affaire me semblant spécialement importante, j’ai moi-même fait arrêter Sciabola. J’allai lui poser la Question, lorsque des individus, deux ou trois, on ne sait pas bien, sont intervenus et l’on libéré après nous avoir neutralisés, moi et ceux qui m’accompagnaient, à grands coups de poings. »
Maria et Virgil se raidirent. Ils se souvinrent instantanément du récit de Fang et Dario, ainsi que de celui de Peter : cet homme nommé Specto, était celui qui avait interrogé Peter : Ventus.
Cette idée était effrayante : le jeune garçon avait été vu par et avait parlé avec Ventus Specto, maître des Mains ; celui-ci serait à même de le reconnaître, peut-être même, s’il était psychologue, de deviner ses actions ; il connaissait ses cartes, et savait à présent qu’il avait été aidé par des résistants. Il en savait beaucoup trop.
« Nous n’avons aucune idée des visages de ces inconnus, continua Ventus Specto, mais certains ont cru distinguer deux voix : une d’homme, plutôt grave et dénotant un âge plutôt avancé, et celle d’une jeune fille ; mais là encore, ce ne sont que des suppositions.
- Cela voudrait dire, intervint Torrez avec son accent brésilien, que ce n’est pas une résistance isolée, mais bien une bande…
- Exact. Je considère donc ces évènements comme d’une importance prioritaire, et il faut s’en charger immédiatement ; j’ai pour l’instant placé des patrouilles de Mains en civil partout dans la ville, mais pour l’instant cela n’a rien donné ; j’attends l’autorisation de ce conseil pour mettre en place des moyens plus conséquents. »
Tous se regardèrent. Ils savaient parfaitement que Ventus Specto avait déjà tout préparé, et qu’il n’attendait plus que l’autorisation, pour lui simple formalité, pour tout déployer. Sa puissance était énorme, et ses seuls rivaux en pouvoir étaient Scarlett Adams, Torrez et Deus lui-même. Certains pensaient même qu’il aurait utilisé ses forces sans l’autorisation.
« Quels sont ces moyens que vous avez préparés ? demanda Deus.
- Un plan se surveillance de chaque quartier de la ville, dans ses moindres détails, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Une vérification des decks de chaque personne reconnue comme duelliste. Un ordre d’obligation d’arbitrage de tous les duels par une Main. Egalement, une vérification de l’identité de chaque Main et de chaque prêtre, et une surveillance de leurs mouvements. Nous pourrions même aller jusqu’à interdire les regroupements de plus d’un certain nombre de personnes, mais cela, en revanche, me semble irréalisable.
- Effectivement, fit Deus. Et cela dans tout Neo Domino…
- Exactement, Grand Maître. Qu’en pense le représentant du Japon ? »
Le représentant du Japon n’avait pas son mot à dire, car si Ventus Specto et Deus étaient pour ces procédés, il ne pouvait s’y opposer.
« Très bien, Mesdames et Messieurs, dit Deus. Je vous charge personnellement de cette affaire, Ventus. ( il était l’une des rares personnes à appeler Specto par son prénom. ) Je souhaite que l’on retrouve ces dissidents au plus vite, car leurs actions pourraient non seulement nous atteindre, mais, plus grave, faire douter le peuple. Je compte sur vous.
- Je vous remercie, dit Ventus en s’inclinant. Il souriait.
- Bien, nous n’avons plus d’autre sujet à aborder. Quelqu’un a-t-il quelque chose à ajouter, ou des questions ? »
Personne n’en avait. Alors chacun se leva, tous dirent : « Antur ! » et quittèrent la table. La salle, petit à petit, se vida, et au bout de dix minutes il ne resta plus que Deus, Torrez, Adams et Specto.
« Que pensez-vous de ce groupe de résistance, Eduardo ? Vous n’avez rien dit lorsque le sujet a été abordé, demanda le Grand Maître.
- La réaction, répondit Torrez avec son accent brésilien, me paraît un peu disproportionnée.
- Disproportionnée ? intervint Specto.
- Je ne veux pas vous blesser, Ventus, mais nous ne savons encore rien de ce prétendu groupe ; ce ne sont que des suppositions. Peut-être qu’il se limite à Favola, Dantès, Sciabola et les deux personnes qui l’ont libéré. A ce moment-là, il n’y a pas besoin de mettre toutes les Mains sur le coup.
- Je vous l’ai dit, Eduardo, nous ne savons pas le nombre des libérateurs de Sciabola. De plus, même s’ils ne sont pas nombreux pour l’instant, ils peuvent le devenir. Et pour cela, il faut les étouffer dans l’œuf.
- A-t-on une idée de leur raison de combattre ? intervint Scarlett Adams.
- Pas la moindre, mais selon moi, ils doivent être soit des personnes à qui leurs parents ont raconté des histoires de l’ancien temps, et ils ont décidé de le restaurer, soit ils se battent contre la Lumière parce qu’ils se sont rendu compte de notre contrôle sur tout.
- Si c’est ça, il n’y a pas à s’inquiéter de leur action sur la population ; elle est tellement endoctrinée qu’elle ne comprendra même pas leurs dires.
- C’est vrai, mais il me fait prendre toutes les précautions nécessaires. Je vais maintenant vous quitter, il faut que je prenne l’avion pour Neo Domino ; je prends moi-même en charge les opérations.
- Faites, Ventus, faites. Antur », dit Deus.
Et Specto sortit de la salle. Torrez et Deus parlèrent encore un peu, puis s’en allèrent. Il ne resta plus que Scarlett Adams et les deux vigiles, qui étaient revenus.
Elle s’était assise sur l’un des fauteuils, les le dos collés au dossier, la tête rejetée en arrière. On aurait pu croire qu’elle dormait, si ses sourcils fins n’avaient pas été doucement froncés. Elle réfléchissait. Elle resta ainsi environ dix minutes, puis, soudainement, se leva et marcha d’un air décidé vers la porte, et sortit. La porte claqua derrière elle ; la réunion était terminée, et il était vingt-et-une heures.
Et voilà !
Apparition de nouveaux personnages, retour d'une personne importante et mystérieuse...
Toujours coincés dans leur égout jusqu'au lendemain, quelles conclusions vont tirer nos amis de ce qu'ils viennent d'apprendre ? La suite au prochain épisode !
Note : j'ai édité la section Personnages du message de tête, qui en avait bien besoin.
Sebphiroth
[ Dernière modification par Sebphiroth le 16 jun 2010 à 12h38 ]
___________________ - Un vaisseau de fantômes gréé d'algues marines ! Une chose engloutie qui jamais n'aurait dû revoir la face du soleil ! Sur son pont limoneux, un nautonier à l'orbite putride attend de nous entraîner vers les profondeurs sépulcrales où se lamente le choeur sans voix des noyés boursouflés par les miasmes de l'onde amère !
- Vous... vous dites ça pour plaisanter ?
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Lily-dark Hors Ligne Membre Inactif depuis le 03/01/2011 Grade : [Kuriboh] Echanges 100 % (77) Inscrit le 20/04/2008 3668 Messages/ 0 Contributions/ 18 Pts | Envoyé par Lily-dark le Dimanche 13 Juin 2010 à 00:52
Salut !
Bon chapitre je trouve, des nouveaux personnages qui ont l'air importants, de plus ils sont bien caractérisés.
Bah je n'ai pas beaucoup à dire, si ce n'est qu'une fois de plus j'ai beaucoup aimé, vivement le 21 =)
Bonne soirée !
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Ex-dragon Hors Ligne Membre Inactif depuis le 21/08/2013 Grade : [Kuriboh] Echanges (Aucun) Inscrit le 04/01/2010 154 Messages/ 0 Contributions/ 0 Pts | Envoyé par Ex-dragon le Mercredi 16 Juin 2010 à 18:51
Ô bô'del ! comme dirait un pirate d'une BD très connue. ^ ^
Quel régime totalitaire ! Je suis heureux de ne pas y vivre. ^ ^"
Fic toujours aussi excellente. Rien à redire, si ce n'est que c'est "you know" et pas "you knowS".
J'attends la suite avec impatience.
[ Dernière modification par Ex-dragon le 18 jun 2010 à 13h42 ]
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Shaka2 Hors Ligne Membre Inactif depuis le 04/04/2023 Grade : [Kuriboh] Echanges (Aucun) Inscrit le 13/02/2010 218 Messages/ 0 Contributions/ 0 Pts | Envoyé par Shaka2 le Jeudi 17 Juin 2010 à 16:41
Salut à toi. ( oh j'ai oublié sur ton topic c'est Jango ! )
Je viens juste de lire le chapitre 20 et je n'ai pas résisté à l'idée de laisser un commentaire.
Tout d'abord je trouve la description des personnages excellente, pour ma part j'ai vraiment l'impression de les voir.
Ensuite, quel surprise ! Ventus c'est Specto?!
Je ne m'y attendais pas (Pour être franc avec toi j'ai totalement oublié Ventus jusqu'à ce que tu rappelles qui s'était et d'ailleurs j'ai trouvé que le fait que Ventus raconte tous ses événements était un bon moyen de rafraichir la mémoire des lecteur et sur ce je te félicite.)
Il y a juste un petit détail que j'ai remarqué.
Lawrence les a poursuivit
Et vous dites que le prêtre, ce Laurence, ou quelque soit son nom, a été vaincu ?
Je voudrai comprendre c'est la même personne mais pas la même orthographe. C'est peu être une erreur d'innatention.
J'ai failli oublier, il y a aussi ça.
un jeune homme a surgit en D-Wheel et a sauvé la jeune fille
Ce qui me dérange dans cette phrase c'est le fait qu'il dit qu'il l'a sauvé. Normalement ils se font passer pour les gentils et font passer Virgil pour un méchant alors un "méchant" qui sauve quelqu'un des "gentil" semble un peu étrange venant de sa part. (Moi j'aurais dit l'a enlevé ou quelque chose dans le genre.) Mais tu n'es pas non plus obligé de m'écouter, tu es libre d'ignorer mon avis.
Bon j'attends la suite avec impatience, sur ce bonne journée.
PS : Je te souhaite bonne chance pour ton bac. Même si je sais que tu liras ce message après l'avoir passé, je tenais juste à soutenir un des meilleurs fiqueurs de cette section .
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Sebphiroth Hors Ligne Membre Inactif depuis le 18/03/2013 Grade : [Kuriboh] Echanges (Aucun) Inscrit le 21/07/2009 85 Messages/ 0 Contributions/ 0 Pts | Envoyé par Sebphiroth le Dimanche 20 Juin 2010 à 20:01
Jango !
Vous l'attendiez ? Non ? Pas grave, le voici le voilà quand même : le chapitre 21 ! Mais avant, les traditionnelles réponses aux commentaires.
c'est "you know" et pas "you knowS
Exact. Et dire que j'ai une prof d'anglais dans ma famille...
Je voudrai comprendre c'est la même personne mais pas la même orthographe
Lawrence et Laurence sont deux noms très différents puisque l'un est anglophone et masculin, et l'autre est francophone et féminin. Mais ils se ressemblent ; aussi le représentant se trompe-t-il de nom et prononce-t-il Laurence au lieu de Lawrence. Il s'en rend compte, c'est pour ça qu'il ajoute " quelque soit son nom ".
un des meilleurs fiqueurs de cette section
Ou pas.
Après cette introduction, voici le nouveau chapitre ! Il s'y passe beaucoup de choses, comme vous le verrez, et son titre est plutôt inquiétant... Bonne lecture !
Chapitre XXI : Assassinat
La première chose que dit Anton lorsque Scarlett fut sortie, ce fut :
« Damn, elle a un de ces c… » Mais Maria lui plaqua la main contre la bouche, autant pour que les vigiles ne l’entendent pas que pour l’empêcher de sortir une phrase déplacée.
« Bon, dit-elle à voix basse, vous avez noté des choses intéressantes, j’espère ?
- J’ai pris tout ce qu’il y a à savoir sur notre affaire, fit Virgil.
- J’ai noté pas mal de choses sur leurs affaires économiques et politiques, ainsi que des noms de politiciens, ça peut servir, renchérit Anton.
- Très bien, et moi j’ai noté les noms de tous ceux qui étaient là et dont ils ont prononcé le nom, ainsi qu’un maximum de portraits.
- What ? Tu sais faire des portraits ?
- Bien sûr, regarde… »
Elle tendit son carnet à Anton, qui regarda avec des yeux ronds les visages que Maria y avait dessinés ; ils étaient l‘exacte copie des personnes qui avaient participé à la réunion. On y voyait un Torrez confiant, un Ventus rusé, une Scarlett attirante, un Deus imposant…
« Vous en pensez quoi de ce Deus ? demanda Maria. Ils l’appellent Grand Maître, mais je n’en ai jamais entendu parler…
- Ca doit être leur chef, mais il veut rester anonyme pour se protéger, sans doute, dit l’Américain.
- Je pense plutôt que s’il reste inconnu, c’est pour donner l’impression au peuple que la Lumière est un tout et non pas une seule personne. »
C’était Virgil qui avait dit cela ; et Maria et Anton le regardèrent. Il n’avait pas dit un mot depuis le début de la réunion, mais Maria avait senti qu’il n’avait pas un instant relâché sa concentration et avait été très tendu, en particulier lorsque Ventus avait prit la parole.
« Sans doutes, dit l’Argentine. C’est une personne importante, en tout cas ; il faudra en tenir compte, et si possible la neutraliser.
- Neutraliser le Grand Maître ? s’exclama Anton. Tu es folle ? Même s’il est inconnu, il doit être surprotégé ; en plus, il n’a pas l’air d’être faible, malgré son âge. Et de toute façon la question n’est pas là : le but était de récolter des informations, nous les avons. Ensuite nous déciderons avec Siegfried et les autres ce qu’il faudra en faire.
- A propos, dit Maria en se raidissant, Specto va partir pour Neo Domino, là ! Pour mettre son plan en action !
- Euh… oui, c’est ce qu’il a dit.
- Il faudrait prévenir les autres… Mais nous devons attendre demain à onze heures pour retraverser… Bon sang j’espère qu’il ne va rien leur arriver… »
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En sortant de la salle de réunion, Ventus savait déjà ce qu’il allait faire : il sortit du luxueux immeuble, et traversa la rue. En face était un autre building dont le rez-de-chaussée servait de garage aux véhicules des plus grands. Aussi Ventus demanda-t-il sa D-Wheel, et démarra vers Central Park. Il était seul, mais à trente mètres derrière lui roulaient deux gardes du corps, des Mains surentraînées qui avaient comme seul et unique but de protéger leur chef, en donnant leur vie si nécessaire. Et ils n’auraient pas hésité à le faire.
Mais leur présence à Manhattan était plutôt surfaite, puisque l’île était réservée au haut clergé. Et aucun membre de ce haut clergé n’avait l’intention de nuire à la Lumière, qui avait fait et ferait sa vie. Mais Ventus était de ces hommes prudents, qui ne délaissent jamais la sécurité pour leur ambition.
Il appuya sur un bouton, et un visage apparut sur son écran. C’était encore une Main, la caricature du garde du corps : crâne rasé, oreillette, lunettes noires. De plus, même si l’on ne voyait que sa tête, on devinait à l’épaisseur de son cou qu’il ne valait mieux pas l’énerver.
« Monsieur Specto ? demanda l’homme.
- Préparez mon jet, répondit celui-ci. Soyez prêts à décoller quand j’arriverais.
- Où partons-nous, Monsieur ?
- Neo Domino City.
- Et quand Monsieur arrivera-t-il ?
- Je ne sais pas. Soyez prêts. »
Et, sans plus d’explications, Ventus coupa le contact, et l’écran redevint noir. Il avait l’habitude d’être plutôt sec avec ses hommes, sans toutefois être malpoli ou désagréable ; et selon son avis, il était plutôt apprécié de ses hommes. Mais il n’y pensait que peu.
Ventus arriva à une entrée de Central Park ; il stoppa sa moto, et descendit. Il entra dans l’étendue herbeuse, laissant derrière lui l’une des Mains se placer près de sa D-Wheel ; l’autre le suivit, toujours. Cela ne dérangeait pas Ventus, car il s’était habitué à la surveillance ; tant que ses gardiens ne devenaient pas trop encombrants…
Central Park était comme d’habitude très visité, tout en restant très aéré : chacun qui voulait une place en trouvait une immédiatement sans être gêné du voisinage. Il y avait là des prêtres, des Mains, quelques hommes politiques, le plus souvent accompagnés par des religieux. Deux ou trois couples, aussi, avaient amené leurs enfants ; c’était un privilège pour eux, car seules les personnes les plus ferventes pouvaient amener leur progéniture avant même que celle-ci ne soit devenue Main ou prêtre. Ou alors, il fallait avoir de très solides relations.
Alors que New York était une grande ville, Manhattan était comme une cité à part, vivant en autarcie, îlot de luxe et de rêve pour les gens du commun. La plupart des New-Yorkais vivaient dans l’espoir de voir un jour cette île autrement qu’à travers les photos ; c’est pour cela que New York était l’un des endroits où la demande d’entrée chez les Mains était la plus forte. Pour ceux qui y étaient acceptés, ils étaient bien vite entourés d’une attention particulière, et étrangement avaient tôt fait d’oublier leurs rêves de Manhattan pour ne plus se préoccuper que de la Lumière. En effet, transformer ce désir en fanatisme avait deux avantages pour l’Eglise : elle formait des membres endoctrinés, et conservait l’image de rêve de l’île, en y limitant beaucoup le nombre d’entrées.
Ventus, lui, allait où il voulait. Il était l’une des quatre personnes les plus puissantes du monde, et après la réunion, il constatait cela en sirotant tranquillement un soda, assis sur un rocher, près du lac. Ce n’était une personne orgueilleuse que Ventus : ambitieuse, mais pas orgueilleuse. La puissance ne lui était jamais montée à la tête, bien qu’il en eût plus que les trois quarts de la planète réunis. Non, lorsque Ventus Specto préparait quelque chose ou agissait, il le faisait toujours calmement et avec réflexion. C’était entre autres ce trait de caractère qui l’avait fait monter au sommet ; cela, et une intelligence hors du commun. Ainsi qu’un don pour le duel.
Il posa son verre à moitié plein et sortit son deck de son porte-carte, à sa ceinture. Et il regarda ses cartes. C’était quelque chose qui l’aidait à réfléchir, que de refaire dans sa tête les combinaisons et les stratégies ; cela pouvait prendre très longtemps. Et encore une fois, il prit environ une heure à tout récapituler, quoiqu’il eût, comme d’habitude, l’impression d’avoir oublié des choses. Alors il se leva, l’esprit beaucoup plus clair sur ce qu’il allait faire, prit son verre de soda et descendit vers sa D-Wheel. Derrière lui, le garde soupira : il détestait lorsque son chef regardait son jeu : cela voulait toujours dire une longue heure à ne rien faire.
Voyant son chef arriver, la Main qui était restée près de la moto s’en éloigna respectueusement ; et Ventus, sans y prêter attention, l’enfourcha et démarra. Il prit alors la Cinquième Avenue, puis, arrivé à hauteur de la Vingtième Rue, tourna vers l’Est ; alors il s’engagea sur un gigantesque pont qui rattachait Manhattan au continent.
Mais ce pont n’était pas celui de Brooklyn. Bien au contraire ; celui de Brooklyn avait été détruit il y avait longtemps déjà, par l’Eglise de la Lumière elle-même. Non, le pont que prenait Ventus était relativement récent, et rattachait Manhattan directement à l’aéroport de Brooklyn, passant au-dessus de New York sans la toucher. Il arrivait alors au centre des échanges aériens, mais dans une section spéciale, accessible uniquement aux membres du haut clergé. Il ne fallait pas mélanger les torchons et les serviettes.
En passant au-dessus de Brooklyn, Ventus regardait. Il voyait sous lui la ville, sale, fumante, puante, avec ses habitants pauvres et bêtes, ces habitants dont il maîtrisait les pensées et les gestes à travers la propagande dont les Mains étaient chargée, et qu’il surveillait grâce à sa police secrète. Et cela ne lui fit rien. Il y avait longtemps qu’il n’avait plus de pitié ni de mépris : il était au-dessus de ça. C’était ainsi que Ventus Specto considérait le monde : avec distance.
En arrivant à l’aéroport, il ne prit même pas la peine de descendre de D-Wheel ; il leva juste le bras, de façons à ce qu’il soit reconnu, et les barrières lui furent ouvertes. Continuant sa route, il prit un virage dans le hall, prenant soin de ne pas effrayer les Mains et les prêtres qui s’y trouvaient ; puis il passa une porte qui lui était réservée et qu’une Main, avertie par les vigiles à l’entrée de l’aéroport, avait ouverte à l’avance. Derrière cette porte une légère côte, menait à un hangar ; et dans ce hangar, le jet de Ventus.
Ce n’était pas un jet fait pour la vitesse la plus élevée possible ; c’était un jet fait pour transporter trois passagers au maximum, et leurs D-Wheels avec, et ce aussi rapidement que le permettait le volume de la soute. Comme Ventus s‘y attendait, l’appareil était prêt ; le moteur ronflait, les réacteurs étaient chauds, les pilotes attendaient en fumant à côté. Sitôt qu’ils entendirent le bruit du moteur de la D-Wheel, ils se levèrent et embarquèrent ; Ventus, lui, fit un long dérapé sur la rampe de stockage, plaçant exactement comme il le fallait sa D-Wheel dans la soute. Il la laissa aux mains d’un de ses hommes, qui l’attacha, et alla s’installer dans la cabine luxueuse. Il avait tout le trajet pour planifier exactement son action.
L’avion roula lentement sur le bitume pour atteindre la piste ; là, il se plaça droit, et accéléra. L’appareil décolla doucement, et s’envola vers Neo Domino City. Il était vingt-trois heures.
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Après le duel entre Dora et Green, le groupe était retourné, joyeux, à l’appartement, et y avait attendu quelques jours l’appel du hackeur. Quelques jours durant lesquels ils n’avaient pas grand-chose à faire. Aussi chacun vaqua à ses occupations sans se faire beaucoup de soucis. Dora buvait comme un trou et se faisait hurler dessus par Camille qui n’aimait pas voir disparaître son rhum de cuisine, Abdel faisait son jogging le matin, Fang passait son temps à modifier son deck, Les Toits restait sur son toit, Siegfried donnait des conseils de jeu à Peter et Lily. Ces deux derniers avaient beaucoup à apprendre, car ils étaient jeunes ; aussi le Numéro Un avait décidé de les entraîner. Il avait proposé aussi à Fang, qui était à peu près de leur niveau ; mais, suivant sa fierté naturelle, elle avait refusé, et c’était pour cela qu’elle modifiait son deck seule. Cependant, cela ne l’empêchait pas d’écouter d’une oreille les conseils que donnait l’Allemand.
Au bout de trois jours, Les Toits descendit dans l’appartement ; il dit alors de sa voix fluette :
« Green a hacké la banque de donnée de l’Eglise, on peut le rejoindre ! »
Immédiatement, chacun se leva. Mais le vieillard leva un doigt et ajouta que seuls Siegfried et Dora étaient autorisés à venir le voir, car il ne souhaitait pas être vu de plus de monde et l’attroupement attirerait l’attention. Aussi la Russe et l’Allemand prirent-ils leurs D-Wheel et démarrèrent en direction du Master Kyonshee.
Là, prononçant le mot d’ordre, ils furent menés auprès de Green. L’albinos les reçut dans la même petite cour où il avait combattu Dora ; il ne semblait d’ailleurs pas lui en vouloir d’avoir gagné.
« Bonjour, Monsieur Ackermann, Madame Ivanova. J’ai réussi à pirater la banque de donnée de l’Eglise ; du moins uniquement ce que je pouvais.
- Ce que vous pouviez ? demanda Siegfried.
- Tout à fait. Veuillez me suivre, je vous prie. »
Ils suivirent l’albinos à l’intérieur de l’immeuble opposé à celui où était le Master Kyonshee, par rapport à la cour. Il les mena à travers beaucoup d’ascenseurs et de couloirs, et ils marchèrent longtemps. Ils tournèrent à droite, à gauche, montèrent, descendirent des marches, passèrent des dizaines de portes. Tous les couloirs se ressemblaient, et bientôt Siegfried ne sut plus du tout où il était. Ce petit jeu dura un quart d’heure, puis soudain, Green s’arrêta devant une porte, qui n’était en rien différente des autres.
« C’est ici, dit-il. Entrez. » Ce disant, il déverrouilla la serrure, et ouvrit. C’était une grande salle au béton nu, avec deux pauvres ampoules grésillantes au plafond. Cependant, jurant avec cette rusticité, était une grande table de verre où étaient posés cinq ordinateurs à deux écrans chacun. Devant l’entrée, les deux invités restèrent bouche bée.
« C’est ma salle de travail, dit simplement Green.
- Mais… euh... je croyais que vous travailliez seul ? demanda Dora.
- Vous croyiez bien.
- Mais… Cinq ordinateurs…
- Eh, il faut bien ça à mon niveau. »
Comme deux ronds de flanc, Siegfried et Dora s’approchèrent de la table, alors que l’albinos s’installait sur sa chaise roulante. Soudain, derrière eux, retentit une voix frêle.
- Et bien, vous avez mis beaucoup de temps ! J’ai même pu terminer quelques boîtes de cookies ! » Se retournant, les deux interpellés virent Les Toits assis dans un coin, trois boîtes de cookies vides à sa droite et cinq pleines à sa gauche. Ils s’apprêtèrent à répondre, mais Green intervint.
« Venez voir, que je vous explique tout. » Ils obéirent ; Les Toits se leva et regarda aussi derrière l’écran.
« Il existe, expliqua l’albinos, dans l’Eglise de la Lumière, différentes sections, et chacune a ses spécificités. C’est un peu comme des entreprises rassemblées verticalement ; les domaines sont très différents, mais au final, on se rend compte que tous permettent l’agrandir et de maintenir l’influence de l’Eglise. »
« La première est les Mains. Ce sont, selon ce que sait la population, des exécutants ; mais ça, ce ne sont que les Doigts et les Paumes. Les Bras, eux, sont de réels dirigeants ; chacun, encore a sa spécialité, et chaque Main de bas rang appartient à une sous-section sans le savoir. Ainsi, les Mains ont trois sous-sections : l’Influence, la Surveillance et l’Intervention. La Propagande, c’est tout ce qui est affiches, films, manifestations religieuses… La Surveillance, cela comprend deux organes : la police secrète, et l’Inquisition. L’Inquisition agit à découvert et en partenariat avec la prêtrise, afin de surveiller au grand jour ; mais elle a surtout un rôle dissuasif. La police secrète s’occupe de la surveillance de suspects, limite autant que possible le trafic idéologique et mène les interrogatoires importants.
- Qu’est-ce que le trafic idéologique ? coupa Dora.
- Il s’agit d’un phénomène qui existe depuis longtemps : des gens déforment la doctrine de la Lumière afin, soit de vendre, soit de former des groupes dont ils sont les chefs.
- Des sectes, en quelque sorte.
- Voilà, qui déforme et dérivent la doctrine lumineuse.
- Je vois. Et l’Intervention ?
- Il s’agit de la branche des Mains qui agit au grand jour, et aussi la plus célèbre : cette section englobe tout ce qui est arrestations et interrogatoire mineurs. Tout cela au grand jour, et si possible avec une mise en scène ; elle a également un but dissuasif, voyez-vous. Bon, ça, c’était pour les Mains.
- Un instant, coupa Siegfried. Par qui tout cela est-il commandé ?
- Les sous sections, c’est-à-dire Influence, Surveillance et Intervention, sont chacune dirigées par une personne, et ces trois dirigeants sont eux-mêmes commandés par une seule et unique personne.
- Vous avez des noms ?
- Malheureusement, il n’y en avait pas ; ou plus précisément, ils étaient extrêmement protégés.
- D’accord. Et sinon, à part les Mains ? »
Alors que Green exposait ses découvertes, Les Toits s’était approché, ce qui faisait qu’avec Dora et Siegfried, ils formaient un cercle autour de Green ; ils se seraient assis en tailleur qu’on aurait dit des enfants à l’école maternelle. Quoique Siegfried n’eût en rien l’air d’un enfant… Malgré tout, les trois amis écoutaient avec avidité, tant ces renseignements étaient importants ; Dora avait même oublié de boire.
« La première section est la Prêtrise. Seule la partie basse de la Prêtrise est bien connue des gens ; mais la principale différence de fonctionnement est que la seule hiérarchie n’est pas écrite.
- Ecrite ? C’est-à-dire ?
- Comme je vous l’ai expliqué, chez les Mains, tout est divisé en sections très échelonnées en elles-mêmes. Dans la prêtrise ce n’est pas le cas. Il existe trois types de prêtres : les petits, les moyens et les grands. Comme vous le voyez, ils ne cherchent pas la complication ; et à part cela, il n’y a aucun rapport de force écrit. Les hauts commandent aux moyens qui commandent aux petits ; c’est tout. Du moins, sur le papier. Car à l’intérieur de ces trois grandes classes de prêtres, la hiérarchie se fait par influence. Tout se joue sur les manigances, dans le but de monter toujours plus haut, d’avoir une église toujours plus puissante à gérer… En gros et pour simplifier, c’est l‘influence de votre église qui détermine votre force ; or les églises sont réservées à un certain niveau de clergé ; par exemple, aucune église de New York ne sera laissée à un prêtre du moyen clergé, puisqu’elles ont une très grande importance.
- Et on peut changer de hauteur ?
- Tout à fait, vers le haut ou le bas. Soit c’est par manigances, soit par mérite.
- Et, j’ai une question, dit Dora. Si cette lutte interne n’est pas écrite, comme en avez-vous eu connaissance ?
- Parce que, expliqua Green, si elle n’est pas officielle, cette hiérarchie d’influence est bien réelle et a été constatée par la Lumière elle-même, ce qui fait que cette observation a été retranscrite dans la base de données.
- Je vois…
- Enfin, il vous faut savoir que, à la tête de la prêtrise, il y a une personne et une seule ; c’est elle qui gère l’ensemble des choses et qui peut décider tout changement d’église de n’importe qui.
- Vous avez son nom ?
- Pas plus que tout à l’heure… »
« Enfin, la dernière division de l’Eglise est la section Economie et Politique. Cette section est divisée en deux parties très différentes : l’Economie et la Politique, comme vous l’avez sans doutes deviné. Ces deux parties sont totalement différentes, s’opposent quelques fois. La première a pour but de gérer les affaire financières de la Lumière ; elle s’occupe des entreprises qu’elle possède, organise énormément de transports de marchandises… bref, elle fait du commerce. La Politique, elle, s’occupe de l’influence sur les politiciens. Vous n’ignorez sans doute pas que chaque élu l’est parce que la Lumière l’a voulu ; c’est cette division qui s’en charge.
« Ces deux parties sont chacune gérées par une personne, et divisées à l’intérieur par domaine d’action ; par exemple, la section Economie est divisée par les sous-sections Banques, Assurances, Industrie, et autres. Pour plus de détails, je vous donnerais le schéma.
- Mais, dit Siegfried, comment se fait-il que deux parties aussi différentes que l’économie et la politique soient rassemblée en une seule section ?
- C’est parce qu’il y a une personne à la tête des deux en même temps. Cette personne doit être extrêmement intelligente dans ces domaines, et elle a un pouvoir énorme.
- Je vois… Donc, au final, nous avons l’Eglise, qui est divisée en trois parties : l’Economie et Politique, la Prêtrise et les Mains. A la tête de chacune, une personne. Donc, il y a à la tête de l’Eglise trois personnes ayant chacun un domaine de spécialité.
- Pas exactement, intervint Green.
- Pas exactement ?
- Je n’ai pas terminé mes explications : car ces trois personnes que vous avez citées sont elles-mêmes dirigées par une seule autre.
- Une seule autre ? »
Siegfried et Dora s’étaient levés, surpris à l’extrême. Si une personne commandait à ces trois, cela voulait dire…
« qu’elle contrôle toute l’Eglise !
- C’est exact, fit calmement Green. Dans la banque de donnée elle est citée sous le nom de Grand Maître. Encore une fois je n’ai pas son nom.
- Mais, demanda Dora, pourquoi la population ne connaît-elle pas ce Grand Maître ? Au niveau de l’influence, un leader personnifié serait bénéfique à la Lumière…
- Je l’ignore. Ce qui est sûr, c’est que c’est lui qui mène la barque, et quelle barque ! Bon, dit Green, j’ai fait mon boulot. Des questions ? »
Il y eut un petit silence. Emportés par ses révélations, Dora et Siegfried avaient oublié que Green n’était pas de leur bord : il n’était qu’un associé avec qui le contrat venait de prendre fin. L’albinos les regardait de ses yeux rouges, attendant une réponse ; ce fut l’Allemand qui la lui donna.
« C’est terminé, Green. Donnez-nous un résumé écrit de vos découvertes et notre contrat sera rempli.
- Le résumé était déjà prêt, fit le hackeur en prenant quelques feuilles posées sur le bureau et en les lui tendant.
- Merci. Inutile de vous préciser que vous n’avez pas intérêt à parler. Dans votre intérêt et dans celui de Les Toits, qui visiblement vous connaît bien. »
L’interpellé, qui jusqu’ici n’avait rien dit, gloussa ; il avait recommencé à manger ses cookies, assis par terre, en tailleur. Green le regarda en souriant, et le vieillard lui rendit son sourire ; mais ce fut tout ce que Siegfried et Dora purent voir de ce qui les liait.
« Bien, fit Green soudainement. Je vais vous raccompagner jusqu’à la sortie, puisque le chemin est compliqué…
- Ah, dit Siegfried. C’est vrai qu’il y a tout le chemin à refaire… Pff, tout se ressemblait, ça me donnait le tournis… Y’a pas plus court ?
- Malheureusement, non. »
Il les accompagna jusqu’à la porte de son bureau, et ouvrit ; ils sortirent dans le couloir, et Green ferma la porte à clé. Alors, il partit vers la droite, suivi de Siegfried ; mais Dora, sans y prêter attention, partit vers la gauche. Surpris, l’albinos s’arrêta.
- Euh… Madame Ivanova, la sortie…
- … est par là. Ce n’est pas la peine de nous faire tourner, Green, on m’a longtemps inculqué le repérage dans l’espace. »
Elle souriait, et marcha d’un pas décidé, quoique pas très droit, jusqu’au bout du couloir, qui se finissait par une porte ; elle l’ouvrit, et la cour du Master Kyonshee apparut. Green n’en revenait pas. Siegfried non plus.
« Euh… excusez-moi, dit l’albinos. Mais c’est une précaution que je prends toujours quand je vois quelqu’un, que de le perdre dans l’immeuble…
- Ce n’est pas grave, dit Siegfried en riant. Allez, sortons ! »
Ils sortirent dans la cour, et dirent au revoir à Green ; Les Toits ne les avait pas accompagné, mais ils ne l’attendaient pas, désormais habitués à ses mystères. Alors, ils prirent leurs D-Wheels et repartirent vers l’appartement ; Siegfried avait, dans la poche intérieure de son imperméable, les papiers que lui avait donnés Green.
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Le temps paraissait bien long à Maria. La réunion était terminée depuis quatre heures, il était donc une heure du matin ; malgré cela elle n’avait pas encore dormi. Après un certain temps passé à discuter de leurs découvertes en mangeant des sandwiches, les trois amis avaient décidé qu’il était temps de dormir, car si le retour à travers le tuyau était sans doute plus facile, il serait tout de même éprouvant. Si bien qu’ils instaurèrent des tours de garde, afin de ne pas rater l’arrêt des hélices, et Maria s’était proposée pour le premier ; après tout, c’était elle qui menait l’expédition.
Mais elle était épuisée : le lever très tôt, la plongée où elle avait risqué sa vie, l’attente dans le silence, l’extrême concentration durant la réunion puis à nouveau la longue attente avaient épuisé ses forces, ainsi que celles de ses amis, et ce n’était pas un sandwich qui allait changer cela. Mais même durant la garde elle ne pouvait se reposer : elle devait constamment surveiller Anton et le retourner pour qu’il ne ronfle pas.
Ce fut ainsi qu’elle patienta jusqu’à l’heure prévue ; puis elle réveilla Anton, pour qu’il prenne sa place. Il se réveilla en grognant, et s’assit ; il faut rappeler que tout cela se déroulait avec de l’eau jusqu’à la cheville. Aussi, maugréant en anglais contre l’eau, la mission, Virgil, le manque de chips et à peu près tout ce qui l’avait conduit ici, Anton prit sa place, devant l’ouverture, vérifiant que les vigiles n’avaient rien entendu. Maria, elle, s’allongea aussi bien qu’elle put et de façon à se mouiller le moins possible, et essaya de s’endormir ; cela lui prit peu de temps.
Ce fut Virgil qui la réveilla ; il avait prit le dernier tour de garde, et devait donc réveiller les autres au minimum une demi-heure avant le départ ; prudent, il les avait éveillé à dix heures quinze, trois quarts d’heures donc avant l’arrêt des vannes. En silence, tous trois se préparèrent ; et, une fois prêts, ils vérifièrent une dernière fois la position des vigiles, et s’enfoncèrent dans le boyau.
Plus ils avançaient, plus l’eau montait, car, rappelons-le, d’autres tuyaux convergeaient vers celui où ils se trouvaient ; de plus, l’influence des hélices se faisait sentir, et la force du courant croissait ; aussi, lorsque le niveau atteint le haut de leurs cuisses, ils s’arrêtèrent : aller plus loin pouvait être dangereux tant que les hélices n’étaient pas stoppées. Et ils attendirent. Lorsqu’il fut onze heures, le bruit des pales cessa, et le courant auquel ils étaient soumis disparut ; alors, sur un signe de Maria, ils commencèrent à avancer le plus rapidement possible. Une fois encore, ils avaient dix minutes.
Dès qu’ils le purent, ils s’allongèrent dans l’eau pour nager plutôt que marcher, ce qui était plus rapide ; et, battant des pieds de toutes leurs forces, ils avancèrent. Le niveau montait au fur et à mesure de leur avancée ; et ils pouvaient voir, sur les côtés, les tuyaux secondaires qui apportaient l’eau. Au bout de cent mètres se présenta la première hélice, la plus petite ; Maria et Virgil passèrent, et, ne perdant pas de temps, Anton utilisa la même technique qu’à l’aller : il détacha son sac, le fit passer en le donnant à Maria, décrocha ses bouteilles sans pour autant se couper l’oxygène, les donna à Virgil, puis se glissa avec difficultés entre les pales ; Maria dut le tirer. Une fois passé, il reprit son matériel, le raccrocha à lui le plus rapidement possible, et repartit. Malgré l’urgence de la situation, Virgil et Maria se rendait compte que faire cela le rendait fou de rage, et en riaient intérieurement.
Après cela, ils parcoururent deux cent mètres, et la seconde hélice apparut. Comme le tuyau s’était élargi, elle était plus grande, et Anton, bien qu’il eût quelques difficultés, n’eut pas à lâcher son matériel ; mais il lui fallut un certain temps pour passer. Une fois éloignés de cette turbine, les trois amis ralentirent la cadence : il ne leur était plus nécessaire de se presser, car lorsque le courant se remettrait en marche, il les pousserait vers la sortie. Il leur avait juste été nécessaire de s’éloigner de l’hélice afin de ne pas être happé. Mais ils ne lambinèrent pas pour autant ; et lorsque les hélices se remirent à tourner, ils étaient à dix mètres de la sortie. Ils sentirent derrière eux une poussée faible, puis de plus en plus forte ; et, sentant que cette force croissait encore, ils se dépêchèrent de remonter pour se mettre hors de sa portée, car cela aurait pu être dangereux.
Ils se retrouvèrent alors dans la salle au bassin, là où ils avaient plongé ; Johns était là, attaché à son petit tuyau, et semblant profondément endormi. Tout était calme ; ils avaient réussi.
Virgil issa Anton hors de l’eau, car, peu sportif, il était à bout de souffle ; Maria, elle, alla réveiller l’agent de sécurité endetté, et lui enleva la menotte.
« Mfffhh, fit-il en se levant, j’ai des courbatures incroyables… Vous vous êtes bien amusés ? » Il y eut un petit silence, puis Maria prit la parole, d’un ton sec et détaché, et en regardant Johns de haut :
« Vous n’avez pas à le savoir. Continuez à vous occuper de vos affaires, car je vous rappelle qu’elles ne sont pas flamboyantes et que mon ami Anton, ici présent, peut le dévoiler.
- Je… je suis désolé, je ne voulais pas… fit-il en baissant les yeux.
- Vous ne vouliez pas mais vous l’avez fait. Silence maintenant. »
Johns obéit et ne dit plus un mot ; alors Maria et les autres enlevèrent leur tenues de plongée et se rhabillèrent. L’agent de sécurité eut un regard un peu trop insistant sur Maria, mais elle lui fit comprendre qu’il pourrait regretter ce geste plus que tout autre d’un regard.
Enfin ils furent prêts, et à peu près secs. Alors ils prirent leurs sacs et, sortant de la salle, empruntèrent le chemin qui menait à la bouche d’égouts la plus proche, où ils avaient laissé leurs D-Wheels. Johns marchait devant, silencieux, et suivi de près par Virgil ; Maria et Anton marchaient derrière.
« Anton, fit soudain Maria à voix basse. Je n’ai pas confiance en cet homme. Il faudrait nous en débarrasser.
- Si tu dis ça simplement parce qu’il t’a reluquée…
- Non, idiot. Mais qui nous prouve qu’il n’ira pas tout balancer une fois que nous l’aurons quitté ? Son information est une information de choix, et l’Eglise annulera sans doutes ses dettes en échange.
- Il l’aurait déjà fait…
- Tu lui avais dit que nous viendrions ?
- Euh, oui, pourquoi ?
- Il ne connaissait pas nos visages avant-hier. Il ne pouvait piéger que toi ; maintenant nous sommes tous les trois à sa merci.
- C’est vrai… Tu as raison, il faut s’en débarrasser. C’est cruel mais nécessaire, ajouta-t-il, habitué qu’il était à prononcer ces paroles à cause de son passé de banquier.
- Tu veux t’en charger ?
- Comme tu veux.
- Je vais le faire, ça fait longtemps que je n’ai pas fait de duel autre qu’en entraînement. En plus il ne doit pas être bien fort. Johns », fit-elle tout haut, en s’arrêtant. L’interpellé se retourna, et, voyant l’air sérieux de Maria et d’Anton, s’arrêta, saisi. Il avait un mauvais pressentiment.
« Oui, qu’y a-t-il ?
- Tu as tes cartes ?
- Oui…
- Sors-les. Virgil, prêtes-lui ton Duel Disk. » Ils s’exécutèrent, mais Virgil, comprenant ce que Maria allait faire, dit :
« Est-ce vraiment nécessaire ?
- Oui. Il nous balancera sans doute à la première occasion. Et puis il n’a sans doute plus rien à nous apprendre… Johns, tu es conscient que tu vas te battre pour ta vie ?
- Mais… ce n’est qu’un duel… fit-il sans comprendre.
- Je sais, mais pas n’importe lequel. »
Virgil et Anton s’éloignèrent, et Maria prit son Duel Disk. Puis elle ferma les yeux un instant, semblant se concentrer. Alors, sous les yeux effarés de Johns, l’espace autour d’eux s’assombrit, et des ombres apparurent, dansantes et fugaces traînées, insaisissables, fuyant le regard. Le pavé du sol humide brilla d’un éclat ténébreux, et Virgil et Anton disparurent. Un vent froid se leva.
« Que le duel des ténèbres commence », dit Maria. Ses yeux étaient devenu entièrement vert émeraude ; ses cheveux s’étaient assombris, volant avec le vent, et des traits fins et droits apparurent sur son visage. Johns, effrayé, voulut fuir ; mais une ombre jaillit du sol, et, le saisissant à la jambe, le fit chuter.
« Tu ne connais visiblement pas les règles, dit Maria, et c’est normal ; je te les explique. Un duel des ombres, ou des ténèbres, comme tu veux, est un duel où se joue ton âme ; si tu perds, elle sera engloutie dans les Ténèbres. Si c’est moi qui perds, c’est la mienne ; comme quoi tu vois que je ne suis pas injuste. Tu ne peux pas fuir, alors je te souhaite de jouer avec toute ta force. »
Johns poussa un long gémissement, puis se releva. Il tremblait de tous ses membres, car il se savait déjà perdant : il n’avait jamais eu de chance au jeu, que ce soit le duel de monstres ou un autre ; c’était d’ailleurs ce qui l’avait conduit ici. Mais, si faible qu’il fût, il tenait à sa vie autant qu’un faible peut y tenir ; aussi il glissa son jeu dans son Disk et dit d’une voix secouée de pleurs :
« Je… je suis prêt.
- Très bien ! Alors, duel ! »
DUEL : MARIA VS JOHNS
Maria : Je te laisse commencer.
Tour 1 :
Maria : 8000 pts, 5 cartes en main, pas de monstre, pas de MP.
Johns : 8000 pts, 6 cartes en main, pas de monstre, pas de MP.
Johns : Je pose un monstre en position de défense, et aussi une carte Magie ou Piège face cachée… Et c’est tout… (4) Les cartes apparurent, et Maria piocha.
Maria ( 6 cartes ) : Je fais la même chose : je pose un monstre et une carte Magie ou Piège. (4) C’est tout. Johns piocha en tremblant.
Tour 3 :
Maria : 8000 pts, 4 cartes en main, un monstre caché, une MP cachée.
Johns : 8000 pts, 5 cartes en main, un monstre caché, une MP cachée.
Johns : Je sacrifie le monstre que j’avais posé et qui était Rock Ogre Grotto 1, pour invoquer Cyber Ogre. ( 5* ; 1900 / 1200 )
Un énorme monstre de métal apparut à la place de la carte cachée. C’était une créature entièrement faite d’acier ; elle avait deux énormes jambes aux pieds pourvus d’énormes griffes, en réalité de larges lames ; des genoux saillaient deux énormes pointes de cuivre plein, et les talons étaient eux aussi pointus. Le torse de la bête était lisse, fait d’une épaisse plaque d’acier pliée ; mais du dos dépassaient de longues lames recourbées vers le haut. Les bras étaient aussi longs que les jambes, ce qui donnait à l’ogre une allure simiesque ; ils étaient nus, mais les mains étaient énormes, complètement disproportionnées par rapport aux bras ; c’était deux lourds gants de métal recouverts aux poignets de lames, et chaque doigt qui en sortait était une articulation large et mortelle. Enfin, le cou était long, et parcouru de clous rouge ; la tête, elle était toute petite en comparaison avec ce grand corps, mais il en partait deux cornes ; l’une était cassée presque à la base, mais l’autre s’étendait vers le côté, longue et jaune, et luisante. Le monstre mesurait environ deux mètres, mais semblait en faire trois. Lorsqu’il bougeait, il faisait un énorme bruit de ferraille, qui résonnait loin dans les égouts ; et le cri qu’il poussa tenait à la fois du rugissement et du grincement.
Johns ( 4 cartes ) : J’attaque ton monstre avec Cyber Ogre…
Dans un grincement épouvantable, le monstre se jeta sur la carte cachée de Maria ; mais celle-ci se dévoila, faisant apparaître une autre créature, un peu plus petite que l’Ogre. C’était un grand rhinocéros vêtu d’une armure complète, d’un métal peint de blanc, et au plastron incrusté, en son centre, d’une pierre transparente. Les mains de la créature étaient protégées d’énormes gants. Lorsque l’Ogre l’atteint, le rhinocéros se leva et bloqua le poing du monstre de fer en l’attrapant ; il l’avait bloqué avec une puissance prodigieuse.
Maria : Malheureusement pour toi, mon monstre était Gladiator Beast Hoplomus ! ( 4* ; 700 / 2100 ) Il possède deux cent points de défense de plus que ton Ogre n’a d’attaque.
Johns ( 7800 pts ) : Erf…
Maria : Mais ce n’est pas tout ; ta Battle Phase vient de se terminer, et c’est là que s’active l’effet de Hoplomus. Lorsqu’il a été attaqué ou qu’il a attaqué, à la fin de la Battle Phase, je peux le renvoyer dans mon deck pour invoquer sur le terrain un autre monstre Gladiator Beast. Et je choisis Gladiator Beast Laquari. ( 4* ; 1800 / 400 )
Le grand rhinocéros disparut, et une autre bête apparut : c’était un tigre au corps d’homme, qui portait un plastron de cuir rouge ainsi que des protège-tibias de la même matière ; de plus, il portait un casque de métal léger, sur lequel était fixé une longue corne d’or, tranchante comme une épée. Autour du monstre volaient six petites machines à réacteur, qui semblaient être des missibles.
Maria : Laquari a mille huit cent points d’attaque de base ; mais lorsqu’il est invoqué sur le terrain, son attaque d’origine devient deux mille cent ! ( 4* ; 2100 / 400 )
Johns : Ah… Je… termine mon tour… Sa voix tremblait, mais Maria essayait de ne pas y faire attention. Elle piocha.
Tour 4 :
Maria : 8000 pts, 5 cartes en main, Gladiator Beast Laquari ( 4* ; 2100 / 400 ), une MP cachée.
Johns : 7800 pts, 4 carte en main, Cyber Ogre ( 5* ; 1900 / 1200 ), une MP cachée.
Le cœur de Johns battait vite. Très vite. Et fort. Trop fort. Il avait peur pour sa vie. Il ne comprenait pas ce qu’avait voulu dire cette femme qu’on avait appelé Maria, lorsqu’elle avait dit que son âme serait engloutie par les Ténèbres s’il perdait ; mais il avait compris qu’il devait gagner pour sauver sa peau. Aussi, avec toute l’assurance dont il était capable, ce qui n’était malheureusement pas grand-chose, il regarda son adversaire agir.
Maria : A moi de jouer. J’invoque, en mode attaque, le monstre : Gladiator Beast Andal. ( 4* ; 1900 ; 1500 ) Il ne possède pas d’effet, mais il a une grande attaque pour son niveau.
Andal avait l’apparence d’un ours, ainsi que la taille et la musculature que vont avec. Il était vêtu d’un large plastron de métal sombre, ainsi que des protège-tibias. Ses poings étaient recouverts de gants de combats, renforcés aux jointures, solides armes à démolir les mâchoires.
Maria ( 4 cartes ) : Puis j’entre en phase d’attaque : Laquari va combattre ton Cyber Ogre !
Le tigre en armure prit son élan, et les réacteurs des fusées autour de lui s’allumèrent. Lorsque le monstre se jeta sur l’ogre, elles démarrèrent en même temps et foncèrent pour exploser sur lui. Mais Johns voulait sauver sa peau.
Johns : J’active un effet de ma main ! Je défausse un second Cyber Ogre pour annuler un combat qui implique un Cyber Ogre ; de plus, son attaque est augmentée de deux mille points jusqu’à la fin de son prochain combat ! ( 5* ; 3900 / 1200 )
Johns se défaussa, et l’Ogre sur le terrain réagit. Sur son torse, une trappe s’ouvrit, et un bras mécanique en jaillit ; il attrapa Laquari à la gorge, stoppant net sa charge ; les fusées s’arrêtèrent aussitôt.
Maria : Tu te défends bien… Je termine mon tour.
Johns piocha.
Tour 5 :
Maria : 8000 pts, 4 cartes en main, Gladiator Beast Laquari ( 4* ; 2100 / 400 ), Gladiator Beast Andal ( 4* ; 1900 / 1500 ), une MP cachée.
Johns : 7800 pts, 4 cartes en main, Cyber Ogre ( 5* ; 3900 / 1200 ), une MP cachée.
Maria était surprise : habituellement, elle se battait beaucoup mieux que ça. Johns était faible au duel, elle aurait dû n’en faire qu’une bouchée ; mais elle n’y parvenait pas, et ignorait pourquoi. Maria était une femme qui se donnait à fond dans tout ce qu’elle faisait : elle se battait lors de ses entraînements avec ses amis comme si c’était un duel des ombres ; et là, alors que c’en était vraiment un, elle ne donnait qu’un piètre exemple de sa force…
Johns réfléchissait très vite. « L’augmentation d’attaque de mon Cyber Ogre est éphémère, elle ne dure qu’un combat. Or, son attaque normale est de mille neuf cent points ; il faut donc que je tue son Laquari en priorité… »
Johns : Avec mon Cyber Ogre, j’attaque ton Laquari !
Le grand monstre de fer, dans un grincement épouvantable, se jeta sur le tigre, ses immenses doigts de métal en avant.
Maria : J’active mon piège : Waboku. Durant ce tour, je ne peux pas subir de dommages de combat, et mes monstres ne peuvent pas être détruits par bataille…
Une aura sombre apparut autour de Laquari, et lorsque le poing de l’Ogre l’atteint, ce fut comme s’il avait frappé un mur d’acier : Laquari ne bougea pas d’un pouce. Johns pensa immédiatement : « C’est pas vrai ! J’ai gâché mon boost d’attaque… Bon sang, mais c’est quoi ces cartes ! Je ne les ai jamais vues ! »
Maria : Fin de la Battle Phase. J’active l’effet de Laquari : s’il a été attaqué ou s’il a attaqué, je le renvoie dans mon deck pour invoquer un autre Gladiator Beast. Et je choisis Gladiator Beast Bestiari. ( 4* ; 1500 / 800 )
Laquari disparut, pour laisser place à une créature de prestance humaine, mais au corps couvert de plumes d’un vert vif. Son visage était celui d’un oiseau, avec un bec noir et acéré ; et il avait dans le dos deux grandes ailes vertes. Il était vêtu d’une armure très évolué technologiquement : le plastron, les cuissardes et la tassette étaient plutôt classiques, quoique d’un métal plus léger que la moyenne ; en revanche les ailes étaient recouvertes aux articulations d’un mécanisme aidant au mouvement, plus léger que du tissu. Les épaulières étaient reliées par tuyaux au plastron, et deux pointes rétractibles y étaient fixées. Enfin, le plus surprenant était les gants de l’homme-oiseau : ils étaient faits du même métal léger que le reste, mais on y avait placé deux canons pliables, décorés de plumes rouges.
Maria : Lorsque Bestiari est invoqué spécialement par l’effet d’une Gladiator Beast, il active son propre effet : je peux détruire une carte Magie ou Piège. Donc, je détruis la tienne.
L’homme-oiseau tendit le bras, et le canon sur son gant se mit à ronronner doucement, comme si un mécanisme s’était déclenché à l’intérieur. Bestiari visa, et appuya quelque part ; aussitôt, une boule de fer jaillit de la gueule du canon et détruisit la carte cachée.
Johns : Un instant ! Ma carte est un piège qui s’active exactement lorsqu’il est détruit par un effet : Dark Coffin. Tu peux choisir l’une de ces deux actions : soit tu te défausse d’une carte, soit tu détruits un de tes monstres.
Maria, après réflexion : Je choisis de détruire Andal.
Un sarcophage apparut sur le terrain ; puis il se sépara en deux, la boîte et le couvercle, et l’homme-ours fut attiré dans cette première. Aussitôt le couvercle se replaça ; on entendit un rugissement à l’intérieur, puis le sarcophage disparut.
Johns : Je place deux cartes Magie ou Piège, et je termine mon tour. Maria piocha.
Tour 6 :
Maria : 8000 pts, 5 cartes en main, Gladiator Beast Bestiari ( 4* ; 1500 / 800 ), pas de MP.
Johns : 7800 pts, 2 cartes en main, Cyber Ogre ( 5* ; 1900 / 1200 ), deux MP cachées.
Depuis le début du combat, Maria s’était battue avec toute sa détermination ; mais plus le temps passait et plus son envie de continuer diminuait. Elle prenait pleine conscience que son acte était un assassinat pur et simple ; même pas nécessaire, une précaution. Elle se rendait compte qu’inconsciemment elle luttait contre cette idée, et que c’était pour cela qu’elle n’arrivait pas à donner tout ce qu’elle avait, comme d’habitude. Avait-elle le droit de faire ça ? Oui, il le fallait… pour la Ténébreuse Lumière…
Maria : J’attaque ton Cyber Ogre avec Bestiari !
Johns : Mais… ton monstre a moins de points d’attaque…
Maria : Peut-être, mais j’active de ma main cette carte Magie Jeu-Rapide : Indomitable Gladiator Beast. Elle me permet d’augmenter l’attaque d’une Gladiator Beast sur mon terrain de cinq cent points jusqu’à la fin du tour ; ce qui porte la force de Bestiari à deux mille !
Les canons aux deux gants de l’homme-oiseau ronronnèrent, et Bestiari visa. Alors, Maria joua sa Magie, et les ombres dansantes autour du terrain de jeu se rassemblèrent autour du monstre, dont les yeux se mirent à luire d’un éclat sombre. Il tira. Les deux balles d’acier fusèrent, laissant derrière elles des traînées de fumée noire ; elles frappèrent l’Ogre en plein torse, et celui-ci s’effondra.
Johns : J’active mon piège, Byroad Sacrifice. Si un monstre sur mon terrain est détruit en combat, je peux invoquer un Cyber Ogre de ma main, ce que je fais ! ( 5* ; 1900 / 1200 )
A peine le monstre de métal avait-il disparu qu’un autre apparaissait, grinçant et hurlant. Mais Maria se ressaisit.
Maria : L’effet de Bestiari : lorsqu’il a attaqué, je le renvoie dans le deck, et j’appelle Gladiator Beast Hoplomus en défense. ( 4* ; 700 / 2100 )
Le même rhinocéros en armure qu’auparavant apparut ; mais cette fois, douze écus de fer volaient autour de lui.
Maria : Lorsque Hoplomus est invoqué par l’effet d’un Gladiator Beast, sa défense devient deux mille quatre cent. ( 4* ; 700 / 2400 )
Maria : Et je termine mon tour. Johns piocha.
Tour 7 :
Maria : 8000 pts, 4 cartes en main, Gladiator Beast Hoplomus ( 4* ; 700 / 2400 ), pas de MP.
Johns : 7800 pts, 2 cartes en main, Cyber Ogre ( 5* ; 1900 / 1200 ), une MP cachée.
Johns hésitait. Il ne savait pas trop à quoi s’en tenir : l’adversaire jouait sur la défensive, et semblait hésiter. De plus, c’était son tour et il avait une occasion ; or il pensait à un piège, car il ne s’était pas attendu un seul instant à gagner. Mais il finit par se décider : après tout, il avait quelque chose à faire, il fallait en profiter… Essayant donc de ne pas penser aux conséquences que pourraient avoir ses actes, Johns joua.
Johns : Je commence en dévoilant ma carte cachée : Call of the Haunted. Je m’en sers pour rappeler, de mon cimetière un Cyber Ogre, en mode attaque. ( 5* ; 1900 / 1200 )
« Il a deux Cyber Ogres, pensa Maria. Mais aucun de dépasse la défense de Hoplomus… »
Johns : Puis j’active une carte de ma main : Polymérisation. Je m’en sert pour faire fusionner mes deux Cyber Ogre, pour former un Cyber Ogre 2 ! ( 7* ; 2600 / 1900 )
Ce nouvel Ogre était encore plus imposant que sa version inférieure. Près de trois mètres de métal grinçant, ce monstre ressemblait un peu à un serpent de métal par le fait qu’il n’avait pas de pattes arrière : son torse n’était soutenu que par deux bras, qui se terminaient chacun par une énorme main de métal prête à broyer tout ce qui passait à sa portée. Pas de pattes arrière, donc, mais une grande et puissante queue d’acier parcourue de piques et terminée par une lourde masse d’arme ; de plus, la créature avait dans le dos deux épaisses plaques de fer qui figuraient des ailes.
Voyant son monstre, Johns reprit un peu confiance en lui.
Johns ( 1 carte ) : Maintenant, Cyber Ogre 2 attaque ton Hoplomus !
Le géant de fer se mit alors en équilibre sur une seule main, et l’utilisa comme axe pour soudainement balancer sa lourde queue sur le rhinocéros, qui fut projeté au loin par le choc.
Johns : Comme ton monstre a été détruit, tu ne peux pas le remplacer, non ?
Maria : C’est exact.
Johns : Ok... Je termine mon tour, alors. Maria piocha.
Tour 8 :
Maria : 8000 pts, 5 cartes en main, pas de monstre, pas de MP.
Johns : 7800 pts, 1 carte en main, Cyber Ogre 2 ( 7* ; 2600 / 1900 ), Call of the Haunted sans cible.
Maria frissonna. Elle devait se ressaisir. Après tout, elle avait déclenché elle-même le jeu des Ténèbres, il fallait qu’elle gagne, malgré ses états d’âme. C’était nécessaire.
« Voyons, il faut prévoir ses mouvements à l’avance… Je connais l’effet de son Ogre ; ce n’est pas une carte jouée souvent car elle est difficile à mettre en place, mais il y est parvenu : je l’ai laissé faire à cause de mes états d’âme… Malgré ça, je me souviens de son effet ; ce qui veut dire… » Elle regarda ses cartes en main et sourit. A présent elle savait quoi faire.
Maria : Je commence mon tour en invoquant Gladiator Beast Dimacari. ( 4* ; 1600 / 1200 )
Le monstre qui apparut tenait à la fois de l’homme et du taureau : son corps, quoique humain, était recouvert de poils d’un brun sombre ; mais sa tête était en tous points semblable à celle de ces bovins agressifs. Le monstre portait des chaussures de cuir, une tassette richement décorée et une seule épaulière. Ses avant-bras étaient entourés d’une énorme gangue de métal. Mais c’était son visage enragé qui était le plus effrayant.
Maria ( 4 cartes ) : ... Comme tu le vois, mon monstre a moins de points d’attaque que le tien…
Johns : Euh… oui…
Maria était décontenancée. Un adversaire habituel se serait moqué d’elle ; pas Johns. Il n’en avait que faire des moqueries, il se battait pour sa vie. Ah, mais il ne fallait pas penser à ça !
Maria : J’équipe Dimacari de la carte Magie : Gladiator Beast’s Battle Manica !
Le minotaure vit apparaître dans sa main une manica d’acier, sur laquelle était incrustée une large pierre rouge. Il la fixa à son bras, le bougea un peu pour tester sa mobilité, et, satisfait, lança un regard furieux au Cyber Ogre 2 en soufflant bruyamment.
Maria ( 3 cartes ) : Ensuite, j’attaque ton Ogre avec Dimacari !
Le monstre à tête de taureau se ramassa sur lui-même, et, meuglant à en faire trembler les murs, chargea le géant de métal. Son attaque était inférieure ; mais, contrairement à ce à quoi Maria s’attendait, Johns ne dit rien. Il restait là, bouche ouverte, ne comprenant pas l’action de la jeune femme ; il était paniqué et ne pensait à rien d’autre qu’à finir ce duel, le gagner le plus vite possible pour ne plus voir ces ombres qui dansaient autour de lui, ni cette femme démoniaque aux yeux luisant de vert.
Lorsque Dimacari atteint l’Ogre, celui-ci ne réagit même pas ; mais le minotaure, au lieu de s’écraser contre sa masse, amortit le choc avec la manica ; puis il revint auprès de Maria.
Maria ( 7000 pts ) : La manica est un équipement qui empêche la destruction au combat de la Gladiator Beast à laquelle il est attaché. Bien, comme Dimacari a attaqué, je peux le renvoyer pour invoquer un autre monstre ; et je choisis Gladiator Beast Octavius… ( 7* ; 2500 / 1200 )
L’homme-taureau disparut pour laisser place à une autre créature. Beaucoup plus grande, d’une taille avoisinant les deux mètres cinquante, Octavius était un grand aigle au corps d’homme. Sa peau était recouverte de plumes claires, ses pieds étaient des serres ; son visage était véritablement celui d’un aigle, le regard noble et perçant. Il était vêtu d’une armure d’or ; ses immenses ailes étaient noires, et protégées aux articulations par des plaques de métal. Au-dessus de sa tête, était un cercle de métal forgé, où brillaient, incrustées, six pierres orangées.
Johns ne réagissait toujours pas. Ni railleries, ni commentaires. Cela désarçonnait profondément Maria : elle avait en face d’elle non pas un combattant, mais un homme comme on en rencontre tous les jours, impuissant devant la fatalité. Ici, la fatalité, c’était elle ; elle était la main qui allait couper le fil. Mais de quel droit ? Ah, mais c’était nécessaire, il ne fallait pas y penser.
Maria : La manica est un équipement spécial, continua-t-elle. Lorsque la Gladiator Beast à laquelle elle est équipée est renvoyé dans le deck, elle revient dans ma main. Mais je ne la reprend que pour la rééquiper à Octavius…
La même protection apparut, quoique plus grande pour s’adapter à Octavius. Celui-ci la prit dans ses serres, et la fixa à son bras. Là encore, Johns ne dit rien.
Maria : Et je termine mon tour… Les yeux baissés, Johns piocha.
Tour 9 :
Maria : 7000 pts, 3 cartes en main, GB Octavius ( 7* ; 2500 / 1200 ) équipé de Gladiator Beast’s Battle Manica.
Johns : 7800 pts, 2 cartes en main, Cyber Ogre 2 ( 7* ; 2600 / 1900 ), pas de MP.
Johns ne savait que faire. La panique l’empêchait de réfléchir correctement : à chaque instant il croyait qu’il allait mourir, et ne pouvait plus regarder cette femme aux yeux entièrement verts et au visage transformé ; il ne savait plus ce qui se passait, où il était, ce qui l’avait amené ici ; il ne pensait plus qu’à une chose, sauver sa peau à tout prix. Mais au fond de lui, il se savait perdu. Et lorsqu’il s’en rendit compte, la panique submergea son esprit, et il ne put plus réfléchir : il fallait agir, agir pour quitter enfin cet endroit maudit, cette femme démoniaque et ces cartes inconnues !
Johns : Cyber Ogre 2 attaque ton monstre ! Son effet s’active ! Quand il attaque, il gagne la moitié des points de sa cible !
Grinçant, le monstre d’acier lança sa lourde queue sur l’aigle ; mais celui-ci, s’il fut projeté par le choc, se protégea avec la manica, et, en plein vol, parvint d’un battement d’ailes à se rétablir et à retomber sans encombres.
Maria ( 6650 pts ) : Sa destruction est annulée par la Manica !
Johns, éperdu : Je termine mon tour !!! Hésitante, Maria piocha.
Tour 10 :
Maria : 6650 pts, 4 cartes en main, GB Octavius ( 7* ; 2500 / 1200 ) équipé de Gladiator Beast’s Battle Manica.
Johns : 7800 pts, 2 cartes en main, Cyber Ogre 2 ( 7* ; 2600 / 1900 ), pas de MP.
Maria ne savait plus ce qu’elle devait faire. Elle se rendait parfaitement compte à présent de la détresse de Johns, de son désespoir. Lui qui n’avait rien demandé, il était condamné par une inconnue à un long supplice se terminant par la mort… tout ça par précaution. Mais de quel droit faisait-elle cela ? Une vie est précieuse ! Et comment la Ténébreuse Lumière pourrait-elle se targuer de justice alors qu’elle assassinait des hommes presque gratuitement ? De quel droit le faisait-elle ? Ce n’était qu’une organisation anonyme, sans personne pour l’approuver !
Maria : J’active un effet depuis mon cimetière : celui de la carte Magie Jeu-Rapide que j’ai utilisée tout à l’heure, Indomitable Gladiator Beast ! En renvoyant dans mon deck deux cartes Gladiator Beast, je peux l’ajouter à ma main, ce que je fais en renvoyant Andal et Hoplomus ! Ensuite, j’invoque en mode attaque Gladiator Beast Bestiari, le même que j’ai renvoyé dans le deck tout à l’heure. ( 4* ; 1500 / 800 )
A nouveau, l’homme-oiseau vert apparut ; il était bien plus petit qu’Octavius, mais les canons sur ses bras inspiraient tout de même le respect. Mais cela, Johns s’en fichait.
Maria ( 3 cartes ) : Avec Octavius, j’attaque Cyber Ogre 2 ; et pour combler sa plus faible attaque, je joue Indomitable Gladiator Beast, qui monte son attaque à trois mille points !
Le grand aigle prit alors un sceptre qui était attaché à sa ceinture, et dont le bout était fait d’une pique de fer ; puis il prit son envol, et, sous l’effet de la magie, une traînée sombre apparut dans son sillage, houleuse sous ses battements d’aile. Alors, plongeant dans un long cri de rapace, l’aigle perça le monstre de métal qui s’effondra dans un gigantesque grincement qui résonna dans tout l’égout.
La mort se révéla alors à Johns : il ne pouvait plus éviter cette idée, et terrorisé, fit volte-face et courut éperdument. Mais une ombre, fugace, jaillit du sol et lui saisit la cheville. Il tomba sur le sol humide où dansaient les ombres, et, sentant à peine la douleur, l’esprit fou, il se releva et tenta à nouveau de courir ; mais les ombres, à chaque fois, l’en empêchaient.
Ce spectacle pathétique prit Maria au cœur, et lui donna envie de pleurer ; mais c’était une femme forte, et, dans un grand effort de volonté, elle rejeta sa pitié pour rappeler son devoir.
Maria : Bestiari attaque !
Dégainant un canon, l’homme-oiseau tira une balle de plomb. Celle-ci, simple hologramme, traversa Johns sans lui faire de mal ; mais celui-ci, terrorisé, poussa un long cri déchirant. Maria tenta de ne pas l’entendre.
Maria : A la fin de la Battle Phase, je change Bestari pour Dimacari !
Le rapace disparut pour laisser place au minotaure.
Maria : De plus, comme Octavius a attaqué, je dois me défausser d’une carte pour le maintenir sur le terrain ! Elle se défaussa. Je termine mon tour…
Johns, étendu à terre, piocha dans un cri, reconnu à peine sa carte, et hurla :
Johns : Rock Ogre Grotto 1 en attaque ! Et c’est fini !!! ( 3* ; 800 ; 1200 )
Maria piocha, tremblante. Sa résolution avait à peine tenu un tour, elle ne savait à nouveau plus que faire. Alors elle joua comme elle l’aurait fait normalement, sans savoir si elle parviendrait à terminer.
Maria : J’invoque Gladiator Beast Laquari en mode attaque…
Le grand tigre apparut ; il n’avait pas ses missiles avec lui, mais semblait pressé d’en découdre et de détruire ses adversaires.
Maria : Laquari attaque ton monstre en défense…
Le tigre se jeta sur l’homme de pierre, et le brisa de ses poings, comme si la détruire était un besoin impérieux et que sa vie en dépendait.
Maria : Maintenant, Dimacari… Comme il a été invoqué par une Gladiator Beast, il attaque deux fois…
Le minotaure chargea alors Johns, et l’atteint de plein fouet ; puis, comme si cela ne suffisait pas et qu’il fallait s’assurer de sa mort, il le piétina avec rage.
Il restait alors moins de points de vie à Johns qu’Octavius n’avait de points d’attaque. Maria n’avait qu’à dire un mot, et tout serait fini. Le grand aigle, comme pour être prêt, s’envola et atterrit à côté de Johns, la pointe de son sceptre vers le bas, prêt à frapper. Prêt à lui percer le cœur.
Mais Maria ne pouvait se résoudre à cela. Tuer un homme de sang-froid, elle ne s’en sentait pas capable ; elle se disait que cet homme était comme elle, qu’il était vivant ; qu’il était même plus, car il avait une famille qui l’aimait, des enfants peut-être, quand elle avait tout abandonné pour une cause inconnue du monde. Elle l’enviait un peu aussi, pour ce qu’il avait et qu’elle avait lâché ; et de la même façon, elle pensait à tout ce que des personnes humaines allaient perdre sur un simple mot de sa part.
Elle ne savait plus où elle en était. Incapable de se décider, elle était d’autant plus déboussolée que c’était la première fois qu’elle ne parvenait pas à prendre de décision. Fallait-il tuer ? Ne pas tuer ?
Mais alors une pensée, plus claire, lui vint à l’esprit. Le jeu des Ténèbres. Si elle ne tuait pas, elle serait tuée. C’était la règle et elle ne pouvait s’y déroger. Et la peur de sa propre mort était chez Maria, à cet instant, plus forte que celle des autres. Alors, rejetant tous ses sentiments pour ne plus garder que la plus simple et la plus pure évidence, la nécessité même, elle regarda Octavius. L’aigle lui rendit son regard, attendant l’ordre. Et, comme si prononcer ce mot était la chose la plus dure du monde, Maria dit : « Tue. »
L’aigle s’agenouilla, penché vers Johns, qui, par terre, roulait les yeux de terreur. Sans sourciller, il plongea son sceptre dans la poitrine de l’homme.
Son cœur ne fut pas touché. Ni ses muscles, ni sa peau. Mais, rendu réel par la force du Jeu des Ombres, la pointe de fer s’enfonça profondément en Johns, et perça son âme. Alors le corps eut un ultime râle, un dernier spasme, et ce fut fini.
DUEL : MARIA VS JOHNS. VAINQUEUR : MARIA.
Les ombres sur le sol et les murs disparurent. Les traits sur le visage de Maria disparurent, et ses yeux reprirent leur noir habituel. Le vent cessa, et il n’y eut plus de bruit que le glouglou de l’eau de l’égout. Hébétée, la jeune femme regardait le corps sans vie de Johns : allongé par terre, bras écartés, bouche ouverte et yeux exorbités. Elle le voyait, mais l’information semblait ne pas parvenir à son cerveau. Alors, elle sentit une main sur son épaule, et, surprise, se retourna. C’était Anton.
« Eh, ça va ? fit-il doucement.
- J… je crois, chuchota-t-elle.
- Ce n’est pas facile, hein ?... Ca m’a fait à peu près pareil quand j’ai dû en tuer un qui m’avait surpris… Mais ne t’inquiète pas, ça passera. »
Tandis qu’Anton la réconfortait, Maria entendit Virgil demander froidement :
« Bon, et qu’est-ce qu’on en fait, maintenant ? »
Elle se demanda alors comment un être si jeune pouvait être si froid. Mais cette pensée fut bien vite chassée. Anton alla chuchoter quelque chose à l’oreille de Virgil, qui fit :
« Ca marche. Toi, tu l’accompagnes à la sortie ? Je vous rejoins.
- C’est d‘accord. »
Et, laissant le jeune homme s’occuper du cadavre, Anton raccompagna doucement Maria jusqu’à la bouche d’égouts. C’était nécessaire, lui disait-il. Nécessaire.
Et voilà ! Que pensez-vous de ce chapitre ? J'attend vos commentaires avec impatience !
Sebphiroth
___________________ - Un vaisseau de fantômes gréé d'algues marines ! Une chose engloutie qui jamais n'aurait dû revoir la face du soleil ! Sur son pont limoneux, un nautonier à l'orbite putride attend de nous entraîner vers les profondeurs sépulcrales où se lamente le choeur sans voix des noyés boursouflés par les miasmes de l'onde amère !
- Vous... vous dites ça pour plaisanter ?
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Ex-dragon Hors Ligne Membre Inactif depuis le 21/08/2013 Grade : [Kuriboh] Echanges (Aucun) Inscrit le 04/01/2010 154 Messages/ 0 Contributions/ 0 Pts | Envoyé par Ex-dragon le Mardi 22 Juin 2010 à 10:49
Bah je sens que ca va être intéressant. Rien d'autre à dire.
Tu es vraiment doué pour ca en tous cas.
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Lily-dark Hors Ligne Membre Inactif depuis le 03/01/2011 Grade : [Kuriboh] Echanges 100 % (77) Inscrit le 20/04/2008 3668 Messages/ 0 Contributions/ 18 Pts | Envoyé par Lily-dark le Jeudi 01 Juillet 2010 à 15:22
Jango !
J'ai beaucoup aimé (une fois de plus je sais, pas original mais je préfère laisser un commentaire que ne rien dire =P )
J'ai apprécié le duel, et le moment où Maria tue Johns , c'était amusant x) .
Sinon bah une fois de plus, chapitre réussi ! Vivement la suite ! (Désolé mes coms sont courts . )
Sinon , j'ai enfin repris ma fic si jamais ça t'intéresse x) .
[ Dernière modification par Lily-dark le 01 jui 2010 à 15h23 ]
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Demondu76 Hors Ligne Membre Inactif depuis le 13/03/2011 Grade : [Kuriboh] Echanges (Aucun) Inscrit le 10/06/2010 21 Messages/ 0 Contributions/ 0 Pts | Envoyé par Demondu76 le Dimanche 04 Juillet 2010 à 16:32
Wah ! Bravo tu es vraiment doué sebphirot ta fic est assez prenante et tout ce que t'es capable d'écrire en un seul chapitre
Je suis loin d'en faire autant sur ma nouvelle fic enfin je mets le lien au cas où ça intéresserait quelqu'un *****
Edit kerberos : lien retiré
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NeroKyusi Hors Ligne Membre Inactif depuis le 06/05/2018 Grade : [Kuriboh] Echanges 100 % (3) Inscrit le 13/04/2010 30 Messages/ 0 Contributions/ 10 Pts | Envoyé par NeroKyusi le Dimanche 18 Juillet 2010 à 19:19
Eh bien, bravo ! Je viens de rattraper tous les chapitres de ta fic et franchement j'ai adoré.
Tu sais vraiment faire durer le suspense dans les duels qui sont vraiment bien pensés.
Sinon les descriptions, tu décris magnifiquement bien les situations et les monstres de duel, ce qui fait que même si on ne voit pas l'image, on s'imagine parfaitement bien les hologrammes dans la situation.
A part ça je n'ai qu'une chose à dire.
A quand la suite !
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Sebphiroth Hors Ligne Membre Inactif depuis le 18/03/2013 Grade : [Kuriboh] Echanges (Aucun) Inscrit le 21/07/2009 85 Messages/ 0 Contributions/ 0 Pts | Envoyé par Sebphiroth le Dimanche 18 Juillet 2010 à 22:01
Jango !
Je suis de retour après un mois d'absence ! Désolé de l'attente, mais après le dernier chapitre, j'ai une panne d'inspiration de deux semaines, puis à nouveau deux semaines de vacances sans ordinateur. Mais me revoilà tout frais, ayant beaucoup de nouvelles idées, et, surtout, un nouveau chapitre !
Je voudrais remercier les quatre commeurs du dessus qui font qu'après un mois d'absence je suis toujours en page 1 : Ex-Dragon, Lily-Dark, Demondu76 et Nerokyusi.
Quoiqu'il en soit, fini le blabla, voici le chapitre que vous attendiez tous ( j'espère ) : le numéro 22 !
Bonne lecture !
Chapitre XXII : Pris au piège !
Le jet se posa doucement sur la piste, et commença à décélérer. Lentement, les freins lui firent ralentir son allure, et il finit par s’arrêter. Aussitôt, la porte de la soute à véhicules s’ouvrit, et il en jaillit une D-Wheel blanche, élégante, sur laquelle était monté un homme aux cheveux blonds. Cet homme, c’était Ventus Specto, dirigeant des Mains ; il démarra en trombe, laissant son jet rentrer au hangar. Il voulait commencer les opérations le plus tôt possible.
Il sortit de l’aéroport à toute vitesse pour pénétrer dans la ville. A Neo Domino, il n’y avait pas de pont reliant l’aéroport à l’Ile Sacrée comme il y en avait un à New York pour relier l’aérodrome et Manhattan ; tout religieux qui venait de loin devait donc traverser la ville, sale et pauvre. Généralement, les notables se faisaient conduire en voiture blindée et aux vitres teintées, avec une escorte de Mains à D-Wheels ; mais Ventus Specto, malgré sa position éminente, était au-dessus de ça. Pragmatique, il faisait ce qui était utile, et n’hésitait jamais à se salir les mains. C’était d’ailleurs une des qualités qui l’avaient fait monter si haut. Et c’était aussi pour cela qu’il avait décidé, quelques semaines auparavant, d’interroger lui-même Sciabola.
Sciabola… Un garçon qui n’avait vraiment l’air de ne rien comprendre à ce qui lui arrivait. Sa terreur était réelle alors qu’on allait le soumettre à la Question. Et il n’avait pas l’apparence d’un menteur alors qu’il disait tout ignorer de l’affaire de son amie. Mais pourtant, il devait nécessairement être au courant puisqu’il avait été délivré… Cela n’avait pas de sens. A moins que… A moins qu’il n’ignorât réellement tout, mais qu’on l’avait aidé par précaution. Non, pas par précaution, plutôt par affection : il était très lié avec cette jeune fille qu’un certain Virgil Dantès avait soustraite aux prêtres. Ce devait être elle qui avait demandé à ce qu’on le délivre… en échange de sa participation au groupe de résistance. Oui, ce devait être ça.
Ventus arrêta là ses réflexions : il était arrivé au grand pont qui menait à l’Ile Sacrée. S’engageant, il accéléra, car il n’y avait presque personne, comme d’habitude. Ce pont était strictement réservé aux religieux et aux politiques, et chacun était contrôlé dès les premiers mètres. Lui n’avait pas à s’acquitter de cette formalité : on le reconnaissait, et on savait qu’il ne fallait pas le déranger.
Ventus traversa le pont, et arriva son l’Ile. Cet endroit était très différent de Manhattan : les bâtiments y étaient moins hauts et moins luxueux, mais l’architecture se permettait toutes les extravagances. Les plus grands architectes du monde avaient leurs plus beaux bâtiments là ; la plupart d’entre eux étaient faits de verre, et avaient les formes les plus étranges : tordus en hélice, à deux bases pour un seul sommet… Certains ressemblaient à des assemblages de cubes, d’autres étaient sphériques ; d’autres encore imitaient les pyramides, et même en assemblaient plusieurs pour un équilibre à première vue précaire mais en réalité aussi solide que le plus basique des immeubles. Tout cela brillait fort avec le soleil, car la majorité des bâtiments étaient de verre ; mais tous ceux qui venaient souvent là étaient habitués. Ce scintillement était, selon l’angle du soleil, visible de la ville, et éblouissait ceux qui regardaient dans sa direction ; c’est pourquoi certains appelaient l’Ile Sacrée : l’Ile Miroir.
Ventus dirigea sa D-Wheel vers un bâtiment cubique, qui était le siège des Mains à Neo Domino. Le voyant arriver, les deux hommes qui gardaient la porte saluèrent, et le laissèrent pénétrer avec sa moto dans le gigantesque hall d’entrée. Chose qu’ils n’auraient jamais permise à quelqu’un d’autre. Mais Ventus aimait utiliser son véhicule même dans les bâtiments ; et son personnel connaissait bien cette habitude, surtout les femmes de ménage, qui en avait assez de nettoyer les traces de pneu.
Le dirigeant des Mains traversa le grand hall, tout de marbre et de bois, avec ses plantes vertes et ses fontaines, pour se diriger vers un grand ascenseur qui se trouvait dans le fond. Dérapant pour freiner, il appuya sur le bouton, et après un instant, la porte s’ouvrit. Alors Specto pénétra dans le petit espace avec son véhicule, appuya sur le bouton du dernier étage, et attendit. La porte se referma ; l’ascenseur monta, puissamment. La porte s’ouvrit, et Ventus fut au dernier étage : le sien.
Il laissa sa D-Wheel à côté de l’ascenseur, et traversa les couloirs couverts de moquette jusqu’à une porte en bois sculpté, qu’il ouvrit. C’était son bureau : une salle plutôt vaste, avec de la moquette. Le mur où se trouvait la porte était nu ; les deux sur les côtés étaient masqués par deux bibliothèques en bois léger, remplies de livres. Quand au mur du fond, c’était une grande vitre donnant sur l’extérieur, une vue large et magnifique sur la mer. Au centre de la pièce, le bureau. En bois massif, comme Ventus les aimait, il faisait un peu le cliché du bureau de patron ; mais il était plus que ça. Car, même si cela se voyait à peine, la moquette autour de lui n’était pas en un morceau : un large cercle avait été découpé, entourant le meuble qui, en réalité, était placé sur une plaque tournante. Ainsi, selon son envie, Ventus pouvait soit voir la mer, soit lui tourner le dos.
En entrant, le chef des Mains laissa la porte ouverte, et alla regarder un moment l’étendue salée qui se trouvait presque sous ses pieds. Puis, il se retourna, sortit de sa poche son jeu de cartes et le posa sur le bureau ; cela fait, il appuya sur un bouton, et une voix retentit :
« Monsieur Specto ?
- Kékéli et Chi sont là ?
- Oui, Monsieur.
- Envoyez-les-moi dans mon bureau.
- Bien, Monsieur. »
Ventus lâcha le bouton et s’assit face à la mer, les doigts croisés sur la bouche. Il resta ainsi environ dix minutes ; mais lorsqu’il vit s’allumer le voyant indiquant que quelqu’un avait demandé à accéder à l’étage, il pressa un autre interrupteur et le bureau se mit à pivoter dans un chuintement ; quelques instants plus tard il tournait le dos à l’océan.
Peu après un homme entra. Grand, noir, les cheveux courts et crépus, il avait malgré son corps mince une stature digne. Ses yeux noirs brillaient d’intelligence, et il avait aux lèvres un petit sourire qui ne le quittait jamais : c’était Kékéli Gnassingbé, dirigeant de la section Surveillance des Mains.
« Bonjour, Monsieur Specto. Vous allez bien ? » Sa voix était sympathique et chaleureuse, dans les tons graves ; il roulait les r.
« Pas mal, un peu fatigué du voyage. Assieyez-vous. » Kékéli était une des rares personnes à pouvoir demander à Ventus comment il allait.
« C’est à propos du plan, n’est-ce pas ? demanda Kékéli.
- Effectivement ; mais je vous en parlerais quand Chi sera là.
- Ah… d’accord. »
Peu après, le voyant s’alluma à nouveau, indiquant que la seconde personne que Ventus avait demandée arrivait. En effet, quelques minutes après, une jeune femme entra dans le bureau, l’air contrarié. Elle était petite, joliment fine ; elle paraissait trente-cinq ans alors qu’elle en avait quarante ; seules les marques de son visage rappelaient la réalité. Elle avait la peau mate et les yeux bridés, noirs ; ses cheveux étaient courts et de ce même sombre profond qu’ont tous les asiatiques, mais dont on ne se lasse pas. C’était Chi Nguyen, chef de la section Intervention des Mains.
« Bonjour, Monsieur Specto, fit-elle en baissant la tête. Vous m’avez appelée ?
- Effectivement. Asseyez-vous, Chi. »
Elle obéit, et, ce faisant, éloigna légèrement son fauteuil de celui de Kékéli. Celui le remarqua, et eut un sourire crispé.
« Bon, commença Ventus. Je vous ai fait venir pour une raison précise : le conseil a décidé de faire appliquer le plan que nous avons préparé. »
Kékéli sourit à nouveau, mais cette fois-ci pour laisser transparaître un rire discret. Quand Ventus disait « nous », en général cela voulait dire « je » ; car il n’avait besoin de personne pour faire son métier, et ses deux subordonnés, malgré toute leur intelligence, n’avaient en rien participé à l’élaboration du plan ce surveillance. Mais Ventus faisait toujours attention à prendre en compte ses inférieurs, car s’il pensait être plutôt apprécié, il savait que cela pouvait changer en un rien de temps ; or être aimé était toujours utile.
« Nous avons toutes les autorisations, continua-t-il. Etes-vous prêts ?
- Nous sommes prêts, Monsieur Specto, fit Chi.
- Nous aussi, Monsieur.
- Très bien. Déclenchez tout. Je compte sur vous pour ne pas avoir de problèmes d’entente, bien sûr… »
Chi et Kékéli échangèrent un regard. Il existait entre eux une antipathie mutuelle et puissante, due selon leurs subordonnés à leurs caractères : lorsque Kékéli aimait agir dans l’ombre et discrètement, avec des plans préparés et beaucoup de temps de réflexion, Chi préférait réagir le plus rapidement possible. L’un des meilleurs exemples de cette différence était une affaire de trafic idéologique qui s’était déroulée quelques années avant : on avait découvert et arrêté des gens qui appartenaient à une secte dérivée de la Lumière et ils avaient révélé leur lieu de culte ainsi que leurs moments de rendez-vous. Chi avait alors proposé une arrestation massive et spectaculaire pour frapper l’esprit des gens, et Kékéli avait préféré une enquête préalable afin de remonter à la source, puis de procéder aux arrestations le plus discrètement possible ; Ventus avait fini par trancher en faisant mener une enquête puis une arrestation de masse, et avait également fait appel au chef de la section Propagande pour faire connaître cette affaire et effrayer l’imagination populaire. Bref, des différences entre ces deux personnages qui les rendaient antipathique l’un à l’autre. Mais peu savaient que la réelle raison à cette animosité était qu’ils s’étaient autrefois aimés ; c’était fini depuis longtemps, mais cela s’étant mal terminé, on en retrouvait les traces plus tard. Cependant même les personnes qui connaissaient ce secret ignoraient les raisons de cette séparation.
« Je peux compter sur vous ?
- Oui, Monsieur, répondirent-ils en cœur, ce qui leur fit froncer les sourcils.
- Très bien. Vous pouvez sortir. »
Les deux obéirent sans discuter, chacun ayant visiblement beaucoup à redire à cette collaboration mais n’osant pas le faire : elle était nécessaire, et de toute façon Ventus l’avait ordonnée. Ils traversèrent l’étage, prirent l’ascenseur ; puis, arrivés dans le hall, ils partirent vers le garage, chacun prenant un chemin différent.
« Non, vraiment, pensait Ventus alors qu’ils sortaient, ils ne s’aiment vraiment pas. Ils ont intérêt à ce que cela ne pose pas de problèmes… » L’instant d’après, il les avait oublié pour ne plus se concentrer que sur son affaire ; il fit pivoter son bureau face à la mer, et, comme à son habitude, prit son jeu et récapitula ses combinaisons.
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A peine Maria et les autres étaient-ils rentrés à l’appartement que la jeune femme avait saisi le téléphone et appelé Siegfried. Celui-ci avait répondu avec anxiété.
« Allô, Siegfried, c’est moi.
- Maria ? Vous allez bien ? Ca s’est bien passé ?
- Plutôt bien, oui. On a plein d’infos, des noms, des visages. On vous expliquera ça quand on sera rentrés, mais pour l’instant il y a plus important : à l’heure qu’il est, Specto doit être en train de…
- Specto ? Qui est-ce ?
- Le chef des Mains, il…
- Ah, oui, Green nous en a parlé, mais nous n’avions pas son nom.
- Ah, d’accord ; mais il faut que vous soyez très prudents, car Specto est sûrement en train de déclencher un énorme plan de surveillance de toute la ville pour nous attraper !
- Ah… Il fait ça en réaction à l’intervention de Virgil, et à celle de Dario et Fang ?
- Oui. Ca va consister en une surveillance étroite et permanente de la ville, dans chacun de ses recoins ; ils vont aussi vérifier les decks de tous les duellistes, et chaque duel devra être arbitré par une Main.
- Je vois, mais ça sera long à préparer…
- Tout est déjà prêt, Specto a tout prévu !
- Ah… D’accord, fit le Numéro Un avec une nuance d’hésitation dans la voix. Nous serons prudents. Quand rentrez-vous ?
- Virgil regarde les horaires des avions en ce moment même ; visiblement nous pourrons rentrer dans trois ou quatre jours.
- Très bien, nous vous attendrons pour que vous nous exposiez vos découvertes ; bon voyage.
- Merci, à bientôt. »
Elle raccrocha. Pourvu qu’il n’y ait pas de problèmes…
Après avoir raccroché le téléphone, Siegfried resta un moment immobile. Il réfléchissait : à tout moment l’un d’entre eux pouvait désormais se faire prendre. Heureusement, chacun étant présent, il avait le temps de… Bon sang !
« Dario, où est Abdel ? demanda-t-il en entrant en coup de vent dans la chambre.
- Parti faire son jogging, pourquoi ? » répondit l’Italien.
Et merde.
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Alors même que Siegfried donnait ses ordres, des centaines de Mains se répandaient dans la ville. Personne ne s’en rendait compte pour l’instant, car elles étaient incognito ; mais elles étaient bien là. Petit à petit, elles se plaçaient aux endroits les plus fréquentés, mais également à ceux qui l’étaient moins : les ordres de Specto étaient respectés à la lettre, car chaque recoin de la ville était surveillé. En moins d’une demi-heure, chaque quartier fut observé à la loupe ; et on commença à vérifier les decks de ceux qui en avaient. Chaque personne était jugée du regard, auscultée, passée à la loupe ; les yeux furtifs mais insistants des Mains glissaient sur chaque corps comme s’ils voulaient deviner les pensées des gens. On contrôlait tous les decks. Et ceux qui paraissaient suspects, on les interrogeait. C’était un aperçu de la terrible puissance de Ventus.
Au milieu de tout ça, Abdel faisait son jogging, sans se douter de rien. Il courait tous les jours, et suivait le même itinéraire, qui ne l’éloignait jamais de l’appartement, pour pouvoir réagir en cas de problème, si l’Eglise se pointait là-bas ; mais cette fois, c’était lui qui était cerné, et il ne s’en doutait pas le moins du monde. En sueur, il soufflait en rythme, casque sur les oreilles pour que la musique l’aide à garder le rythme. Abdel avait l’habitude de courir depuis longtemps. Cela lui permettait de se changer les idées et de se détendre : la fatigue obtenue par le sport est bénéfique, et, en sportif de longue date, il le savait très bien.
En tournant au coin d’un block, Abdel fut soudain arrêté par une main qui lui attrapa le bras. Surpris, il se retourna, et vit une femme qu’il ne connaissait pas lui parler ; mais comme il n’entendait rien, il enleva son casque.
« Vous ne pouvez pas vous arrêter quand je vous appelle, non ?
- Euh… Pardon, Madame, fit Abdel, surpris au possible. Vous voulez du feu ? Malheureusement, je n’en ai…
- Je ne veux pas de feu. Je suis une Main et j’ai ordre d’inspecter le deck de chaque duelliste. Montrez-moi le votre, s’il vous plaît. »
Instantanément, Abdel se raidit. Sa boîte à cartes était à sa ceinture : la femme l’avait vue. Mais depuis quand les Mains surveillaient-ils les jeux des gens ?
Abdel passa son regard sur la femme. Elle avait la quarantaine, et était très maigre ; son visage, qui semblait taillé dans la pierre, avait cependant quelque chose des rapaces : le regard. Abdel sut immédiatement qu’il serait inutile de mentir.
« Le voilà, fit-il en montrant la boîte à sa ceinture. Mais pourquoi cette surveillance ? Il s’est passé quelque chose ?
- J’ai ordre de regarder votre jeu, et cela pour le bien de la Lumière. Donnez-le-moi. »
Après cela, Abdel n’avait plus le choix. Il prit son jeu et le tendit à la femme, qui commença à le regarder lentement. Alors qu’elle faisait cela, le jeune homme jeta un œil à ce qui l’entourait ; et il remarqua un homme, qui, de l’autre côté de la rue, les observait. Un frisson glacé lui parcouru l’échine, et son poil se hérissa : il était piégé.
La femme regardait ses cartes, les sourcils froncés. Et plus elle parcourait le deck, plus elle paraissait perplexe. Abdel sentait le regard de l’homme de l’autre côté de la rue passer sur lui, l’inspecter, le juger, le sonder ; il se sentait mal.
« De toutes façons, pensa-t-il, dès l’instant où elle a voulu regarder mes cartes j’étais pris. »
Finalement, après une longue inspection, la femme mit le jeu d’Abdel dans une boîte à sa ceinture, et lança un regard à l’homme de l’autre côté de la rue. Puis elle regarda Abdel droit dans les yeux.
« Votre nom ?
- Euh… Toshiro Mifune.
- Veuillez me suivre, s’il vous plaît.
- Pour où ? fit-il doucement.
- Vous verrez. »
Elle le prit par le poignet et l’entraîna. Aussitôt, l’homme traversa et se plaça juste derrière Abdel, pour l’empêcher de s’enfuir. Et ils commencèrent à avancer. Après cent mètres d’intense réflexion, Abdel vit une duelliste se faire inspecter comme lui. Il en conclut que la rue était pleine de Mains en civil, et qu’il était impossible de fuir. Il aperçut, au bout de la rue, deux D-Wheels, dont une avec un side-car. C’étaient celles des deux Mains. Et il ne pouvait rien faire.
Mais la scène avait été vue : bien plus haut, Les Toits avait tout observé. Debout au bord du vide, les pieds à moitié posés sur le béton du toit, il avait regardé l’arrestation ; et alors qu’Abdel apercevait les D-Wheels, il décida de ce qu’il allait faire.
Trente secondes plus tard il était derrière une rue, dont le croisement avec une autre se trouvait entre les Mains et leurs véhicules. Personne ne l’avait vu descendre.
La rue dans laquelle marchaient Abdel et les Mains étaient une rue très passante en voitures, car l’une des artères principales de la ville ; mais il faut se rappeler que « très passante » voulait dire qu’il passait sans cesse des véhicules, et non pas qu’elle était embouteillée ou quoi que ce soit ; à Neo Domino, il n’y avait pas assez de voitures pour créer un embouteillage. Bref ; alors que les Mains avançaient en encadrant leur prisonnier, Les Toits s’avança dans la rue, d’un pas rapide, et traversa. Il avait calculé son timing : une voiture arrivait exactement au même moment.
Long crissement de pneus ; choc mou d’un corps heurtant une carrosserie ; choc du même corps retombant sur le macadam. Cris des passants. Les Toits était étalé, immobile, au milieu de la route.
En voyant ce vieillard, si frêle et si léger, se faire renverser par le monstre automobile, la femme qui gardait Abdel ne put retenir un sursaut humaniste, et lâcha le poignet de son prisonnier pour aller voir le blessé. Elle courut vers le corps, et se pencha : le vieillard respirait ; il leva une main, et s’accrocha à elle.
« Ne vous inquiétez pas, Monsieur, je vais vous aider, fit-elle, un peu paniquée, en le plaçant dans la position de sécurité. Elle écarta alors les badauds d’un geste, et prit son téléphone pour appeler des secours. Mais le vieillard prit son poignet avec une force dont elle ne l’aurait pas cru, même en pleine forme, capable.
« Je vais bien, murmura-t-il. Je vais bien… »
Il s’accrocha à elle, et, prenant appui, se releva lentement ; se faisant, il passa ses mains sur sa hanche. Mais la femme ne s’en aperçut pas, affolée qu’elle était. Et quand le vieux fut debout, il apparut qu’il n’était pas le moins du monde blessé.
« Vous êtes sûr que vous allez bien, Monsieur ? lança le pilote de la voiture qui l’avait heurté.
- Comme dans ma jeunesse ! » lança Les Toits, les yeux brillants de joie et de malice. Et de s’éloigner tranquillement, sous le regard ahuri des passants.
Revenons quelques secondes en arrière, alors que la femme s’élançait vers Les Toits, laissant son collègue seul avec Abdel. Celui-ci avait tout de suite reconnu Les Toits ; et lorsqu’il le vit se faire renverser, il sut que le vieillard n’avait pas été blessé et qu’il avait fait cela pour qu’il s’en fût. Tous les yeux étaient tournés vers l’accident. Seul l’homme le surveillait. Il n’y avait pas à hésiter.
D’un magnifique uppercut du droit dans le ventre, Abdel coupa le souffle de l’homme si violemment que celui-ci crut que ses yeux allaient sortir de leurs orbites. Puis, pour l’empêcher de reprendre son souffle et de crier, Abdel enchaîna avec un crochet dans la mâchoire, qui fit s’écrouler la Main ; enfin, d’un pouce bien placé sur la gorge, le Palestinien lui interdit la respiration.
« Suis-moi bien gentiment », fit-il, et il entraîna la Main dans la rue voisine ; personne ne leur prêta attention. Puis il se plaça dans un recoin où des poubelles répandaient leur odeur âcre, et frappa de toutes ses forces le mur avec la tête de l’homme, qui s’écroula, assommé.
Lorsque la femme se remit de la stupeur de voir Les Toits partir sans une égratignure, elle regarda là où s’étaient trouvés son collègue et Abdel. Ne les vit pas. Et comprit.
Immédiatement elle réagit : elle se précipita vers sa D-Wheel, l’enfourcha, et démarra. Le suspect s’était échappé, mais elle avait au moins ses cartes. Et pour confirmation, elle passa la main sur sa hanche. Son porte-carte n’y était plus.
« Pssst, Les Toits ! Le vieillard se retourna, et vit Abdel qui le rattrapait.
- Tu vas bien ? fit-il, un sourire se dessinant sur son visage joyeusement ridé.
- Ca va, un peu mal aux poings mais ça va. Il faut tout de suite prévenir Siegfried, la Main est sûrement allée prévenir ses supérieurs, et elle a mes cartes…
- Pour les cartes, je ne crois pas, rit Les Toits en tendant son jeu à Abdel, qui ouvrit de grands yeux. Je les lui ait prises en m’appuyant sur elle en me relevant. Mais tu as raison, il ne faut pas perdre de temps, allons prévenir Siegfried au plus vite. »
Ils se mirent à courir de toutes leurs forces vers l’immeuble où ils logeaient ; Abdel allait très vite, en bon sportif ; quant à Les Toits, s’il était plus lent, il s’essoufflait beaucoup moins vite que son âge ne le présumait. Quelques minutes plus tard, ils entraient en coup de vent dans l’appartement, sous le regard étonné de tout le monde.
« Siegfried… Il… il faut… décamper… lança Abdel, à bout de souffle.
- Partir ? Tu veux dire que tu t’es fait prendre ? fit le Numéro Un, qui avait comprit au premier coup d’œil.
- Ouais… Les Toits m’a aidé, mais… ils ont vu mes cartes… »
Il y eut un silence grave. Lily et Peter ne connaissaient pas les cartes d’Abdel, aussi ne comprirent-ils pas la gravité de la situation.
« Il y a des cartes Ténèbres dans ton jeu, Abdel ? demanda le jeune fille. Mais l’interpellé était trop essoufflé pour répondre ; ce fut Fang qui s’en chargea.
- Non seulement il y en a, mais il n’y a pas que ça, fit-elle lentement. Si la Lumière l’apprend…
- C’est inévitable, maintenant, coupa Dario avec son accent italien. Il faut partir, et vite ! »
Siegfried réfléchit trois secondes. Pas plus.
« Tout le monde rassemble ses affaire, juste le strict nécessaire ! Rassemblement dans cinq minutes ici, dans le salon, et ont se barre ! Et quand si vous pouvez être plus rapides, soyez-le ! »
Immédiatement, chacun s’élança dans sa chambre, saisit le premier sac venu et fourra dedans tout ce qui leur tombait sous la main et qui semblait utile : vêtements, affaires de toilette, cartes, et pour Dora, flasque. Quatre minutes trente plus tard, tous étaient prêts dans le salon. Alors Siegfried s’apprêta à ordonner la fuite de l’immeuble, mais il se ravisa. Sans explications, il se jeta sur le téléphone et composa un numéro.
Maria décrocha.
« Allô ?
- Maria, c’est Siegfried. Pas le temps pour les explications, on doit partir de l’appartement. Ne téléphonez plus ici, et ne prenez pas l’avion pour Neo Domino : vous prenez l’avion pour Paris et rejoignez les trois agents là-bas. Nous on se démerde.
- C’est si grave que ça ? fit la voix de Maria, alertée, au bout du fil.
- Pire. Ils vont connaître les cartes d’Abdel. »
Un silence.
« Et merde. Bonne chance !
- Je ne pourrais plus t’appeler. Bonne chance ! »
Et il raccrocha ; mais aussi sec, il composa un autre numéro ; mais il sonna durant ce qui parut une éternité. Peter et Lily comprirent que Siegfried tentait de joindre le dernier membre de la Ténébreuse Lumière, dont ils ne connaissaient pas encore l’identité ; mais celui-ci ne semblait pas être disponible. Au bout de sept sonneries, la messagerie s’enclencha.
« Tanya, c’est Siegfried. On est sur le point d’être pris. Quand tu auras terminé ta mission va à Paris et rejoins Maria et les autres ; et alerte les agents de la situation. Bonne chance. »
Siegfried raccrocha, et d’un geste ordonna de descendre tout l’immeuble. Tout en bas se trouvait le garage ; aussi rapidement qu’il leur fut possible, ils enfourchèrent leurs véhicules, et démarrèrent en trombe, Peter et Lily, qui n’avaient pas de D-Wheel, à califourchon derrière Dora et Les Toits, et Siegfried en tête. Objectif : mettre toute la distance possible entre leur appartement et eux.
Bien leur en prit.
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Dès son départ, la femme qui avait arrêté Abdel avait roulé le plus vite possible jusqu’à sa supérieure, une femme d’environ cinquante ans, qui était la coordinatrice des mouvements des Mains dans le quartier. Dès qu’elle fut mise au courant, la supérieure comprit la gravité de la situation : quelqu’un qui cherche à échapper aux Mains a quelque chose à se reprocher par rapport à la Lumière. Son premier réflexe fut de contacter son supérieur hiérarchique, qui coordonnait l’action des Mains sur quelques quartiers. Lui aussi prit la situation très au sérieux.
De fil en aiguille, l’information remonta dans les hautes sphères de commandement. Jusqu’à atterrir dans l’oreille de Kékéli Gnassingbé, dirigeant de la section Surveillance des Mains.
« Vous dites que ces cartes étaient très suspectes ? demanda-t-il à celui qui lui téléphonait. Et que quelqu’un les a reprises ? Vous êtes certain de ce que vous avancez ? Bon, amenez-moi cette femme le plus rapidement possible à l’entrée de l’Ile Sacrée, je vous attendrais. Vous avez dix minutes. Non, pas moyen d’être plus lent ! »
Il raccrocha, réfléchit quelques secondes, et composa un autre numéro ; la voix de Ventus répondit.
« Quelque chose, Kékéli ?
- Oui, Monsieur. Il semblerait qu’une Main ait arrêté quelqu’un avec des cartes suspectes, qui faisait son jogging, mais il a reprit ses cartes et s’est échappé. J’ai fait venir cette femme ici, elle sera là dans un quart d’heure.
- Je vois… » Ventus était très calme, et le silence qu’avait Kékéli au bout du fil témoignait d’une intense réflexion.
« Je m’attendais à des résultats rapides, mais là, ça dépasse mes espérances… Très bien, très bien… » Il marmonnait pour lui-même ; Kékéli connaissait cela, et savait qu’il ne fallait pas interrompre Specto dans ces moments.
« Kékéli, dans quel quartier l’arrestation s’est-elle produite ?
- Le quarante-et-unième block, Monsieur.
- Il faut tout boucler, et fouiller… Fouiller tout dans ce quartier. L’homme devait y loger : avec des cartes suspectes sur soi, on ne s’éloigne pas de chez soi en faisant un footing…. Occuper le terrain, notez tout ce qui est suspect… Oui, je vais dire à Chi de s’en occuper. Quant à vous, Kékéli, amenez-moi cette femme.
- Bien, Monsieur. »
Ventus raccrocha, mais immédiatement composa le numéro de Chi, chef de la section Intervention des Mains. Elle était sur le terrain, mais répondit immédiatement.
« Monsieur Specto ?
- C’est un ordre urgent, Chi. Faites boucler le quarante-et-unième block et ceux qui l’entourent directement ; faites tout fouiller et notez tout ce qui est suspect. Le plus rapidement possible. » Et il raccrocha.
Il savait que cela ne servirait pas à capturer le suspect : trop de temps s’était écoulé, la montée de l’information avait été trop longue, il devait déjà avoir quitté le quartier. Mais on ne savait jamais ; et puis on trouverait sans doute des traces de son logement, des connaissances…
Quelques instants après, le voyant s’alluma, et l’ascenseur fit monter Kékéli et la femme qui avait arrêté Abdel. Le chef de la Surveillance courait, et la femme le suivait difficilement ; ils arrivèrent rapidement devant le bureau de Ventus, qui avait sa porte ouverte.
Il faisait dos à la mer.
« Voici la femme qui l’a arrêté, Monsieur Specto, dit Kékéli en poussant doucement la Main devant lui.
- Je vois… »
Ventus plongea ses yeux clairs dans ceux de la femme, qui ne put soutenir son regard et baissa les prunelles. Alors Ventus l’inspecta des pieds à la tête, notant mentalement son corps sec, son visage aigu, ses yeux aiguisés, sa coiffure stricte. Cela ne lui prit pas plus d’une seconde. Il saurait maintenant deviner quand elle mentirait.
« Vous avez, avez-vous dit, commença-t-il, arrêté un suspect par les cartes…
- Oui Monsieur, répondit doucement la femme, qui ne connaissait pas l’identité de Specto mais devinait que c’était quelqu’un de suprêmement important.
- Décrivez-le-moi.
- Un homme grand, basané, bien fait. Il était fort de carrure, les cheveux courts et bruns. Plutôt beau, les yeux marron, le visage allongé, bien que sa mâchoire soit plutôt marquée. Les sourcils nets, la bouche large.
- Bien… Vous a-t-il dit son nom ?
- Toshiro Mifune.
- Mm… Il a dû mentir, par précaution ; ce nom ne vaut rien. Peu importe. Parlez-moi de ses cartes. La femme garda le regard baissé.
- Et bien… certaines étaient d’attribut Dark… »
Ventus et Kékéli froncèrent immédiatement les sourcils et se regardèrent. Dark ? C’était très mauvais, ça… Mais d’un certain côté, cela voulait dire que c’était une bonne piste et qu’il y avait un lien avec l’affaire Dantès.
« Mais, continua la femme, ce n’est pas ça qui était le plus étrange…
- Quoi donc, alors ? fit Kékéli.
- Leur type… ils étaient… » Elle hésita.
« Ils étaient quoi ? Démon ?
- Non, Monsieur. Elle avala sa salive. Ils étaient… Psychic. »
Kékéli et Ventus ouvrirent de grands yeux.
Psychic ?
Et voilà ! J'espère que vous avez apprécié !
A bientôt pour un prochain chapitre !
Sebphiroth
[ Dernière modification par Sebphiroth le 19 jui 2010 à 09h31 ]
___________________ - Un vaisseau de fantômes gréé d'algues marines ! Une chose engloutie qui jamais n'aurait dû revoir la face du soleil ! Sur son pont limoneux, un nautonier à l'orbite putride attend de nous entraîner vers les profondeurs sépulcrales où se lamente le choeur sans voix des noyés boursouflés par les miasmes de l'onde amère !
- Vous... vous dites ça pour plaisanter ?
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NeroKyusi Hors Ligne Membre Inactif depuis le 06/05/2018 Grade : [Kuriboh] Echanges 100 % (3) Inscrit le 13/04/2010 30 Messages/ 0 Contributions/ 10 Pts | Envoyé par NeroKyusi le Lundi 19 Juillet 2010 à 00:15
Alors, pour le chapitre 22 : Tu m'as bien eu je ne pensais vraiment pas à un deck Psychic pour Abdel. Bien que comme tu l'as dis toi même, certaines sont d'attribut Dark, je ne vois pas en quoi ce jeu est dérangeant pour la Lumière.
Sinon je crois avoir vu quelques petites fautes même si je ne me rapelle que de celle la : n’avaient en rien participé à l’élaboration du plan ce surveillance.
Je suppose que c'est une faute de frappe mais je préfère la signaler.
P.S. J'aime comment tu caricatures les nationalités des personnages. Tous leurs traits de caractère (ou physiques) sont vraiment représentatifs des clichés qu'on a envers les autres. Pour ça chapeau !
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Ex-dragon Hors Ligne Membre Inactif depuis le 21/08/2013 Grade : [Kuriboh] Echanges (Aucun) Inscrit le 04/01/2010 154 Messages/ 0 Contributions/ 0 Pts | Envoyé par Ex-dragon le Lundi 19 Juillet 2010 à 13:29
Psychique ? En quoi ca gène la lumière ?
M'enfin très bon chapitre comme d'hab.
EDIT : Je viens de comprendre ! C'est surement parce que les psychiques impliquent que le controleur sacrifie sa vie pour utiliser leurs effets, et le suicide gène l'église.
[ Dernière modification par Ex-dragon le 21 jui 2010 à 00h18 ]
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Shaka2 Hors Ligne Membre Inactif depuis le 04/04/2023 Grade : [Kuriboh] Echanges (Aucun) Inscrit le 13/02/2010 218 Messages/ 0 Contributions/ 0 Pts | Envoyé par Shaka2 le Vendredi 23 Juillet 2010 à 13:32
Salut à toi.
ça fait un bail que je suis pas venu ici. Je viens pour rectifier cela.
Tout d'abord, je tien à dire que j'ADORE Ventus Specto, un personnage qui reflète parfaitement l'image des méchants que je préfère. D'ailleurs j'ai remarqué que c'est un personnages que tu as le plus développé dans ta fic, un peu plus que les autres (Que ce soit les membres de l'église ou bien les membres de la Ténébreuse Lumière.)
J'aime bien aussi l'histoire que tu as créé pour Kékéli et Chi (L'histoire je parle bien sûr de l'exemple ) Je pense que du ça ajoute un plus bien pensé à la description de tes personnages, par là je veux dire que tu ne fait pas que décrire, tu justifie la description. Moi je pense que c'est une touche vraiment très originale et je suis impressionné.
Bon en réalité je pense que mon comm ne sert à rien, je n'ai vu aucun défaut. Mais je tenais tout de même à te dire que je suis ta fic de très près et que je ne lâche aucun chapitre.
Si ça ne te dérange pas je vais un peu échafauder une petite théorie sur le fait que les Psychic soient une menace pour la Lumière. C'est vrai quelques uns sont Dark. Mais en réalité moi je pense que c'est plutôt ça :
L'homme est un mélange d'un corps et d'un esprit. Et les Psychic ont le pouvoir de contrôler l'esprit des hommes, ainsi Abdel aurait le pouvoir de retourner les fidèles contre les dirigeants de la lumière. Et s'il n'avait pas agit avant c'est parce que s'était trop risqué puisque la Ténébreuse Lumière manquait d'informations pour déclarer la guerre à la lumière.
Bon je crois que c'est tout. (J'ai de l'imagination non ? )
A plus pour le prochain chapitre.
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Sebphiroth Hors Ligne Membre Inactif depuis le 18/03/2013 Grade : [Kuriboh] Echanges (Aucun) Inscrit le 21/07/2009 85 Messages/ 0 Contributions/ 0 Pts | Envoyé par Sebphiroth le Mardi 03 Août 2010 à 18:32
Jango !
Le voici le voilà, le chapitre vingt-trois ! Pour vos yeux tout ébaubis, le voilà, le voici !
Hum...
Bref. Nouveau chapitre qui, j'espère, vous plaira. Je ne résiste pas à l'envie de vous annoncer que l'on y apprend pas mal sur quatre personnages... Pas beaucoup en fait, mais assez pour susciter, je l'espère la curiosité... Les Toits, Dario, Fange et Dora ont des choses à cacher !
Mais avant la lecture, des réponses.
Tous leurs traits de caractère (ou physiques) sont vraiment représentatifs des clichés qu'on a envers les autres
Clichés... Clichés ! Ok, faut que je revoie mes personnages, moi... Je veux tout, SAUF des clichés ! J'ai horreur de ça ! Merci d'avoir mis le doigt sur un défaut de cette fic ! Je vais tenter de corriger ça !
C'est surement parce que les psychiques impliquent que le controleur sacrifie sa vie pour utiliser leurs effets, et le suicide gène l'église
Abdel aurait le pouvoir de retourner les fidèles contre les dirigeants de la lumière
Non et non ! Ne vous inquiétez pas, c'est expliqué dans ce chapitre.
j'ADORE Ventus Specto
Moi aussi ! Et il va devenir de plus en plus intéressant...
Voilà ! A présent, le chapitre ! Bonne lecture !
Chapitre XXIII : Se cacher
Le réflexe de Ventus lui fut incroyablement utile.
Certes, lorsque ses hommes, sous les ordres de Chi, fouillèrent le quartier de l’arrestation d’Abdel, celui-ci et tous ses amis avaient depuis longtemps décampé. Mais cette fuite n’était pas passée inaperçue. Le concierge notamment, en bon croyant, eut tôt fait de révéler cet évènement aux Mains, et Chi vint le voir personnellement.
« Vous dites qu’ils étaient habituellement douze ?
- Oui, Madame, dont deux jeunes arrivés récemment. Mais il y avait un gros Américain qui était parti depuis un certain temps, je ne sais pas pour où ; et, il y a une semaine, deux autres personnes aussi sont parties. Un jeune, et une femme.
- Pouvez-vous me décrire chacune de ces personnes ? »
Grâce au témoignage du concierge, et à ceux des autres locataires, Chi parvint à établir un portrait précis de chaque personne qui avait vécu à cet endroit ; malheureusement, le dénommé Anton étant parti depuis longtemps, elle n’eut rien d’autre qu’un simple : « il était gros et avait un sacré accent ». Grâce à l’aide d’un visagiste, elle put fournir à Ventus un portrait précis de chacun. Cependant, elle ignorait l’existence de Tanya, l’Elu que Peter et Lily n’avaient jamais vu, ainsi que celle des trois agents qui n’étaient pas des Elus.
La porte de l’appartement n’était pas fermée, car Siegfried n’avait pas pris, dans la précipitation, cette précaution par ailleurs inutile, puisqu’il aurait suffi aux Mains de la défoncer. Ainsi l’appartement fut fouillé de fond en comble. Les recherchés avaient peu d’affaires personnelles, aussi tout ou presque avait été emporté ; ce qui était resté ne permettait pas de découvrir quoique ce soit. Sauf peut-être…
« Madame Nguyen ! Il y a quelque chose d’intéressant, ici ! »
Chi alla voir, et prit ce que lui tendait la Main. C’était une photo. Une photo de famille, qui semblait dater un peu ; il y avait le père, la mère, la fille. L’homme, grand, beau, en costume gris. Il avait la peau bronzée de ceux qui vivent en Europe Méditerranéenne, et semblait rire. La fille, très jeune, se tenait très droite. Elle avait les cheveux longs et noirs, et son type n’était pas le même que son père ; en effet, elle semblait être métisse européenne/asiatique. Ce qui s’expliquait quand on voyait la mère, la mère qui…
Bon sang !
Chi fronça les sourcils. Incroyable. Elle était bien plus jeune sur la photo, mais elle la reconnaissait parfaitement.
Li Jin, chef de la section Propagande des Mains.
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Psychic…
Ventus manipulait nerveusement ses cartes, sur son bureau, face à la mer. Kékéli, lui, assis sur un fauteuil, réfléchissait en silence.
Se pouvait-il vraiment que ces cartes soient de ce type ? La femme n’avait-elle pas mal vu ? C’était possible… Mais elle avait dit qu’il y en avait d’attribut Dark… D’autre Earth… Des Wind, Water… Même des Light… Cette description correspondait parfaitement. Mais enfin, c’étaient peut-être uniquement des cartes. Peut-être que son propriétaire les avaient trouvées et jugées utiles. Peut-être qu’il n’était pas vraiment un duelliste psychique.
Il y avait cent cinquante-six ans, la Lumière, pour asseoir définitivement son assise sur l’esprit des gens, avait ordonné la disparition des duellistes psychiques. Cela lui avait permis de conquérir définitivement le continent asiatique, qui avait été le dernier bastion des anciennes religions ; en effet, les duellistes psychiques étaient partout abhorrés, même si le plus souvent cette haine était infondée. Ils faisaient peur. On ne savait pas d’où venaient leurs pouvoirs, et beaucoup les maîtrisaient mal, ce qui engendrait des dégâts ; de plus, on a toujours peur de ce qui est différent. Pour toutes ces raisons, ils étaient haïs. Et leur massacre fut totalement accepté ; soutenu, même. La Lumière, par ce geste, gagna tous les cœurs ; et si quelques voix s’élevaient contre cet acte de barbarisme, elles furent vite tues. A présent les duellistes psychiques ont disparu des mémoires, sauf pour les quelques personnes les plus importantes, qui connaissaient l’histoire de l’Eglise.
Et aujourd’hui, les cartes Psychic, qui n’étaient utilisées que par eux, réapparaissaient. Mais cet homme était-il vraiment un duelliste psychique ? Si non, alors le problème n’était pas bien grave. Si oui, alors on pouvait s’attendre à des complications. Car un duelliste psychique, deux jeunes gens aux cartes inconnues, dont l’un utilisant manifestement les Ténèbres, et encore combien d’autres… Ventus avait imaginé quelque d’important. Mais il voyait maintenant qu’il se trompait : c’était très important. Il ne connaissait que la surface, mais combien de personnes complotaient contre la Lumière ?
« Monsieur Specto… »
C’était Kékéli qui avait parlé, sortant ainsi brutalement Ventus de ses pensées. En temps normal, celui-ci lui aurait froidement fait comprendre que cela lui était interdit ; mais dans le cas présent, cela ne pouvait être sans importance.
« Monsieur Specto, vous croyez que cet homme est…
- Un duelliste psychique ? Je ne sais pas, mais c’est probable.
- Non, pas ça. Je voulais dire : un Elu des Ténèbres. » Ventus le regarda, surpris. Ce que venait de dire Kékéli l’aurait immédiatement conduit en prison s’il avait été quelqu’un d’ordinaire.
« Un Elu des Ténèbres ? répéta Ventus. Comment veux-tu que ce soit possible ? Les Ténèbres ont déserté le monde depuis longtemps !
- Je le sais, Monsieur. Mais je vous rappelle qu’il y a peu, ce Dantès révélait ses cartes, les fameux Infernities, qui sont issues entièrement des ombres, ou du moins ce que nous en connaissons. Et les cartes Psychic qui réapparaissent. Franchement, Monsieur, je m’attends à tout, à présent. »
Ventus resta silencieux. Il prit son paquet de cartes, et regarda celle du dessus. C’était la carte sur laquelle tout son deck se basait, celle qui faisait sa force en duel.
« Si Kékéli a raison, murmura-t-il à la carte, il se pourrait que tu me serve à nouveau… »
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Les sept D-Wheels roulaient à toute allure sur la piste terreuse qui menait on ne savait où. Dans leur sillage, un grand nuage ocre se formait, fait de la poussière levée par leurs roues. Il tournoyait un moment sur lui-même, puis s’abattait lentement sur la route ; mais les motos étaient déjà loin.
La piste était large, brune et droite. C’était l’ancienne route qui menait à Neo Domino, ou qui en repartait ; elle avait été abandonnée depuis le cataclysme qui avait projeté l’île du Japon contre la Chine. Une nouvelle route avait été construite depuis, et celle-ci, laissée sans entretien, avait fini par sombrer dans l’inutilité. Le goudron n’était même plus visible sous l’épaisse souche de poussière qui le recouvrait ; malgré cela on distinguait encore la piste, comme un souvenir qui voudrait rester encore un peu.
C’était cette piste que Siegfried avait choisie d’emprunter, car elle était continuellement déserte et éloignée de toute autre circulation : la nouvelle voie était bien plus loin. D’un point de vue stratégique, cela était mauvais, car le tourbillon de poussière que les D-Wheels projetaient facilitaient leur repérage par d’éventuels poursuivants et empêcheraient les poursuivis de voir derrière eux. Mais c’était la solution la moins mauvaise : toute la région autour de Neo Domino était plate comme la piste, mais en plus était impraticable, à moins d’un bon stock de pneus de rechange, et de beaucoup de temps. Ce que les neuf fuyards n’avaient pas.
En tête, Siegfried réfléchissait. Ils se dirigeaient vers l’Ouest de l’Empire Sino-Japonais ; ils ne passeraient pas loin de Shangai. Mais c’était une halte qu’ils ne pouvaient se permettre. D’ailleurs, techniquement, ils ne pouvaient s’en permettre aucune, car la Lumière était partout. Même le passage de la frontière la plus proche, celle du Viet-Nam, ne les protègerait en rien ; d’ailleurs, la frontière était bien trop lointaine. Il n’y avait qu’une solution : se cacher en attendant de trouver une solution.
La région dans laquelle ils allaient pénétrer était nommée la Plaine de Chine ; mais depuis le cataclysme, cette appellation était erronée. En effet, l’archipel nippon, en venant heurter le continent, l’avait fortement froissé, et là où il y avait autrefois une grande plaine étaient à présent des montagnes moyennes, pour la plupart couvertes de forêts. Et c’était là que Siegfried comptait se cacher.
Au bout d’environ deux heures de fuite, les montagnes se dessinèrent à l’horizon ; et bientôt la piste s’arrêta, au pied des monts. Car cette piste avait été coupée lors de la catastrophe, et elle ne se poursuivait pas dans ce relief ; aussi les neuf fuyards durent-ils couper leurs moteurs.
« Quelqu’un sait si il y a un village à proximité ? demanda le Numéro Un.
- J’en sais rien, répondit Fang. Mais on s’en fiche pour l’instant, il faut qu’on rentre dans la forêt ; si on est poursuivis, c’est là qu’on se cachera le mieux. Pour le village, on verra après.
- Mais pourquoi un village ? demanda Peter.
- Pour qu’on puisse se ravitailler, expliqua Dora. Fang a raison, cachons-nous d’abord ; on avisera après. » Et de descendre une longue rasade de vodka.
« Et pour les D-Wheels, on fait comment ? » demanda à nouveau Peter.
Il y eut un silence. La forêt était certes plutôt claire, mais il n’y avait à cet endroit pas de sentier ; aussi emmener les motos avec eux serait-il difficile pour nos héros. Mais les abandonner n’était absolument pas envisageable, car c’était un moyen de fuite et de déplacement indispensable ; de plus, les laisser en évidence n’aurait fait que faciliter leur repérage.
« Je propose, dit Camille après un instant, de les enfoncer dans la forêt jusqu’à ce qu’elles ne soient plus visibles de la lisière. Ensuite, on les laisse, et on trouve un endroit où s’installer le temps de faire le point ; on ira les rechercher au besoin.
- Je suis d’accord, dit Dora. C’est la meilleure solution ; et on recouvrira les D-Wheels avec des feuilles, pour qu’elles soient encore moins visibles.
- Adopté, conclut Siegfried. Au travail. »
Et ils entreprirent de déplacer leurs véhicules jusqu’à une centaine de mètres de la lisière, un par un. Là, ils les adossèrent contre des arbres et les recouvrirent de feuilles, ou les cachèrent dans des buissons ; rendues invisibles pour qui ne chercheraient pas, les sept D-Wheels pourraient demeurer jusqu’à ce qu’elles aient à servir à nouveau.
Alors, après un bref repos, les neuf fuyards purent s’enfoncer dans la forêt pour trouver un endroit où s’arrêter. Camille voulut placer sur leur chemin des pierres entassées, pour retrouver le chemin ; mais Dora refusa, disant que c’était trop visible pour d’éventuels poursuivants. Il ne fallait rien laisser comme trace, juste se souvenir du chemin. Son ton était autoritaire, et on se rangea à sa décision.
Etrangement pour Peter et Lily, durant cette marche dans la forêt, Siegfried s’effaça pour laisser le commandement à Dora ; en effet, celle-ci semblait connaître tout des poursuites en forêt, donnant des instructions pour ne pas laisser trop de traces, déclarant tel ou tel endroit trop découvert, ou trop dangereux ; elle sut voir à l’avance un bourbier là où les autres n’avaient rien décelé, et marchait en tête, à grands pas. Elle ne semblait pas pouvoir se fatiguer. Et lorsque Lily fit la remarque, Dora répondit simplement : « J’ai été formée pour. »
Ce fut Camille et Abdel qui clarifièrent la situation, en expliquant à Peter et Lily, à voix basse :
« En fait, on ne sait pas grand-chose d’elle, sinon qu’elle a été militaire. Et pas du petit soldat, à ce qu’elle a laissé entendre… un truc d’élite ou je ne sais quoi… Ca explique sa maîtrise du terrain, son endurance… »
Et effectivement, en y regardant de plus près, Lily s’aperçut que, comme Dora avait coupé sa robe étroite pour marcher plus facilement, elle avait des jambes incroyablement musclées, encore plus qu’Abdel, qui pourtant faisait son footing tous les jours.
Bientôt, Dora fit signe aux autres de s’arrêter, ce qu’ils firent en silence. Elle semblait écouter. Et soudain elle chuchota : « A terre, vite ! », avant de se plaquer contre le sol. Chacun l’imita, et resta immobile quelques minutes. Des voix se firent alors entendre, qui se rapprochaient. Les fuyards parvinrent les identifier : il s’agissait de deux hommes, plutôt jeunes. Il y avait visiblement un sentier tout proche, car ils avançaient rapidement et n’étaient visiblement pas essoufflés. Bientôt, leurs voix furent très distinctes ; ils étaient à quelques mètres des fuyards.
« … et là, je me suis soudain rendu compte que j’avais complètement oublié de faire ma prière !
- C’est vrai ? Fais attention, si un prêtre s’en rend compte…
- T’imagine que j’ai flippé ! Je me suis rendu fissa à l’église, et j’ai prié de toutes les forces pour que la Lumière me pardonne cet oubli. Je crois que je suis resté bien deux heures à prier ; le prêtre était content de voir quelqu’un de si pieux.
- Et depuis ?...
- Je n’ai pas eu de malheur particulier ; ma prière a dû être entendue.
- Tu as de la chance que la Lumière soit clémente… Au fait, je t’ai dis que mon frère va devenir une Main ?
- C’est vrai ? Tu le féliciteras de ma part ! C’est un honneur de faire respecter la justice de la Lumière. »
Leurs voix diminuèrent, et bientôt on ne les entendit plus. Dora fit un signe, et chacun se releva, et s’épousseta. La russe but une rasade.
« Ils portaient des paniers de cerises, dit-elle. On peut donc supposer qu’il y a un village pas loin dans cette direction, ajouta-t-elle en désignant la direction que les deux inconnus avaient prise. Je propose d’aller par là.
- D’accord, dit Siegfried. On y va, mais attention à ne pas se faire repérer. »
Ils reprirent donc leur avancée, longeant le sentier qu’avaient pris les inconnus sans jamais l’approcher. Celui-ci montait progressivement autour d’un mont ; marcher était de plus en plus difficile, car la côte était forte, et les racines, les mauvaises herbes, les accidents du terrain ne la facilitaient en rien. Peter, le dernier, avançait très lentement : il était fortement essoufflé. En tête, Dora avançait prudemment, mais le plus vite possible, tout en buvant un coup de temps en temps.
Au bout de vingt minutes, la russe stoppa la marche. Ils avaient atteint une lisière. Passant prudemment la tête entre les arbres, Dora analysa le terrain.
Le sentier les avait menés dans un vallon, entre deux montagnes boisées, au fond duquel coulait une petite rivière. Autour de cette eau qui bruissait doucement, la terre avait été déboisée, ce qui formait un petit havre de tranquillité. Non loin de là, la silhouette d’un village. Les maisons semblaient pour la plupart en bois, et il on n’entendait pas de bruit ; mais cela ne voulait rien dire, car ils étaient loin.
Après avoir fait part de ces découvertes à ses compagnons, Dora dit :
« Il faut qu’on trouve une clairière, ou un endroit dégagé, que les villageois ne fréquenteront pas.
- Mais, dit Peter essoufflé, si on va cherche de quoi manger chez eux, quelle importance qu’ils nous trouvent ?
- Tu crois vraiment, dit Fang, qu’on va aller faire nos courses ? On se servira chez eux, mais en volant. Il ne faut surtout pas qu’ils nous voient.
- Ah oui, c’est vrai… »
Et ainsi, suivant toujours les ordres de Dora, ils se séparèrent en trois groupes de trois. Chacun devait partir dans une direction différente, en restant toujours à proximité du village, sans toutefois être trop très. Le premier groupe était mené par Dora, le second par Siegfried, le dernier par Les Toits. Ils se donnèrent une heure de recherche ; ce délai expiré, ils devraient se rejoindre à l’endroit où ils étaient, et déterminer si leurs recherches avaient été suffisantes. Dora prit une dernière rasade, et partit, en compagnie de Fang et Dario, vers l’Ouest ( le village se trouvaient, par rapport à leur point de départ, au Nord-Ouest ). Dans cette direction, la vallée s’étirait en longueur, serpentant entre les flancs de deux monts. La rivière la creusait petit à petit, coulant rapidement au centre, quelque fois divisée par un rocher, mais qui se reformait toujours. Autour de la rivière, il n’y avait pas d’arbres : ils avaient tous été arrachés, et on les avait ensuite empêchés de pousser, sans doute dans le but de créer de petites plages de rochers et des endroits de détente.
En suivant cette rivière à bonne distance, Dora, Fang et Dario purent apercevoir une petite église de pierre, qui était à quelques mètres de la rive ; malgré sa petite taille, elle était richement décorée, et les couleurs de la Lumière la paraient de centaines de reflets blanc et or. Quelques personnes discutaient devant ; mais aucun des trois espions ne put entendre la moindre de leurs paroles. Aussi reprirent-ils leur chemin. Leur recherche ne fut pas très fructueuse ; car vers l’Ouest il y avait un autre village, un peu plus grand et où passait une petite route de montagne, goudronnée. La petite église semblait servir pour les deux agglomérations ; aussi séjourner près de là était-il impossible : il y avait trop de risque de se faire prendre. Mais Dora voulut pour se rapprocher du second village, pour déterminer le genre de population et son nombre ; mais le hameau se trouvait de l’autre côté de la rivière, et s’approcher signifiait traverser l’espace sans arbres, où on risquait à tout moment d’être vu. Aussi Dora déclara-t-elle les lieux définitivement impropres à la dissimulation : deux villages, une petite route, une église entre les deux qui augmentait le nombre de déplacement… Toutes ces conditions confirmèrent son impression, et un peu avant la fin du délai, le petit groupe était revenu au point de ralliement, au sud-est du premier village.
Le second groupe, composé de Siegfried, Peter et Lily, avait suivi la rivière dans la direction inverse : vers l’Est. Ils restaient en lisière des arbres ; mais plus ils avançaient et plus cette lisière se rapprochait du lit du cours d’eau. Les arbres avaient été moins coupés, et bientôt il n’y eut plus de frontière entre la forêt et le torrent. Ils en déduisirent qu’il n’y avait pas de village dans cette direction ; c’était un bon point. Mais les arbres étaient de plus en plus espacés entre eux, et d’une espèce différente, moins épaisse ; cela pouvait être en même temps un avantage, pour le confort, et un désavantage, car cela les rendrait plus facilement repérables. Cependant, s’installer vers l’Est avait l’avantage d’être proche de l’endroit où les D-Wheels avaient été cachées, et donc de permettre une réaction plus rapide s’ils étaient repérés avant que les D-Wheels n’aient été amenées au lieu de campement. Ils étaient également plus près de la lisière de la forêt, au Nord du point où ils y avaient pénétré, ce qui permettrait une fuite plus rapide. Bref, cet endroit avait des avantages et des inconvénients.
En explorant un peu les alentours, Siegfried, Peter et Lily trouvèrent non pas une clairière, mais un petit espace dégagé par la chute d’un arbre énorme, dont le feuillage ne masquait plus la lumière : il était couché, et son tronc toucherait terre si un autre arbre ne le soutenait pas. Cet arbre couché avait visiblement été très vieux, et d’une espèce différente des autres, car il était noueux et épais ; si bien que dans sa chute il avait littéralement arraché tous ceux qui étaient autour de lui, bien moins résistants. Cela donnait un espace clair, dégagé, où le sol était parsemé de troncs fins qu’il serait aisé de déplacer, avec en plein milieu un énorme tronc couché. Siegfried jugea que ce lieu était « plutôt pas mal » et qu’il serait bien de s’y installer. Cette conclusion faite, ils s’assurèrent de pouvoir retrouver la clairière, et repartirent vers le point de ralliement ; ils arrivèrent un peu en retard sur l’horaire prévu.
Le dernier groupe, composé de Les Toits, Camille et Abdel, partit vers le Sud, retournant de ce fait en arrière. Ils ne pouvaient pas aller vers le Nord, car il aurait fallu traverser l’espace dégagé autour de la rivière, au risque d’être vus. Aussi retrouvèrent-ils le chemin qu’ils avaient suivi de loin, et, après s’être assurés qu’il n’y avait personne, ils le traversèrent, et ils furent de l’autre côté. Alors ils entreprirent de grimper, car alors que les deux premiers groupes restaient dans la vallée, vers le Sud, il fallait monter. Les Toits, en tête, le sourire toujours aux lèvres, paraissait plus léger que jamais : il sautait de souche en souche, de butte en butte, avec une aisance impressionnante, et avait une avance considérable sur les autres, sans jamais toutefois les perdre de vue. Il s’arrêtait même parfois pour cueillir une fleur. Abdel, lui, en grand sportif, avançait à grands pas… ou tout du moins il en avait envie. Car Camille, qui, en bonne française, n’avait rien d’une athlète, était épuisée par cette marche forcée, si bien que le Palestinien devait ralentir son allure pour l’attendre, car il savait que sinon il se le ferait dire.
Plus ils montaient, plus les arbres devenaient denses ; car ils étaient encore loin des hauteurs où les végétaux se font rares, et en s’éloignant des villages, la forêt devenait plus sauvage. Toutefois, cela restait praticable. Le sol était jonché de branches plus ou moins pourries, qui grouillaient d’insectes plus ou moins connus ; il fallait tout le temps les enjamber, les contourner, les passer. Le feuillage dense était également bas, et il fallait sans arrêt faire attention aux branches qui bloquaient le passage, bien accrochées à leur arbre cette fois. Il n’y avait pas de vent, et on n’y voyait peu, car les rayons du soleil étaient stoppés par l’épais feuillage. Au bout d’un certain temps, Abdel s’arrêta et lança à Les Toits :
« C’est inutile, Les Toits. C’est impossible de s’installer par ici. » Le vieillard se retourna, et, toujours souriant, répondit gaiement :
« Tu as raison, retournons en arrière. »
Et, au grand soulagement de Camille, ils tournèrent les talons et s’en revinrent au point de ralliement ; mais leur difficile avancée les avait beaucoup retardés, et ils arrivèrent très en retard. Dès qu’elle en vit le bout, Camille se laissa tomber par terre et n’en bougea plus, trop fatiguée pour parler.
Tout le monde était présent, et chaque groupe exposa ses découvertes ; finalement, l’espace dégagé qu’avaient trouvé Siegfried, Peter et Lily fut adopté comme campement de fortune, et il fut décidé d’y aller aussitôt. Mais Dora eut une objection.
« On ne peut pas y aller maintenant, dit-elle, ou tout du moins pas tous ensemble. Nous sommes épuisés par la fuite et la marche, et nous n’avons rien à manger. Nous devons nous séparer en deux groupes : le premier ira à cette clairière que vous avez trouvée, le second ira prendre de quoi se nourrir au village et le ramènera ensuite au camp.
- Je suis d’accord, dit Siegfried. Peter, tu sauras retrouver la clairière ?
- Euh, oui, répondit l’interpellé.
- Bien. Tu conduiras tout le monde là-bas ; mais Dora, moi et Les Toits, nous irons prendre de la nourriture. D’accord ?
- Très bien… »
Ainsi fut fait. Peter partit en tête du groupe composé de Camille, d’Abdel, Lily, Dario et Fang, et retrouva la clairière ; cela prit environ une heure. Aussitôt arrivés, ils s’organisèrent : la première chose à faire était de déblayer le sol de tous les troncs fins qui le jonchaient. Cela ne fut pas une tâche aisée, car la plupart étaient encore en partie enracinés dans le sol ; aussi tout le monde dut-il tirer de toutes ses forces, et arracher les arbres prit un temps fou. Camille eut l’idée de construire une grande cabane en plaçant les troncs fins sur celui du grand arbre couché ; en les adossant en diagonale de chaque côté, et en les recouvrant de branches feuillues, on aurait un abri de fortune. Ainsi ils n’eurent besoin d’arracher, dans un premier temps, que les troncs qui étaient autour de l’arbre, pour dégager l’espace. Mais un problème se posa : le grand tronc avait eu, alors qu’il était encore vivant, de nombreuses branches à basse altitude, si bien que là on l’on devait placer les troncs, des branches encore présentes l’empêchaient. Il aurait fallu les couper, mais avec quoi ?
On ne trouvait pas de solution. Abdel avait bien essayé de les arracher, mais ces branches étaient épaisses et encore résistantes. Ainsi le temps passa, sans que les choses n’avancent vraiment. Puis, finalement, Abdel se leva.
Pendant ce temps, Siegfried, Dora et Les Toits étaient retournés vers le petit village, le premier qu’ils avaient vu. Mais ils ne purent pas traverser l’espace dégagé autour de la rivière, car ils risquaient de se faire apercevoir. Ils se postèrent donc à la lisière de la forêt, le plus près possible du village.
« Bon, dit Siegfried, maintenant ça va être à toi de jouer. Il avait regardé Les Toits.
- Oui, fit le vieillard de sa voix aigüe. Il faudrait que nous reculions plus dans la forêt afin que je puisse ramener la nourriture discrètement.
- Tu as raison, répondit le Numéro Un. Allons-y. »
Et ils s’enfoncèrent un peu dans la forêt, jusqu’à un arbre plus grand que les autres, qui dépassait de quelques mètres la mer des feuillages. Ce serait l’endroit où Les Toits devrait rejoindre les deux autres avec le butin de ses rapines. Dora frissonnait. Elle savait comment le vieillard allait s’y prendre ; c’était un mythe dans le groupe, chacun, sauf peut-être Peter et Lily, avait entendu parler de cette capacité incroyable de Les Toits ; mais seul Siegfried l’avait vue en action. Le pouvoir qui faisait du vieillard le second du groupe. Et elle aurait la chance de le voir.
Les Toits commença à escalader l’arbre, prenant d’abord appui sur la haute stature de Siegfried, puis s’aidant des seules branches. Il semblait toujours léger, agile, malgré ses membres trop fins pour qu’un muscle puisse s’y cacher ; mais ce n’était qu’apparence, et sous les regards émerveillés et inquiets de Dora et Siegfried, il monta très haut, et finit par arriver dans la partie de l’arbre qui dépassait les autres. De là, il pouvait voir le village, à moitié caché par l’océan de verdure qui s’étendait sous lui.
« C’est la première fois que tu vas le voir, dit Siegfried à Dora.
- Oui, répondit la russe ; mais on l’aperçoit mal, avec toutes ces branches.
- Profite du peu que tu vas voir, c’est un spectacle à couper le souffle. » Elle prit une longue rasade.
Là-haut, Les Toits attrapa une branche au-dessus de lui, et éprouva sa résistance. Satisfait, il se pendit à elle, retenu juste par les mains, et commença à avancer, centimètre par centimètre. Puis, arrivé à un endroit où il n’avait plus en-dessous de lui que du vide, il s’arrêta un instant.
Dora retint son souffle.
Et Les Toits se laissa tomber.
La russe laissa échapper une exclamation étouffée : plus de cinquante mètres de chute attendaient le vieillard. Mais Les Toits ne tomba pas, ou peu. A peine avait-il lâché la branche qu’il écarta les jambes, et sa chute fut stoppée net, comme s’il avait atterri sur quelque chose d’invisible ; et sans laisser à Dora le temps de se remettre, il s’était envolé au-dessus des arbres.
Il flottait dans les airs, dans une position qui rappelait celle du cavalier, si ce n’est qu’il ne reposait sur rien. Ses cheveux blancs volaient au vent, et, tournoyant lentement, il s’élevait, comme s’il prenait appui sur les courants ascendants pour monter. Dora et Siegfried ne le voyaient plus, et il ne les distinguait pas à travers les feuilles ; mais il les imaginait très bien, elle suffoquée, lui enchanté malgré le fait qu’il ne découvrait pas. Et il sourit. Peu de gens l’avaient vu s’envoler, mais c’était toujours la même réaction : stupeur, enchantement. Il aimait bien créer cette surprise chez les gens ; mais ce n’était rien à côté des sensations que lui procurait le vol…
« Tu as vu, Roc ? Dora ne s’en remettra pas avant un certain temps, je crois ! » dit-il en riant. Et lui seul entendit la réponse.
En bas, Dora vidait entièrement sa flasque de vodka, déterminée à se remettre de ses émotions. Siegfried, assis sur un rocher, la regardait, amusé. Elle avait été militaire, mais aucun entraînement ne préparait à ça ! Alors, quand elle eut bu tout ce qu’elle avait en alcool, elle se laissa tomber à terre.
« Alors c’était vrai… chuchota-t-elle.
- Eh oui, répondit l’Allemand. Les Toits peut voir et toucher les Esprits des cartes, et eux peuvent faire de même.
Il y eut un silence.
- Et… quel est le monstre qui le porte ?
- Je ne sais pas. Il ne me l’a jamais dit clairement, mais il a parfois prononcé le mot « roc » ; d’après mes recherches, cela ne correspond à aucune carte connue. J’en déduis donc qu’il s’agit d’une carte que l’Eglise a spolié.
- Et… comment c’est, un esprit ?
- Comment veux-tu que je le sache ? fit Siegfried en riant. Il n’y a que lui qui peut les voir ! Cependant je suppose que ça ressemble à ce qu’il est sur la carte qui lui correspond… Quoiqu’il en soit, ce « roc » possède des ailes, puisqu’il porte Les Toits. Et vu comment le vieux écarte les jambes, il doit être de belle envergure. »
Ils se turent quelques minutes. Puis Dora demanda :
« Pourquoi il n’en parle jamais ?
- Et bien… à vrai dire, je ne sais pas exactement. Mais tu sais, Les Toits, c’est Les Toits, on ne va pas le changer… »
Nouveau silence.
« Et… C’est pour ça qu’il ne joue presque jamais aux cartes ?
- Je suppose, oui. En tout cas, je ne l’ai jamais vu jouer.
- Je vois… »
Et le silence s’installa définitivement. Durant un petit quart d’heure, on n’entendit que le frissonnement du vent dans les feuilles, et le chant des oiseaux. Puis, d’un coup, un bruit se fit entendre ; immédiatement, Siegfried et Dora levèrent la tête, et virent Les Toits, presque au sommet de l’arbre, qui s’accrochait aux branches, un sac sur le dos et un accroché à chaque bras. Quelques minutes plus tard, il redescendait, petit à petit mais toujours vigoureusement, les cinquante mètres du tronc ; il portait l’un des sacs sur le dos, et accrochait les deux autres aux branches, puis les faisait descendre branche à branche. Arrivé en bas, il n’avait pas perdu son sourire.
« Voilà, dit-il de sa voix aigüe, j’ai trouvé des sacs, ça sera plus facile pour tout transporter. »
Il tendit les deux qu’il ne portait pas à Dora et Siegfried, et ceux-ci furent surpris par leurs poids : ils étaient pleins.
« J’ai trouvé de la charcuterie, des légumes et des fruits, fit le vieillard d’un air malicieux. Et j’ai aussi pris un couteau pour que Camille puisse tout préparer ! »
Et il se mit en marche vers la direction qu’il supposait être celle du campement. Tout simplement. Se remettant de sa surprise, Siegfried se hâta de passer devant afin de guider ; Dora, quand à elle, pensa : « Ce vieillard me surprendra toujours… ». Et elle suivit Siegfried.
Et voilà ! J'espère que vous avez aimé et que vous attendez la suite.
Maintenant je vais vous demander une chose.
Je sais que ce que vais vous demander est assez étrange, mais j'aimerais que les prochains commentateurs me listent TOUS les défauts qu'ils trouvent à cette fiction. Car j'ai besoin de le savoir pour avancer, ma méthode d'écriture ne me laissant que très peu de vision sur l'ensemble du récit. N'hésitez pas à dire ce que vous pensez, sans y mettre les formes ; comparez à d'autres fictions si possible, bref, dites TOUT ce que vous pouvez sur ce qui ne va pas.
Je vous remercie d'avance ! Et à bientôt pour un prochain chapitre !
___________________ - Un vaisseau de fantômes gréé d'algues marines ! Une chose engloutie qui jamais n'aurait dû revoir la face du soleil ! Sur son pont limoneux, un nautonier à l'orbite putride attend de nous entraîner vers les profondeurs sépulcrales où se lamente le choeur sans voix des noyés boursouflés par les miasmes de l'onde amère !
- Vous... vous dites ça pour plaisanter ?
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NeroKyusi Hors Ligne Membre Inactif depuis le 06/05/2018 Grade : [Kuriboh] Echanges 100 % (3) Inscrit le 13/04/2010 30 Messages/ 0 Contributions/ 10 Pts | Envoyé par NeroKyusi le Mardi 03 Août 2010 à 22:43
Tous leurs traits de caractère (ou physiques) sont vraiment représentatifs des clichés qu'on a envers les autres
Clichés... Clichés ! Ok, faut que je revoie mes personnages, moi... Je veux tout, SAUF des clichés ! J'ai horreur de ça ! Merci d'avoir mis le doigt sur un défaut de cette fic ! Je vais tenter de corriger ça !
Eh mince alors ! Moi qui voulait te dire un point que j'apprécie dans ta fic, tu prend ça comme un défaut. En fait, j'ai peut-être mal formulé ce que j'ai voulu dire, donc voilà une reformulation :
Ce que je voulais dire, c'est que tu utilises des clichés (et j'ai cru comprendre que tu n'aimais pas ça) mais que tu les utilises bien et de façon humoristique ! Pour moi, le fait de les utiliser de cette manière là, fait qu'ils ne ressemblent plus à des clichés mais à des traits de caractère propre à chaque perso. Tu peux aussi prendre cela comme un défi, car rarissimes sont les auteurs expérimentés (personnellement je te considère comme l'un des leurs, vu ton niveau d'écriture) qui osent les utilisés. Car pour moi il y a deux types de "clichés" :
- Ceux qu'utilisent les auteurs débutants quand ils ne savent pas donner de caractère à leur perso et qui ne les résume qu'à ça
-Et ceux qui les utilisent comme un seul trait de caractère de leur perso.
Je pense (je suis même sûr) que tu te situe dans la 2e catégorie.
Voilà ce que j'ai voulu dire dans mon précédent message.
Si tu veux la liste de ce que je considère comme clichés, les voilà :
-Maria : Argentine : très belle femme
-Dario : Italien : Gros dragueur
-Abdel : Palestinien : sportif
-Camille : Française : très bonne cuisinière
-Dora : Russe : Alcoolique
-Anton : Américain : obèse
Au risque de me répéter, ces clichés ne sont qu'un seul trait de caractère de tes persos.
Sinon pour le dernier chapitre posté :
Pour Abdel et son deck, je me sens vraiment honteux de ne pas y avoir pensé.
Pour Les Toits, le fait qu'il se mette à voler ne m'a pas étonné plus que ça vu la bizarrerie du personnage ( faut dire que le fait qu'il arrive chez Grenn avant les autre aide beaucoup.) Mais alors la chute (si on peut appeler ça comme ça ) avec le Roc de la Vallée de Brume m'a surpris, on comprend comment il faisait pour ne pas s'ennuyer sur le toit, il se tapait la discute. ^^
Ca laisse présager un deck Bête Ailée ou Vallée de Brume pour lui. Mais par contre, pourquoi la Lumière à spoiler ces cartes, tu me poses une colle.
Sinon quand nous postes-tu la suite ?
[ Dernière modification par NeroKyusi le 03 aoû 2010 à 22h44 ]
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